Le taxon Lazare du King Kong des insectes. (Très belle vidéo)
Robert Krulwich, un célèbre reporter scientifique pour le site du NPR (National Public Radio) qui est, notamment, la principale radio non commerciale des États-Unis, à récemment conter l’histoire fantastique d’un effrayant gros insecte, qui mérite désormais tout notre respect.
À propos de mon titre : Le taxon Lazare est le phénomène de réapparition d’une espèce que l’on croyait éteinte et King Kong, car ce bâton qui marche de l’ile de Lord Howe pourrait avoir la même histoire, en beaucoup moins destructeur et avec un dénouement plus optimiste.
Le Dryococelus australis qui appartient à la famille des phasmes (mâle et femelle sur la photo d’entête) est un gros insecte, sans vraiment de charme, qui avait quand même une certaine notoriété sur l’île australienne Lord Howe (image satellite ci-dessous).
Tentant de passer inaperçu en prenant la forme d’un morceau de bois, il est si grand (12 cm) et si dur que les Européens le surnommèrent le “homard des arbres”. Jusqu’au début du 20e siècle, son principal ennemi, qui n’était pas une menace pour sa survie, était les pêcheurs locaux qui l’utilisaient en tant qu’appât.
Ci-dessous : une femelle Dryococelus australis.
Puis un jour, en 1918, un navire de ravitaillement anglais s’échoua sur l’île Lord Howe sur laquelle furent entreposés la cargaison et l’équipage du navire, le temps des réparations. Malheureusement, le bateau contenait aussi des passagers inopportuns, des rats qui n’hésitèrent pas à envahir l’ile vierge et à tout dévorer sur leur passage, y compris nos nouveaux amis les phasmes Dryococelus australis. En 2 ans, ils avaient disparu ainsi que beaucoup d’espèces endémiques de cette petite île. Depuis lors, le gros insecte n’avait plus été aperçu.
En 1960, à une vingtaine de kilomètres de l’ile Lord Howe, sur les restes d’un ancien volcan appeler Pyramide de Ball (550 mètres de hauteur et d’une longueur de 1100 mètres, en photo ci-dessous) des grimpeurs avaient bien aperçu quelques cadavres de l’insecte, mais celui-ci étant nocturne, personne n’osa s’aventurer sur les escarpements abrupts de l’ancien volcan en pleine nuit.
Pyramide de Ball
Il fallut attendre jusqu’en 2001, lorsque deux chercheurs australiens, David et Nicolas Priddel Carlile, avec deux assistants, ont décidé d’y regarder de plus près. À partir de leur embarcation, ils avaient repéré quelques rares touffes de végétation posées à la verticale, à flanc de roche, qui pourrait plaire au phasme géant, avant d’y découvrir des crottes qui pouvaient appartenir à un gros insecte. Mieux équipé, ils sont revenus quelques jours plus tard et on put y trouver plus de 24 des phasmes disparus… tous vivant et réuni à proximité d’une même plante. Suite à leurs analyses sur la Terre ferme, ils confirmèrent qu’ils étaient les derniers à vivre là, sur la Pyramide de Ball et nulle par ailleurs.
Non seulement, il était extraordinaire que ces insectes aient survécu avec si peu de végétation aux alentours, mais comment ils étaient arrivés sur cette montagne aux flancs escapés, étaient encore plus mystérieux… peut-être transporté par un oiseau, par les pêcheurs, personne ne le sait.
Les scientifiques pensaient désormais à sortir cet insecte de sa prison verticale, mais le gouvernement australien ne l’entendait pas de cette oreille et, après moult négociations, il décida de laisser seulement 4 spécimens aux scientifiques pour un programme d’élevage et de réintroduction. Les chercheurs retournèrent sur la petite ile pour les récupérer et ils furent placés sous la responsabilité de Patrick Honan, spécialiste des invertébrés au zoo de Melbourne (Australie). De ces 4 individus, 2 sont morts, les 2 autres furent alors nommés Adam et Ève…
Alors que Ève commençait a déposé ses œufs, elle tomba malade et ce fut une course contre la montre qu’entreprit le chercheur pour la maintenir en vie. Après plusieurs jours de vaines tentatives, écoutant son instinct, il lui concocta un mélange qui comprenait du calcium et du nectar qu’il donna au goutte à goutte à sa patiente, alors qu’elle était recroquevillée dans sa main. Son rétablissement fut presque instantané et pour rajouter à l’enthousiasme, ces 30 premiers œufs étaient viables, devenant ainsi les fondations d’une nouvelle population de Dryococelus australis.
Ci-dessous (A voir !!) : la très belle vidéo de l’éclosion du phasme de l’île Lord Howe (Dryococelus australis), après 6 mois d’incubations (musée de Melbourne).
Depuis, ce sont des dizaines de milliers d’œufs et un millier d’adultes qui vivent en captivité. Les chercheurs ont d’ailleurs découvert que Le bâton marcheur de l’ile Lord Howe semble vivre en couple, un comportement inhabituel pour un insecte. La nuit, ils dorment par paires et le mâle entoure de ces 3 pattes protectrices la femelle près de lui.
Bien sûr, ce programme vise à sa réintroduction dans son milieu naturel d’origine, pour l’instant l’île de Lord Howe est toujours infestée de rats noirs et il serait très onéreux de les en faire disparaitre. Ainsi le musée de Melbourne mène une campagne de relations publiques (comme par la vidéo ci-dessus) pour rendre cet insecte adorable, ou noble à nos yeux…
A partir du NPR : Six-Legged Giant Finds Secret Hideaway, Hides For 80 Years et du manuel pour l’élevage de l’insecte bâton de l’île Lord Howe (PDF) : Husbandry manual for the Lord Howe island stinck insect.
Ils peuvent toujours essayer 🙂 Adorable et insecte ne peuvent pas être mis dans une seule phrase sauf si c’est « Mon adorable chat a peur des insectes ». Sinon, elle est incroyable cette histoire. Comme quoi l’instinct de survie d’une espèce est juste incroyable. Par contre Je me demande pourquoi du calcium et du nectar ont remis l’insecte sur pied, est ce la base de leurs alimentation? étaient-ils en carence?
PS : » Il fallut attendre jusqu’en 200, lorsque deux chercheurs australiens… » attendre l’an 2000? 2001 ?
Merci pour ces articles Guru.
Bonjour DSadl,
Le régime alimentaire d’une espèce de phasme endémique d’une île australienne… difficile à dire, mais sachant qu’ils se nourrissent de plantes sur un environnement rocheux, ils ont un sacré exosquelette à former et maintenir…
J’ai rattrapé le 1 qui devait être derrière le 200 pour l’année 2001 !
Merci !