Un champignon parasite bloque le paludisme infectant les moustiques
Un microbe récemment identifié dans les populations de moustiques sauvages au Kenya a permis de protéger les insectes contre l’infection par le paludisme. L’hypothèse est que le microbe pourrait être recruté pour des stratégies de contrôle de la malaria afin de limiter la transmission de la maladie aux populations humaines.
Image d’entête : la tête d’une femelle moustique Aedes Aegypti. (Alex Wild)
Selon Jeremy Herren, chercheur principal du projet au Centre international de physiologie et d’écologie des insectes (ICIPE) :
Le corps de tous les animaux est habité par des microbes qui sont soit nuisibles (pathogènes), soit des symbiotes neutres/ bénéfiques. Les insectes en bonne santé ont souvent des symbiotes microbiens à l’intérieur de leur corps et de leurs cellules, ce qui peut avoir des effets majeurs sur la biologie de leurs hôtes.
Ce microbe, jusqu’alors inconnu, a été découvert dans des populations sauvages de moustiques anophèles sur les rives du lac Victoria au Kenya et appartient à un groupe d’organismes appelés microsporidies, des parasites unicellulaires sporulés étroitement apparentés aux champignons.
L’espèce a été nommée Microsporidia MB, et elle a été détectée dans moins de 10 % des moustiques locaux. Les chercheurs ont appris que les microsporidies MB se transmettent verticalement, ce qui signifie qu’elles ne se propagent pas d’un insecte à l’autre de manière pathogène, mais qu’elles semblent plutôt se transmettre d’une mère à sa progéniture.
Cette image obtenue par microscopie à fluorescence montre comment le Microsporidia MB est capable de pénétrer dans les ovaires du moustique vecteur de la malaria. La coloration rouge est une hybridation in situ par fluorescence qui marque spécifiquement l’ADN de Microsporidia MB, en gris le tissu ovarien du moustique et les œufs en développement. Cette caractéristique unique permet la transmission des Microsporidia MB d’une mère à sa progéniture et augmente ainsi leur capacité à se propager dans une population de moustiques. (Jeremy K. Herren et Col./ Nature Communications)
Selon Lilian Mbaisi, une chercheuse kenyane de l’ICIPE :
Nous avons été enthousiasmés de découvrir que le symbiote Microsporidia MB est transmis de la mère à sa progéniture, et que le microbe ne compromet pas la capacité des moustiques à survivre.
La recherche a révélé qu’aucun moustique trouvé dans la nature avec le Microsporidia MB n’était également infecté par le Plasmodium, le parasite responsable de la malaria. De précédentes expériences en laboratoire ont révélé que le microbe semblait prévenir activement l’infection au Plasmodium chez les moustiques.
Cette étude présente l’une des premières découvertes d’un microbe relativement inoffensif qui prévient l’infection par le paludisme chez les moustiques. Le fait que le microbe semble ne causer aucun dommage observable à l’insecte, et qu’il est facilement transmissible de la mère à la progéniture, en fait un candidat idéal pour les stratégies de contrôle de la malaria dans les régions frappées par cette troublante maladie.
Ce ne serait pas la première fois que des microbes sont étudiés comme moyen de contrôler la transmission de maladies par les moustiques. Une bactérie naturelle appelée Wolbachia a été largement utilisée pour contrôler les populations de moustiques aux États-Unis et en Australie.
La recherche n’en est qu’à ses débuts, de sorte qu’on ne sait pas encore exactement comment le microbe récemment découvert protège un moustique contre le parasite de la malaria. Mais cette découverte laisse entrevoir avec optimisme de nouvelles stratégies de lutte contre le paludisme pour l’avenir, soit par la libération de spores de Microsporidia MB au sein d’une population locale, soit par une distribution plus ciblée de moustiques hébergeant le microbe dans la nature.
Pour Steven Sinkins, un chercheur de l’université de Glasgow qui travaille sur le projet :
C’est une nouvelle découverte. Nous sommes très enthousiastes quant à son potentiel pour le contrôle de la malaria. Il a un potentiel énorme.
L’étude publiée dans Nature Communications : A microsporidian impairs Plasmodium falciparum transmission in Anopheles arabiensis mosquitoes et présentée sur le site de l’université de Glasgow : Malaria mosquito research could provide new control tools et sur le site de l’icipe : scientists discover malaria transmission-blocking microbe in mosquitoes.