L’image du consommateur de cannabis faignant et démotivé semble erronée
Depuis près d’un siècle, la culture populaire est remplie d’images de « stoners » paresseux et démotivés qui ne font rien d’autre de leur vie que de fumer du cannabis, mais une nouvelle étude menée par une équipe de chercheurs britanniques met fin à ce vieux mythe. À travers une série d’expériences en laboratoire et des examens d’imagerie cérébrale, l’étude n’a démontré aucune différence dans la motivation ou le traitement des récompenses entre les consommateurs et les non-consommateurs de cannabis.
Image d’entête : Brad Pitt “stone” dans le film True Romance. (Everett Collection)
Pour Martine Skumlien, coauteure de la nouvelle étude de l’université de Cambridge (Royaume-Uni) :
Nous sommes tellement habitués à voir des « stoners paresseux » sur nos écrans que nous ne nous demandons pas s’ils sont une représentation exacte des consommateurs de cannabis. Notre travail implique qu’il s’agit en soi d’un stéréotype du paresseux, et que les personnes qui consomment du cannabis ne sont pas plus susceptibles de manquer de motivation ou d’être plus paresseuses que les personnes qui n’en consomment pas.
Les nouvelles recherches ont porté sur trois enquêtes clés visant à mesurer l’apathie (mesure de la motivation) et l’anhédonie (diminution de la capacité à ressentir du plaisir) chez les consommateurs réguliers de cannabis par rapport aux témoins non consommateurs. La première étude consistait en une enquête par autodéclaration auprès d’environ 250 volontaires, dont la moitié était des consommateurs réguliers de cannabis (consommant en moyenne quatre jours par semaine), tandis que l’autre moitié était constituée de non-consommateurs appariés par l’âge et le sexe.
Ces premiers résultats n’ont révélé aucun lien entre la consommation de cannabis et l’apathie ou l’anhédonie. En fait, les consommateurs de cannabis ont obtenu un score légèrement inférieur aux mesures de l’anhédonie, ce qui suggère qu’ils étaient plus à même d’éprouver du plaisir que les non-consommateurs.
Selon Skumlien :
Nous avons été surpris de constater qu’il y avait vraiment très peu de différence entre les consommateurs de cannabis et les non-consommateurs en ce qui concerne le manque de motivation ou le manque de plaisir, même chez ceux qui consommaient du cannabis tous les jours. Cela va à l’encontre de la représentation stéréotypée que nous voyons à la télévision et dans les films.
Environ la moitié de la cohorte initiale a ensuite été invitée au laboratoire pour réaliser un certain nombre d’expériences comportementales. Ces tests étaient conçus pour mesurer l’effort qu’une personne était prête à fournir pour recevoir une récompense, et le plaisir qu’elle pouvait ressentir en la recevant.
Là encore, les chercheurs n’ont constaté aucune différence entre les deux groupes pour ces deux tâches. Les consommateurs de cannabis ont fourni le même effort physique que les non-consommateurs et ont éprouvé le même plaisir à recevoir une récompense.
Plus intéressant encore, les chercheurs ont divisé leur cohorte en deux groupes d’âge : les adolescents de 16 ou 17 ans et les adultes d’une vingtaine d’années. Démontant davantage le mythe du « stoner », les chercheurs n’ont constaté aucune différence dans les résultats des tâches entre les groupes d’âge, ce qui indique que la consommation de cannabis ne semble pas influencer négativement la motivation ou le traitement des récompenses chez les adolescents.
Les chercheurs sont beaucoup plus prudents lorsqu’ils soulignent cette découverte relativement nouvelle liée à l’âge. De précédentes études ont révélé des taux plus élevés d’anhédonie chez les adolescents consommateurs de cannabis. Et des liens ont déjà été établis entre la consommation de cannabis et la diminution de la motivation scolaire.
Ici, les chercheurs suggèrent qu’il existe potentiellement une variété de résultats motivationnels liés à la consommation de marijuana chez les adolescents qui ne sont pas détectés par les tests utilisés dans cette étude. Ainsi, en particulier chez les jeunes, la consommation de cannabis peut encore avoir des effets néfastes sur le long terme.
Selon les chercheurs, concernant les résultats négatifs pour les adolescents qui fument du cannabis dans leur étude :
La consommation quotidienne peut être associée à une plus grande apathie en raison d’une plus grande durée d’intoxication, et pourrait avoir un impact négatif sur les résultats scolaires simplement parce que les adolescents passent plus de temps à consommer du cannabis qu’à s’adonner à d’autres activités.
La dernière partie de cette nouvelle recherche, rapportée dans une étude annexe, a utilisé l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) pour étudier toute différence dans le traitement de la récompense entre les consommateurs et les non-consommateurs. L’accent a été mis en particulier sur l’activité d’une région du cerveau appelée striatum ventral, cruciale pour les sentiments d’anticipation de la récompense.
Pendant que leur cerveau était scanné, les participants ont joué à un jeu conçu pour stimuler l’activité neuronale dans les régions associées à l’anticipation de la récompense et à la rétroaction. Là encore, et contrairement aux hypothèses initiales des chercheurs, aucune différence n’a pu être constatée entre les consommateurs de cannabis et les non-consommateurs.
Selon Barbara Sahakian, une autre chercheuse travaillant sur le projet :
Nos données indiquent que la consommation de cannabis ne semble pas avoir d’effet sur la motivation des consommateurs récréatifs. Les participants à notre étude comprenaient des utilisateurs qui prenaient du cannabis en moyenne quatre jours par semaine et ils n’étaient pas plus susceptibles de manquer de motivation. Cependant, nous ne pouvons pas exclure la possibilité qu’une consommation plus importante, comme on le voit chez certaines personnes souffrant de troubles de l’usage du cannabis, ait un effet.
L’étude publiée dans l’International Journal of Neuropsychopharmacology : Anhedonia, apathy, pleasure, and effort-based decision-making in adult and adolescent cannabis users and controls avec son annexe : Neural responses to reward anticipation and feedback in adult and adolescent cannabis users and controls et présentée sur le site de l’Université de Cambridge : Cannabis users no less likely to be motivated or able to enjoy life’s pleasure.