C’est surtout parce qu’il y a de l’eau près des humains que certaines espèce de moustiques ont évolué pour nous piquer
Peu de gens le savent, mais sur les 3 500 espèces de moustiques qui existent, seules quelques-unes piquent les humains. Cela soulève immédiatement la question suivante : qu’y a-t-il de si particulier avec ces espèces et dans leur relation avec les humains ?
Dans une nouvelle étude, des chercheurs ont étudié les processus d’évolution qui ont permis à certains moustiques de s’adapter aux habitations humaines et de développer un goût pour notre sang.
Image d’entête : les moustiques Aedes aegypti comme celui-ci sont spécialisés dans la piqûre des humains et sont les principaux vecteurs de maladies. (Noah H. Rose)
Selon cette nouvelle étude, l’augmentation de la densité de population a joué un rôle majeur dans l’adaptation des moustiques au sang humain. Cependant, un climat sec fut un facteur déterminant.
C’est un point de vue important, car les moustiques, aussi petits et gênants soient-ils, sont connus pour propager de dangereuses maladies infectieuses. Par exemple, les résultats suggèrent que l’urbanisation grandissante dans les années à venir pourrait augmenter la fréquence des piqûres de moustiques et le risque de maladies dans les régions tropicales et au-delà.
Des chercheurs de l’université de Princeton (États-Unis) ont constaté que les différentes populations africaines des moustiques qui propagent la dengue, le Zika, le chikungunya et la fièvre jaune varient grandement dans leur attirance pour l’humain. Les moustiques vivant à proximité des villes denses étaient plus enclins à piquer les humains que les moustiques des zones rurales, mais le climat était encore plus important : dans les endroits où la saison sèche est intense, les moustiques ont montré une forte préférence pour les humains.
Selon Noah Rose, chercheur à et coauteur de la nouvelle étude :
Les moustiques qui préfèrent les humains ont montré des différences dans les mêmes ensembles de gènes, nous pensons donc que cette préférence a évolué une seule fois il y a environ 5 000-10 000 ans, probablement comme une adaptation les aidant à survivre aux longues saisons sèches. De nombreuses villes d’Afrique connaissent une croissance extrêmement rapide ; notre modèle suggère que les moustiques de ces régions pourraient développer une plus grande préférence pour les hôtes humains, ce qui pourrait les amener à propager les maladies plus efficacement.
Les chercheurs de Princeton ont concentré leur attention sur l’Aedes aegypti, une espèce de moustique très répandue dans les zones tropicales, subtropicales et dans certains climats tempérés, et qui est le principal vecteur d’infection pour la dengue, le Zika, la fièvre jaune et le virus du Chikungunya.
Globalement, l’Aedes aegypti est un cas particulier, car il fait partie des quelques espèces africaines qui piquent les humains. Les chercheurs ont utilisé cette méthode à leur avantage, car elle leur a permis de vérifier empiriquement les endroits où les moustiques interagissent le plus avec les humains et ceux où ils préfèrent piquer d’autres animaux.
Ils ont dû collecter des moustiques dans un très large éventail d’habitats sur une vaste étendue géographique, du milieu d’une forêt tropicale au milieu d’une grande ville.
À l’aide de pièges spéciaux, l’équipe a recueilli l’Ae. aegypti sur des sites extérieurs dans plus de 27 endroits en Afrique subsaharienne. Dans le laboratoire, les moustiques de chaque population ont été exposés à diverses odeurs animales (comme celles de cochons d’Inde, de cailles et d’humains) dans un environnement contrôlé afin d’évaluer leurs préférences. L’analyse des données enregistrées suggère que les moustiques des villes urbaines denses étaient plus attirés par les humains que ceux des zones rurales ou sauvages.
Les tests réalisés pour cette étude : l’olfactomètre à deux ports utilisé par les chercheurs pour tester la préférence des moustiques pour les hôtes humains.
Mais comme ce modèle de préférence pour les odeurs humaines n’a tenu que dans les villes modernes extrêmement denses, il est très peu probable que ce soit la raison initiale pour laquelle les moustiques Ae. aegypti ont évolué pour piquer les humains.
Le second modèle de préférence des moustiques pour le sang humain semble plus révélateur et indique une piste plus plausible pour l’adaptation génétique. Plus précisément, les chercheurs ont découvert que les insectes qui vivent dans des régions plus sèches et plus chaudes ont une forte préférence pour l’odeur humaine par rapport aux autres odeurs animales.
De manière quelque peu contre-intuitive, le climat semble avoir eu plus d’importance que le fait d’avoir de nombreux sacs de sang sur deux pattes dans un espace restreint. Plus surprenant encore, de nombreux moustiques vivant dans des villes denses ne préfèrent pas particulièrement piquer les humains. Ce n’est que lorsque les villes deviennent extrêmement denses et qu’elles sont situées dans des zones où la saison sèche est intense que notre sang devient très attirant pour les insectes.
Selon Noah Rose :
Dans les endroits où la saison sèche est longue et chaude, il y a très peu d’habitats naturels pour les moustiques, mais ils peuvent survivre toute l’année en profitant de l’habitat que les humains leur offrent en conservant l’eau stockée près de leurs maisons. Ces moustiques ont donc une relation très étroite avec les humains, ce qui peut les avoir amenés à se spécialiser dans la piqûre des humains.
Les gènes concentrés dans quelques régions clés du génome du moustique semblent être à l’origine de ce changement évolutif dans les préférences des insectes en matière de piqûre.
Les chercheurs ont également modélisé la façon dont le changement climatique et la croissance urbaine prévue pourraient influencer les préférences des moustiques dans un avenir proche, ce qui ne semble pas très réjouissant.
Si le changement climatique ne devrait pas entraîner de changements importants dans la dynamique de la saison sèche en Afrique subsaharienne au cours des 30 prochaines années, de nombreuses villes devraient connaître une expansion massive.
Toujours selon Noah Rose :
Les villes se développent extrêmement rapidement, nous avons donc vu que notre modèle prévoit une augmentation des piqûres d’humains dans de nombreuses villes d’Afrique en raison des effets de l’urbanisation. À plus long terme, le changement climatique pourrait entraîner d’importants changements de comportement, mais nous n’avons pas étendu notre modèle aussi loin. À court terme, les effets de l’urbanisation semblent être plus importants.
À l’avenir, Rose et ses collègues étudieront plus avant l’interaction entre le climat, la génétique et l’urbanisation dans les préférences des moustiques en matière de piqûre.
L’étude publiée dans Current Biology : Climate and Urbanization Drive Mosquito Preference for Humans et présentée sur le site de l’université de Princeton : A taste for humans: How disease-carrying mosquitoes evolved to specialize in biting us.