Ig Nobel 2019 : Tous les gagnants de la science qui fait d’abord rire et ensuite réfléchir
Les Annales de la recherche improbable (Annals of Improbable Research) ont remis leurs prix Ig Nobel 2019 jeudi soir (12 Sept.) lors d’une cérémonie au Théâtre Sanders de l’université d’Harvard. Ces prix sont décernés chaque année à des recherches/ études qui font d’abord rire et ensuite réfléchir.
Avec les études présentées qui sont fondamentalement drôles, même si ce n’est pas là leur première fonction, la cérémonie dérive rapidement dans le comique, tant de la part des principaux protagonistes, les scientifiques lauréats de l’année précédente et les nouveaux nominés, que de la par du public (une vidéo de l’intégralité de la cérémonie est disponible à la fin de cet article).
La cérémonie comprend des mini-opéras, des démonstrations scientifiques et des conférences au cours desquelles les experts doivent expliquer leurs travaux deux fois : une fois en 24 secondes et la seconde en sept mots seulement. Les discours d’acceptation sont limités à 60 secondes, sous peine de se voir interrompre par une petite fille…
Les lauréats reçoivent la gloire éternelle de l’Ig Nobel et un billet de dix milliards de dollars du Zimbabwe (0,36 euro).
1e Prix d’Anatomie
L’étude « Asymétrie thermique du scrotum humain » (Thermal asymmetry of the human scrotum, 2007), dans laquelle la température du testicule gauche, plus précisément de la poche renfermant la testicule (scrotum) de sujets masculins a été comparée à la température du testicule droit, fut la plus remarquée. Ainsi, le prix d’anatomie a été décerné à Roger Mieusset et Bourras Bengoudifa de l’Université Toulouse III (France) pour leurs travaux.
Il est assez bien connu que parfois le testicule gauche pend un peu plus bas que le droit, probablement soit pour éviter une collision entre les deux testicules, soit pour assurer un refroidissement plus efficace.
Image d’entête : à partir de l’étude, changements dans le temps de la température scrotale droite et gauche chez des facteurs en France. Chaque point représente la moyenne de chaque mesure effectuée chez les 11 hommes. Chaque homme est actif pendant 90 minutes consécutives en position debout avec de courtes périodes de mouvement à l’intérieur d’une grande pièce. (Roger Mieusset et Bourras Bengoudifa/ Human reproduction 2007)
Prix de Médecine
Le prix de médecine a été décerné à Silvano Gallus pour plusieurs études sur la consommation de pizzas : « La pizza protège-t-elle contre le cancer ? »(Does Pizza Protect Against Cancer? 2003), « La pizza et le risque d’infarctus aigu du myocarde » (Pizza and Risk of Acute Myocardial Infarction 2004) et « La consommation de pizza et le risque de cancer du sein, des ovaires et de la prostate. » (Pizza Consumption and the Risk of Breast, Ovarian and Prostate Cancer 2006).
Gallus et ses collègues italiens reconnaissent que tout effet d’influence positif qu’ils ont trouvé pourrait être dû aux bénéfices globaux d’un régime méditerranéen.
Prix de la Formation médicale
Le Prix de la formation médicale a été décerné à Karen Pryor et Theresa McKeon (Etats-Unis), pour avoir utilisé une technique simple de dressage des animaux, appelée « dressage par Cricket » (Clicker training) afin de former des chirurgiens à pratiquer la chirurgie orthopédique. L’étude est intitulée : « L’enseignement de techniques chirurgicales simples à l’aide d’un programme d’apprentissage par opérateur est-il plus efficace que l’enseignement par démonstration. » (Is Teaching Simple Surgical Skills Using an Operant Learning Program More Effective Than Teaching by Demonstration, 2015)
Le groupe d’étudiants en médecine entraînés par cricket a pris plus de temps pour apprendre les tâches, comme de faire un nœud complexe, que le groupe témoin, mais ils étaient meilleurs par la précision dans l’exécution des tâches. Et lorsqu’il s’agit de chirurgie, la précision est primordiale.
Prix de Biologie
Le prix de biologie a été remporté par Ling-Jun Kong, Herbert Crepaz, Agnieszka Górecka, Aleksandra Urbanek, Rainer Dumke et Tomasz Paterek pour leur « Caractérisation biomagnétique in vivo de la blatte américaine » (In-Vivo Biomagnetic Characterisation of the American Cockroach, 2018).
Image d’entête : schéma de l’expérimentation de magnétisation de blattes. (Ling-Jun Kong et col./ Scientific Reports)
Des études ont montré que les blattes et d’autres types d’insectes semblent être capables de détecter les champs magnétiques (magnétoréception), et elles peuvent également devenir magnétisées. Kong et ses collègues de l’Université de technologie de Nanyang (Singapour) ont utilisé une technique non invasive appelée magnétorelaxométrie (MRX) pour mesurer comment les blattes américaines mortes et vivantes deviennent magnétisées et à quelle vitesse cette magnétisation diminue.
Conclusion : les blattes vivantes se démagnétisent (c’est-à-dire que le champ magnétique se désagrège) beaucoup plus rapidement que les blattes mortes.
Prix de Chimie
Le prix de chimie a été décerné à Shigeru Watanabe, Mineko Ohnishi, Kaori Imai, Eiji Kawano et Seiji Igarashi du Japon pour leur « Estimation du volume total de salive produit par jour chez les enfants de 5 ans » (Estimation of the Total Saliva Volume Produced Per Day in Five-Year-Old Children, 1995).
Les auteurs ne parviennent toujours pas à expliquer clairement dans leur document pourquoi ils ont décidé que cela valait la peine d’être étudié.
Prix d’Ingénierie
Le prix d’Ingénierie a été décerné à Iman Farahbakhsh pour avoir breveté cette machine : « Appareil et méthode de lavage et de changement de couches pour nourrissons, » (Brevet déposé aux Etats-Unis : Infant Washer and Diaper-Changer Apparatus and Method)
Farahbakhsh, un ingénieur iranien, a donc conçu une machine du même genre qu’un lave-vaisselle standard, sauf qu’à la place de vaisselles, c’est un bébé que l’on y place.
Selon le brevet :
Une fois que le nourrisson est placé à l’intérieur de l’appareil, diverses étapes peuvent, dans certains cas, être exécutées automatiquement sans que l’opérateur ait besoin de toucher le nourrisson ou d’interagir manuellement avec la couche ou le nourrisson pendant le processus de changement.
Avec le fait de libérer du temps aux parents indélicats/ psychopathes, cela pourrait également réduire la consommation d’eau.
Prix d’économie
Le prix d’économie a été décerné à Habip Gedik, Timothy A. Voss et Andreas Voss pour leur étude « Argent et transmission des bactéries » (Money and Transmission of Bacteria, 2013), qui compare le pouvoir germinatif, là où se développent le mieux les bactéries, de monnaies papier de différentes nations.
Pour vérifier cette hypothèse, ils ont délibérément contaminé des billets de banque du monde entier, dont l’euro, le dollar américain, le dollar canadien, le luna croate, le leu roumain, le dirham marocain et la roupie indienne, avec des souches de Staphylococcus aureus et d’Escherichia coli, par exemple. Ils ont ensuite testé la durée de survie des bactéries sur les billets de banque et si l’une d’entre elles avait été transmise après avoir été manipulée par des sujets.
Le leu roumain (image d’entête/ Wikimédia) fut la seule à transférer deux des souches bactériennes, peut-être parce qu’elle est à base de polymères.
Prix de la Paix
Le Prix de la paix a été décerné à Ghada A. bin Saif, Alexandru Papoiu, Liliana Banari, Francis McGlone, Shawn G. Kwatra, Yiong-Huak Chan et Gil Yosipovitch pour « Le plaisir de gratter une démangeaison : Une évaluation psychophysique et topographique, » (The Pleasurability of Scratching an Itch: A Psychophysical and Topographical Assessment, 2012) .
Bin Saif (Arabie Saoudite) et ses collègues ont remarqué qu’il ne semblait pas y avoir d’études quantifiant cette agr éable expérience. Pour leur étude de 2012, ils ont utilisé une légumineuse tropicale appelée pois mascate (image ci-contre, une gousse aux poils urticants de la légumineuse/ Wikimédia) pour induire des démangeaisons sur différentes parties du corps : avant-bras, cheville et dos, juste sous l’omoplate. (Il s’agit de « zones où les patients atteints de maladies telles que le lichen simplex chronicus (lichénification) ou l’eczéma atopique se démangent et se grattent fréquemment »).
Résultat : les démangeaisons étaient plus intenses sur la cheville et le dos que sur l’avant-bras, avec un degré élevé correspondant au plaisir dû au grattage.
Prix de Psychologie
Le prix de psychologie a été remporté par Fritz Strack (Allemagne) pour son étude intitulée : « Inhiber et faciliter les conditions du sourire humain : un test non intrusif de l’hypothèse de la rétroaction faciale » (Inhibiting and facilitating conditions of the human smile: a nonobtrusive test of the facial feedback hypothesis) suivi de “Des données à la vérité en science psychologique. Une perspective personnelle” (From Data to Truth in Psychological Science. A Personal Perspective, 2017).
L’hypothèse était que le fait de tenir un stylo dans la bouche pour faire sourire une personne rendrait celle-ci plus heureuse, et la seconde a constaté que l’hypothèse ne tenait pas le coup.
Prix de Physique
Le prix de physique a été décerné à Patricia Yang, Alexander Lee, Miles Chan, Alynn Martin, Ashley Edwards, Scott Carver et David Hu pour leur étude révolutionnaire sur « Comment les Wombats fabriquent-ils des cubes de caca ? » que le Guru vous laisse découvrir dans sa précédente description de l’étude en cliquant sur le lien ci-dessus.
L’intégralité de la cérémonie :
Annoncée sur le site Improbable Research qui organise chaque année cette cérémonie : The 2019 Winners.