Pour survivre, les homo sapiens savaient comment chasser le singe et l’écureuil géants dans les forêts tropicales
Les anciens humains chassaient et tuaient des mammifères arboricoles, comme les singes et les écureuils géants, bien plus tôt qu’on ne le pensait auparavant.
Image d’entête : écureuil géant de Ceylan Ratufa macroura. (Steve Garvie/ Wikimedia)
Des fouilles minutieuses d’une grotte dans une forêt pluviale du Sri Lanka montrent que les humains anatomiquement modernes, il y a 45 000 ans déjà, utilisaient des stratégies de chasse sophistiquées pour capturer ces animaux rusés.
Leur recherche pourrait aider à expliquer comment l’Homo sapiens a pu coloniser une série d’environnements extrêmes et pourquoi il est aujourd’hui le seul survivant d’un arbre généalogique qui comprenait autrefois des Néanderthaliens, des Dénisoviens et d’autres espèces humaines archaïques.
Selon l’archéologue Michelle Langley de l’université Griffith en Australie, qui a dirigé l’analyse des outils de l’étude :
Il est de notoriété publique qu’il est difficile de survivre dans les forêts tropicales.
Elles n’ont pas autant de ressources que les savanes, qui ont de grands troupeaux de gros animaux comme les antilopes ou les bisons. Les animaux qu’elles abritent ont tendance à être difficiles à trouver, ou ils sont dans les arbres où il faut des technologies assez spéciales pour les attraper.
À cela s’ajoutent les prédateurs de la jungle, comme les tigres et les jaguars, et les maladies qui vont de pair avec l’humidité de l’environnement, explique Langley.
Malgré cela, d’anciens restes humains ont été trouvés éparpillés dans des zones de forêt tropicale humide en Asie du Sud-Est et en Nouvelle-Guinée. La façon dont les anciennes communautés vivaient dans ces environnements impitoyables n’a pas toujours été très claire.
La grotte Fa-Hien Lena dans le sud-ouest du Sri Lanka est le premier site d’occupation humaine de l’île. Les restes humains qui y ont été trouvés, dont 3 enfants et une femme adulte, datent d’il y a environ 30 000 ans.
La dernière étude, menée par des chercheurs de l’Institut Max Planck pour la science de l’histoire humaine à Iéna, en Allemagne, est la première à passer systématiquement au crible les milliers d’os d’animaux et les petits outils en pierre et en os extraits des couches du sol de la grotte. En tout, se sont plus de 14 000 fragments d’os et de dents ont été examinés.
Le travail minutieux révèle que les occupants de la grotte ont mangé des singes et de gros écureuils, et qu’ils ont constamment ciblé de gros spécimens adultes.
De petits outils en os pointu, façonnés à partir des os des membres des animaux capturés, ont également été trouvés, ce qui suggère que les habitants avaient développé une technologie raffinée et sophistiquée pour exploiter leur environnement.
Exemple d’outils fabriqués à partir d’os de singes et de dents retrouvés dans les couches du Pléistocène supérieur de la grotte de Fa Hien, Sri Lanka. ( N. Amano/ Max Planck Institute for the Science of Human History)
La datation isotopique des vestiges indique que les populations chassaient de petits mammifères il y a 45 000 ans déjà, soit 20 000 ans plus tôt que les preuves de telles pratiques en Europe et en Asie occidentale.
Selon l’anthropologue Michael Petraglia de l’Institut Max Planck pour la science de l’histoire humaine, auteur principal de cette étude :
L’utilisation de ces ressources difficiles à capturer est un exemple de plus de la flexibilité comportementale et technologique de l’Homo sapiens.
Grâce à ce genre d’études, nous commençons maintenant à apprécier la facilité avec laquelle nous avons été en mesure d’adapter nos technologies à des environnements vraiment différents et à des environnements vraiment extrêmes.
Michael Petraglia et ses collègues examinent maintenant les outils en os pour déterminer comment ils ont été utilisés :
Utilisaient-ils des fléchettes, un arc et des flèches, une lance, des objets lancés à la main, ou un piège avec quelque chose attaché ?
Quoi qu’il en soit, la technologie était complexe et réfléchie.
L’étude publiée dans Nature Communications : Specialized rainforest hunting by Homo sapiens ~45,000 years ago et présentée sur le site du Max Planck Institute for the Science of Human History : The Monkey Hunters: Humans colonize South Asian rainforest by hunting primates.