La plus grande concentration de microplastiques jamais trouvée au fond de la mer
Des millions de tonnes de déchets plastiques entrent dans l’océan chaque année, mais au-delà de cela, nous n’avons guère d’idée de l’endroit où une grande partie de celui-ci finit par se retrouver. Les chercheurs qui s’efforcent de retracer son cheminement dans l’environnement marin ont découvert la plus forte concentration de microplastiques jamais répertoriés sur le fond marin, un exemple de point chaud de pollution plastique créé par les courants marins profonds qui agissent comme des tapis roulants pour nos déchets.
Fin mars, des scientifiques de l’université de Manchester (Royaume-Uni) ont publié une étude décrivant les résultats d’expériences en bassin simulant des flux de sédiments sur le fond océanique, dans lesquelles on a découvert qu’un type “d’avalanche sous-marine” entraînait de minuscules fibres de plastique du rivage vers les profondeurs.
Une nouvelle étude de la même équipe s’appuie sur ces connaissances, les scientifiques collaborant avec d’autres chercheurs à travers l’Europe pour explorer comment les courants façonnent le flux de déchets plastiques dans les profondeurs de l’océan. L’équipe a prélevé des échantillons de sédiments dans une partie de la mer Méditerranée, soit une fine couche couvrant un mètre carré de fond océanique. Ils ont ensuite analysé la matière et les courants environnants pour comprendre sa composition et comment elle s’est retrouvée là.
A partir de l’étude, comme pour l’image d’entête : les microplastiques sont acheminés vers l’océan par les rivières qui transportent les eaux usées industrielles et domestiques, sont transportés le long des canyons sous-marins par de puissantes avalanches de sédiments (courants de turbidité), puis ils sont transportés sur le fond marin par les « courants de fond » et déposés dans des dérives de sédiments. D’autres microplastiques coulent de la surface de l’océan et peuvent également être ramassés et transportés par les courants de fond. (Ian A. Kane et Coll./ Science)
Il a fallu pour cela séparer les minuscules particules de plastique du sédiment en laboratoire, et utiliser la spectroscopie infrarouge pour déterminer les différents types de plastique. Ce faisant, l’équipe a compté un total de 1,9 million de morceaux de plastique, la concentration la plus élevée jamais enregistrée sur le fond marin et le résultat de courants océaniques qui les ont fait s’agréger à certains endroits.
Selon l’auteur principal, le Dr Ian Kane de l’université de Manchester :
Presque tout le monde a entendu parler des tristement célèbres « Vortex de déchets » plastiques flottant dans l’océan, mais nous avons été choqués par les fortes concentrations de microplastiques que nous avons trouvées dans les fonds marins. Nous avons découvert que les microplastiques ne sont pas répartis uniformément dans la zone d’étude, mais qu’ils sont plutôt distribués par de puissants courants du fond marin qui les concentrent dans certaines zones.
L’équipe a découvert que la majorité des microplastiques présents dans cette partie du fond marin étaient des fibres provenant de textiles et de vêtements, qui passent à travers les filtres des stations d’épuration des eaux usées et se retrouvent dans la mer. Étant donné leur abondance et la façon dont elles sont transportées dans les milieux marins, l’équipe compare ces particules à tout autre matériau sédimentaire que l’on pourrait s’attendre à trouver sur le fond de l’océan.
Selon le Dr Florian Pohl de l’université de Durham, qui a collaboré à la recherche :
C’est malheureux, mais le plastique est devenu un nouveau type de particule sédimentaire, qui se répartit sur le fond marin avec le sable, la boue et les nutriments. Ainsi, les processus de transport des sédiments tels que les courants du fond marin vont concentrer les particules de plastique à certains endroits du fond marin, comme le démontrent nos recherches.
Ces résultats peuvent aider les chercheurs à mieux comprendre comment et pourquoi ces zones sensibles se forment dans des endroits particuliers, ce qui permet d’enrichir nos connaissances sur la façon dont le plastique se déplace dans l’environnement marin.
Selon le coauteur, le Dr Mike Clare, du Centre national d’océanographie de l’université de Southampton (Royaume-Uni) :
Notre étude a montré comment des analyses détaillées des courants du fond marin peuvent nous aider à relier les voies de transport des microplastiques en haute mer et à trouver les microplastiques « manquants ». Les résultats mettent en évidence la nécessité d’interventions politiques pour limiter le futur flux de plastiques dans les environnements naturels et minimiser les impacts sur les écosystèmes océaniques.
L’étude publiée dans Science : Seafloor microplastic hotspots controlled by deep-sea circulation et présentée sur le site de l’université de Manchester : Scientists find highest ever level of microplastics on seafloor.