Les derniers mammouths souffraient de mauvaises mutations génétiques entrainant, entre autres, la perte de leur odorat
Pour connaître le sort des mammouths laineux et les forces qui ont contribué à leur extinction, des scientifiques ont ressuscité les gènes mutés d’un mammouth de l’île Wrangel. Leur triste fin renseigne également sur ce qui risque d’arrivé aux population animal sujet à une drastique diminution de leur population.
La grande majorité des mammouths laineux se sont éteints à la fin de la dernière période glaciaire, mais de petites populations isolées ont réussi à tenir un peu plus longtemps. Ainsi, il y a quelque 4 000 ans, une minuscule population de mammouths laineux s’est éteinte sur l’île Wrangel, un refuge arctique isolé au large des côtes de Sibérie. Ils étaient peut-être les derniers de leur espèce sur Terre.
Emplacement de l’île Wrangel. (Université de Buffalo)
Le but de ce nouveau projet était d’étudier si les gènes fonctionnaient normalement. Les chercheurs ont constaté que ce n’était pas le cas.
Le message à retenir est que les derniers mammouths étaient peut-être assez malades et incapables de sentir les fleurs, c’est donc triste.
La recherche s’appuie sur des preuves suggérant que dans leurs derniers jours, les animaux ont souffert d’un ensemble de défauts génétiques qui ont pu entraver leur développement, leur reproduction et leur capacité à sentir.
Les problèmes peuvent être dus à un déclin rapide de la population, qui peut entraîner des croisements entre parents éloignés (consanguinité) et une faible diversité génétique, des tendances qui peuvent nuire à la capacité d’une espèce à purger ou à limiter les mutations génétiques nuisibles.
Selon l’auteur principal Vincent Lynch, professeur adjoint de sciences biologiques à l’université de Buffalo, qui a dirigé le projet lorsqu’il était à l’université de Chicago (Etats-Unis) :
La principale innovation de notre étude est que nous avons ressuscité les gènes des mammouths de l’île Wrangel pour vérifier si leurs mutations étaient réellement dommageables (la plupart des mutations ne font rien).
Au-delà de la suggestion que les derniers mammouths étaient probablement une population en mauvaise santé, c’est une mise en garde pour les espèces vivantes menacées d’extinction : si leurs populations restent faibles, elles risquent elles aussi d’accumuler des mutations délétères qui peuvent contribuer à leur extinction.
Pour mener cette étude, l’équipe de Lynch a d’abord comparé l’ADN d’un mammouth de l’île Wrangel à celui de trois éléphants d’Asie et de deux autres mammouths qui vivaient à une époque où leurs populations étaient beaucoup plus importantes.
Les chercheurs ont identifié un certain nombre de mutations génétiques propres au mammouth de l’île Wrangel. Ils ont ensuite synthétisé les gènes modifiés, inséré cet ADN dans des cellules placées dans des boîtes de Pétri, et testé si les protéines exprimées par les gènes interagissaient normalement avec d’autres gènes ou molécules.
Ils ont procédé ainsi pour des gènes dont on pense ou dont on sait qu’ils sont impliqués dans une série de fonctions importantes, notamment le développement neurologique, la fertilité masculine, la signalisation de l’insuline et l’odorat.
Dans le cas de la détection des odeurs, par exemple, selon Lynch :
Nous savons comment fonctionnent les gènes responsables de notre capacité à détecter les odeurs. Nous pouvons donc ressusciter la version mammouth, faire en sorte que les cellules en culture produisent le gène du mammouth, puis tester si la protéine fonctionne normalement dans les cellules. Si ce n’est pas le cas, et ce n’est pas le cas, nous pouvons en déduire que cela signifie probablement que les mammouths de l’île Wrangel étaient incapables de sentir les fleurs qu’ils mangeaient.
La recherche s’appuie sur de précédents travaux d’autres scientifiques, tels qu’un document de recherche publié en 2017 dans lequel une autre équipe de recherche a identifié des mutations génétiques potentiellement préjudiciables chez le mammouth de l’île Wrangel, estimé faire partie d’une population ne contenant que quelques centaines de membres de l’espèce.
Toujours selon Lynch :
Les résultats sont très complémentaires. L’étude de 2017 prédit que les mammouths de l’île Wrangel accumulaient des mutations préjudiciables. Nous avons trouvé quelque chose de similaire et nous avons testé ces prédictions en ressuscitant des gènes mutés en laboratoire. Le message à retenir est que les derniers mammouths étaient peut-être assez malades et incapables de sentir les fleurs, c’est donc triste.
Les derniers mammouths de l’île Wrangel ont survécu à leurs cousins continentaux pendant environ 6 000 ans. Malheureusement, cet isolement semble avoir eu un effet terrible sur les créatures piégées au tout dernier moment de leur espèce.
L’étude publiée dans Genome Biology and Evolution : Functional architecture of deleterious genetic variants in the genome of a Wrangel Island mammoth et présentée sur le site de l’université de Buffalo : Scientists resurrect mammoth’s broken genes.