S’ils existent, comment repérer un trou de ver ?
Les trous de ver (wormhole en anglais) ont toujours été un élément fascinant de la science-fiction, parce que l’entrelacement des dimensions en courbant l’espace et le temps est plutôt cool. Malheureusement, leur existence n’a jamais été prouvée. Heureusement, cela n’a pas empêché les scientifiques d’essayer. Une nouvelle étude de l’université de Buffalo (UB/ Etats-Unis) a tenté de voir à quoi ils ressembleraient s’ils étaient réels.
Évidemment, le premier endroit où vous chercheriez un trou de ver serait un trou noir ou un système de trous noirs binaires, qui implique deux trous noirs qui tournent l’un autour de l’autre. Théoriquement, l’excès de gravité les rapprocherait et créerait un tunnel.
Pour leur étude, les chercheurs se sont concentrés sur Sagittaire A*, un objet que l’on croit être un trou noir supermassif au cœur de la Voie lactée. Bien qu’il n’y ait aucune trace de trou de ver, c’est un bon endroit pour en chercher un, car on s’attend à ce que les trous de ver exigent des conditions gravitationnelles extrêmes, comme celles des trous noirs supermassifs.
Les trous noirs sont des fosses massives de gravité qui plieront l’espace-temps en raison de leur centre incroyablement dense, ou singularité. Quand une étoile massive meurt, elle s’effondre vers l’intérieur et, ce faisant, elle explose en une supernova, une expulsion cataclysmique de ses couches de matières extérieures. Cette étoile mourante continuera de s’effondrer jusqu’à ce qu’elle devienne soit une étoile à neutrons, soit une singularité, quelque chose consistant en un volume nul et une densité infinie. C’est cette contradiction apparemment impossible qui provoque la formation d’un trou noir.
Les scientifiques de l’université de Buffalo croyaient que si un trou de ver existait pour Sagittaire A*, les étoiles proches seraient influencées par la gravité des étoiles à l’autre extrémité du passage. Par conséquent, il serait possible de détecter la présence d’un trou de ver en recherchant de petits écarts dans l’orbite prévue des étoiles près de Sagittaire A*.
Selon Dejan Stojkovic, cosmologiste et professeur de physique au Collège des Arts et Sciences de l’UB :
Si vous avez deux étoiles, une de chaque côté du trou de ver, l’étoile de notre côté devrait sentir l’influence gravitationnelle de l’étoile qui est de l’autre côté. Le flux gravitationnel traversera le trou. Si vous tracez l’orbite d’une étoile autour de Sagittaire A*, vous devriez voir des déviations de cette orbite s’il y a un trou de ver avec une étoile de l’autre côté.
La recherche se concentre sur la façon dont les scientifiques pourraient traquer un trou de ver en cherchant des perturbations dans la trajectoire de S2, une étoile que les astronomes ont observée en orbite autour de Sagittaire A*.
Bien que les techniques de relevé astronomique actuelles ne soient pas encore assez précises pour révéler la présence d’un trou de ver, Stojkovic affirme que la collecte de données sur S2 sur une plus longue période ou le développement de techniques pour suivre son mouvement plus précisément rendrait possible une telle détermination. Ces progrès ne sont pas si éloignés, dit-il, et ils pourraient être réalisés d’ici une ou deux décennies.
Le chercheur prévient cependant que, bien que cette nouvelle méthode puisse être utilisée pour détecter un trou de ver s’il y en a un, elle ne prouvera pas strictement qu’il y en a un.
Lorsque nous atteindrons la précision nécessaire à nos observations, nous pourrons peut-être dire qu’un trou de ver est l’explication la plus probable si nous détectons des perturbations dans l’orbite du S2. Mais on ne peut pas dire : Oui, c’est un trou de ver. Il pourrait y avoir une autre explication, quelque chose d’autre de notre côté qui perturbe le mouvement de cette étoile.
Les trous de ver ont été théorisés à l’origine en 1916 par Ludwig Flamm. Le physicien autrichien examinait la solution d’un autre physicien aux équations de la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein alors qu’il croyait qu’une autre solution pourrait, en fait, être possible. Son « trou blanc » était une inversion de temps théorique d’un trou noir. Les entrées des trous noirs et blancs pourraient être reliées par un conduit d’espace-temps.
Cependant, si jamais nous en trouvons un, ce ne sera probablement pas celui que la science-fiction suggère.
Pour Stojkovic :
Même si un trou de ver peut être traversé, les gens et les vaisseaux spatiaux ne passeront probablement pas. En réalité, il faudrait une source d’énergie négative pour garder le trou de ver ouvert, et nous ne savons pas comment faire ça. Pour créer un énorme trou de ver stable, il faut de la magie.
L’étude publiée dans la revue Physical Review D : Observing a wormhole et présentée sur le site de l’université de Buffalo : How to spot a wormhole (if they exist).