Déception : la précédente détection d’un indicateur de la vie sur Vénus est probablement une erreur
Le Guru a été absent quelques jours pour son déménagement, il revient sur l’actualité scientifique récente. Il n’a, pour l’instant, pas une connexion internet fiable, comme promise par son opérateur… mais il s’est débrouillé…
En septembre dernier, la découverte de phosphine dans l’atmosphère de Vénus, qui pourrait être un signe de vie, a fait sensation auprès des astronomes. Mais une nouvelle étude a révélé qu’un autre gaz pourrait expliquer la signature détectée, et celle-ci est bien plus courante pour Vénus et n’indique malheureusement pas la présence de vie.
Image d’entête : une image améliorée des nuages recouvrant Vénus, obtenue par la sonde Mariner 10 de la NASA en 1974. (NASA/ JPL-Caltech)
Avec une taille, une masse et une composition similaires à celles de la Terre, Vénus est parfois appelée notre planète sœur, mais ne vous laissez pas berner en pensant qu’elle pourrait être un havre de vie. Étouffée par une atmosphère composée à 96 % de dioxyde de carbone, sa surface présente des pressions écrasantes environ 92 fois supérieures au niveau de la mer, et des températures qui atteignent 464 °C.
C’est suffisant pour la rayer de la liste des endroits à visiter par les humains, mais les scientifiques ont émis l’hypothèse qu’une vie microbienne pourrait prospérer à des altitudes comprises entre 53 et 62 km, où la température et la pression sont beaucoup plus hospitalières.
En septembre 2020, des chercheurs ont rapporté de nouvelles preuves qui semblaient soutenir cette possibilité de vie (lien ci-dessous). Une équipe britannique a apparemment repéré la signature spectrale de phosphine dans l’atmosphère de Vénus, une molécule qui est généralement créée par des bactéries et d’autres microbes et qui, à ce titre, a été répertoriée comme une biosignature potentielle pour d’autres planètes.
Précédemment :
Cela a bien sûr a fait beaucoup de bruit : notre voisine la plus proche pourrait-elle aussi abriter la vie ? Mais comme la science est censée le faire, il n’a pas fallu longtemps à d’autres chercheurs pour faire basculer l’histoire, comme des chercheurs du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics (CfA) qui ont été les premiers à émettre des doutes sur cette hypothèse (lien ci-dessous).
Cette semaine, une nouvelle analyse indépendante des données a révélé que les techniques de traitement utilisées pouvaient avoir engendré de faux positifs à partir du bruit de fond, et que le signal de la phosphine n’était pas assez fort pour être statistiquement significatif.
Dans la nouvelle étude (lien plus bas), une équipe dirigée par l’Université de Washington (UW, Etats-Unis) a réexaminé les observations initiales du radiotélescope qui ont étayé la prétendue détection de phosphine, et elle a trouvé un coupable plus probable.
Selon Victoria Meadows, coauteure de l’étude :
Au lieu de phosphine dans les nuages de Vénus, les données sont cohérentes avec une autre hypothèse : Ils ont détecté du dioxyde de soufre. Le dioxyde de soufre est le troisième composé chimique le plus courant dans l’atmosphère de Vénus, et il n’est pas considéré comme un signe de vie.
La confusion semble être due au fait que la phosphine et le dioxyde de soufre absorbent tous deux des ondes radioélectriques de même fréquence. En 2017, l’équipe initiale a utilisé le télescope James Clerk Maxwell (JCMT) pour découvrir une caractéristique des émissions radio de Vénus à une fréquence de 266,94 GHz, qui aurait pu être attribuée à l’un ou l’autre. Ils ont donc poursuivi en 2019 avec des observations ALMA, et de celles-ci ils ont conclu que les niveaux de dioxyde de soufre dans l’atmosphère de Vénus étaient trop faibles pour expliquer le signal, ils l’ont donc attribué à la phosphine.
Pour cette nouvelle étude, les chercheurs de l’UW ont modélisé l’atmosphère de Vénus et ils ont simulé des signaux provenant à la fois de la phosphine et du dioxyde de soufre à différentes altitudes. Puis, ils ont modélisé la façon dont ils apparaîtraient aux deux radiotélescopes utilisés, dans les configurations où ils se trouvaient au moment des observations initiales.
Et bien sûr, le modèle a favorisé le dioxyde de soufre par rapport à la phosphine, de deux manières différentes. D’une part, la caractéristique d’émission provenait d’une altitude beaucoup plus élevée dans l’atmosphère que ce que la première équipe avait réalisé, soit environ 80 km au-dessus de la surface. À cette altitude, dans une région de l’atmosphère appelée mésosphère, la phosphine se décomposerait beaucoup plus rapidement.
Toujours selon Meadows :
La phosphine dans la mésosphère est encore plus fragile que la phosphine dans les nuages de Vénus. Si le signal du TJCM provenait de la phosphine dans la mésosphère, alors pour tenir compte de l’intensité du signal et de la durée de vie du composé de moins d’une seconde à cette altitude, la phosphine devrait être délivrée à la mésosphère à une vitesse environ 100 fois supérieure à celle à laquelle l’oxygène est pompé dans l’atmosphère terrestre par la photosynthèse.
Le deuxième point est que les chercheurs ont probablement sous-estimé la quantité de dioxyde de soufre, grâce à une bizarrerie inattendue du télescope.
Selon Alex Akins, coauteur de l’étude :
La configuration de l’antenne de l’ALMA au moment des observations de 2019 a un effet secondaire indésirable : les signaux des gaz que l’on trouve presque partout dans l’atmosphère de Vénus, comme le dioxyde de soufre, émettent des signaux plus faibles que les gaz distribués à plus petite échelle.
En gardant ces deux points à l’esprit, l’équipe de la nouvelle étude conclut que le signal que les chercheurs initiaux ont détecté provenait très probablement du dioxyde de soufre. Il semble s’agir d’un cas de rasoir d’Occam (principe de simplicité), c’est probablement le gaz que nous savions déjà abondant sur Vénus, plutôt qu’un gaz qui bouleverserait toutes nos connaissances sur la chimie atmosphérique et la vie dans le système solaire.
L’étude publiée dans l’Astrophysical Journal, en prépublication dans arXiv : Claimed detection of PH3 in the clouds of Venus is consistent with mesospheric SO2 et présentée sur le site de l’Université de Washington : Purported phosphine on Venus more likely to be ordinary sulfur dioxide, new study shows.