Relativité générale : le ballet de deux étoiles en rotation déforme la toile de l’espace-temps
La façon dont la toile de l’espace et du temps forme un tourbillon cosmique autour d’une étoile morte a confirmé une autre prédiction de la théorie de la relativité générale d’Einstein, selon une nouvelle étude.
Cette prédiction est un phénomène connu sous le nom d’effet Lense-Thirring (frame draging en anglais). Elle indique que l’espace-temps tournera autour d’un corps massif en rotation très rapide. Par exemple, imaginez que la Terre soit dans du miel… Pendant la rotation de la planète, le miel s’enroulera autour d’elle, et il en va de même pour l’espace-temps. Ou alors, imaginez que vous appuyiez votre doigt sur un morceau de tissu relâché, puis que vous le tourniez, le tassement spiralé du tissus qui en résulte est similaire à la forme de l’espace-temps autour d’une étoile naine blanche en rotation.
Celle-ci a pour partenaire de danse un pulsar.
Les pulsars sont des étoiles à neutrons petite, mais extrêmement dense, 20 kilomètres de diamètre et avec environ 100 milliards de fois la densité de la Terre. Ils émettent des faisceaux de lumière. Lorsqu’ils tournent, tel un phare ces faisceaux balaient le ciel, si bien que nous ne voyons les pulsars que lorsque leurs faisceaux passent au-dessus de la Terre. PSR J1141-6545 est l’un de ces objets, et il orbite donc autour de la fameuse naine blanche, qui s’est formée lorsqu’une étoile de masse inférieure est tombée en panne de combustible et perdu ses couches extérieures.
Représentation artistique de l’effet Lense-Thirring : deux étoiles en rotation qui tordent l’espace et le temps. (Mark Myers/ ARC Centre of Excellence for Gravitational Wave Discovery (OzGrav))
Près de 20 ans d’observation de ce système ont permis aux astronomes de calculer avec une extrême précision les orbites des deux étoiles l’une autour de l’autre.
Selon Vivek Venkatraman Krishnan, de l’Institut Max Planck de radioastronomie en Allemagne :
Ce que nous avons découvert, c’est que l’orbite du système vacille dans l’espace.
En mesurant le vacillement des étoiles dû à l’effet Lense-Thirring à l’aide du grand radiotélescope de l’Observatoire de Parkes en Australie , Venkatraman Krishnan et ses collègues ont pu calculer la vitesse à laquelle la naine blanche tournait. Ils ont découvert qu’elle tourne plus vite que le pulsar, qui tourne relativement lentement à environ 2,5 rotations par seconde.
Cela indique que ce système semble s’être formé à l’inverse de celui auquel on pourrait s’attendre. Habituellement, le pulsar se forme en premier, puis, lorsque la naine blanche perd ses couches extérieures, le pulsar aspire cette matière et commence à tourner plus vite. Dans ce cas, la naine blanche s’est formée en premier, il n’y avait donc pas de poussière ni de gaz pour accélérer le pulsar, et il continue à tourner lentement.
Une naine blanche se faisant aspirer par le transfert de matière de son compagnon. (ARC Centre of Excellence for Gravitational Wave Discovery)
Bien que ce système soit inhabituel par rapport à d’autres observés, pour Venkatraman Krishnan, tout ce qu’il contient concorde parfaitement avec les prédictions de la relativité générale. Il ajoute que l’observation d’autres systèmes binaires dans lesquels des étoiles à neutrons tournant plus rapidement entraînent l’espace-temps autour d’eux pourrait nous permettre de comprendre enfin leur structure interne, ce qui est une question récurrente en astronomie.
L’étude publiée dans Science : Lense–Thirring frame dragging induced by a fast-rotating white dwarf in a binary pulsar system et présentée sur le site de l’ARC Centre of Excellence for Gravitational Wave Discovery : Astronomers witness the dragging of space-time in stellar cosmic dance.
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