Aux Racines des arbres : découverte de la plus vieille forêt à s’être installée sur Terre
Une équipe de recherche dirigée par des professeurs de l’université d’État de New York à Binghamton (Etats-unis), a découvert des preuves que la transition vers les forêts, telles que nous les connaissons aujourd’hui, a commencée plus tôt qu’on ne l’estime actuellement.
Image d’entête : une vue aérienne d’un fossile d’Archaeopteris, un arbre de 385 millions d’années avec des racines d’apparence étonnamment moderne. (William Stein/ Christopher Berry)
En passant au crible des sols fossiles de la région de Catskill (État de New York/ États-Unis), les chercheurs ont découvert un vaste système racinaire d’arbres de 385 millions d’années qui existait pendant le Dévonien. Bien que les plantes à graines ne soient apparues qu’environ 10 millions d’années plus tard, ces systèmes racinaires préservés montrent la présence d’arbres avec des feuilles et du bois, deux éléments qui sont courants dans les plantes à graines modernes. Cette découverte, publiée hier (19 décembre 2019), est la première preuve que la transition vers les forêts modernes a commencé plus tôt qu’on ne le croyait auparavant.
Selon l’auteur principal, William Stein, professeur émérite de sciences biologiques à l’université de Binghamton :
La période du Dévonien représente une époque où la première forêt est apparue sur la planète Terre. Les effets ont été de premier ordre, en termes de changements dans les écosystèmes, de ce qui se passe à la surface de la Terre et dans les océans, de concentration de CO2 dans l’atmosphère et de climat mondial. Tant de changements dramatiques se sont produits à cette époque, en raison de ces forêts d’origine, que le monde n’a plus jamais été le même depuis.
Stein et son équipe de chercheurs travaillent dans la région de Catskill où ils ont décrit en 2012 les » preuves d’empreinte » de la forêt fossile de Gilboa, qualifiée pendant de nombreuses années de plus ancienne forêt de la Terre. La découverte, à environ 40 minutes de route du site original, révèle maintenant une forêt encore plus ancienne avec une composition radicalement différente.
Le site présente trois systèmes radiculaires uniques, ce qui a conduit Stein et son équipe à émettre l’hypothèse que, tout comme aujourd’hui, les forêts du Dévonien étaient hétérogènes, avec des arbres différents occupant des emplacements différents selon les conditions locales.
Tout d’abord, Stein et son équipe ont identifié un système racinaire qui, selon eux, appartenait à un arbre ressemblant à un palmier appelé Eospermatopteris (cladoxylopsides). Cette plante, identifiée pour la première fois sur le site de Gilboa, avait des racines relativement rudimentaires. Comme une mauvaise herbe, l’Eospermatopteris occupait probablement de nombreux milieux, ce qui explique sa présence sur les deux sites. Mais ses racines avaient une portée relativement limitée et ils ne vivaient probablement qu’un an ou deux avant de mourir et d’être remplacées par d’autres racines qui occuperaient le même espace.
Les chercheurs ont également trouvé des preuves de la présence d’un arbre appelé Archaeopteris (considéré comme le premier arbre moderne), qui partage un certain nombre de caractéristiques avec les plantes à graines modernes.
Le système d’enracinement de l’ancien arbre Archaeopteris sur le site de la forêt fossile de Cairo. (Charles Ver Straeten)
Bien que cet arbre se soit comporté davantage comme une fougère pendant la reproduction, en libérant des spores dans l’air au lieu de former des graines, il présentait des indices précoces de ce qui deviendrait un jour des plantes à graines : Les Archaeopteris sont les premières plantes connues à former des feuilles, et c’étaient de grandes plantes ligneuses formées à partir de tissus secondaires. Sur le site récemment fouillé, on a découvert que cet arbre possédait également un système souterrain remarquablement moderne permettant une expansion continue des racines et une croissance continue d’un grand type d’arbre à longue durée de vie, et qu’il dominait potentiellement l’écosystème forestier local.
Selon Stein :
L’Archaeopteris semble révéler le début de ce que seront les forêts à l’avenir. D’après ce que nous savons des fossiles d’Archaeopteris avant cela, et maintenant des preuves d’enracinement que nous avons ajoutées, ces plantes sont très modernes par rapport aux autres plantes du Dévonien. Bien qu’elles soient encore très différentes des arbres modernes, les Archaeopteris semblent néanmoins montrer la voie vers le futur des forêts.
Stein et son équipe ont également été surpris de trouver un troisième système racinaire dans le sol fossilisé, appartenant à un arbre dont on pense qu’il n’existe que pendant la période du Carbonifère et au-delà : des « arbres à écailles » appartenant à la classe des Lycopsidés.
Une vue aérienne d’un système racinaire d’Archaeopteris bien préservé (à gauche), à côté des racines d’un autre arbre fossile qui pourrait appartenir au groupe des lycopsides. (William Stein/ Christopher Berry)
Toujours selon Stein :
Ce que nous avons sur ce site est une structure d’enracinement qui semble identique aux grands arbres des marais houillers du Carbonifère avec des racines allongées fascinantes. Mais personne n’a encore trouvé de fossiles de ce groupe aussi tôt au Dévonien. Nos conclusions suggèrent peut-être que ces plantes se trouvaient déjà dans la forêt, mais peut-être dans un environnement différent et plus tôt qu’on ne le croit généralement. Pourtant nous n’avons qu’une empreinte, et nous attendons d’autres preuves fossiles pour confirmation.
A l’avenir, Stein et son équipe espèrent continuer à étudier la région du Catskill et comparer leurs découvertes avec les forêts fossiles du monde entier et il précise :
Il me semble que, dans le monde entier, beaucoup de ces types d’environnements sont préservés dans des sols fossiles. Et j’aimerais savoir ce qui s’est passé historiquement, pas seulement dans les Catskills, mais partout ailleurs. Comprendre l’histoire de l’évolution et de l’écologie, c’est ce que je trouve le plus satisfaisant.
Présentation de la découverte par l’université de Binghamton :
L’étude publiée dans Current Biology : Mid-Devonian Archaeopteris Roots Signal Revolutionary Change in Earliest Fossil Forests et présentée sur le site de l’université de Cardiff : Scientists uncover world’s oldest forest.