Coupable tout désigné : pourquoi les baleines franches de l’Atlantique Nord rétrécissent-elles ?
Une étude a examiné l’évolution de la longueur du corps des baleines franche de l’Atlantique nord, qui comptent parmi les plus grands animaux de la planète, au cours des dernières décennies. Les résultats indiquent que les enchevêtrements dans les filets de pêche jouent un rôle majeur dans la triste histoire des baleines qui rétrécissent, mais le changement climatique et d’autres facteurs pourraient également y contribuer.
La baleine franche de l’Atlantique Nord est une espèce de baleine à fanons que l’on trouve principalement dans les eaux côtières de l’Atlantique. Elle est l’une des espèces de grandes baleines les plus menacées au monde. Parmi les menaces qui pèsent sur elles, citons le réchauffement des océans, les collisions avec les navires, les engins de pêche et la pollution sonore marine due au tourisme et à l’industrie. On estime qu’il ne reste que 400 baleines franches de l’Atlantique Nord et leur population diminue depuis 2011. Il en va de même pour la taille de celles qui survivent encore.
Un groupe actif de baleines franches de l’Atlantique Nord filmé par un drone. (Woods Hole Oceanographic Institution)
Pour suivre l’évolution de leurs mensurations au fil du temps, les chercheurs, issus de l’agence américaine responsable de l’étude de l’océan et de l’atmosphère, la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), de l’Aquarium de Nouvelle-Angleterre, de la Woods Hole Oceanographic Institution et de l’Université d’État de l’Oregon (États-Unis), ont examiné des images de ces créatures recueillies par des avions de recherche et des drones télécommandés entre 1981 et 2019. En comptant les pixels qui composaient les baleines dans les images à une altitude connue, ils ont pu calculer leurs longueurs. Au total, les chercheurs ont obtenu 202 mesures de 129 baleines individuelles.
Image d’entête : illustration photographique comparant les longueurs corporelles de baleines franches de l’Atlantique Nord, dont deux baleines chétives nées en 2006 et 2011. Les lignes pointillées indiquent la longueur attendue des baleines du même âge si elles étaient nées en 1981, sans antécédents d’enchevêtrement, ou d’enchevêtrement de leur mère. La cicatrice d’un emmêlement est visible près de la queue de D, une baleine franche de 11 ans. Les baleines ont été photographiées à partir d’avions avec équipage les années précédentes et, plus tard, par drone. (Madeline Wukusick/ John Durban/ Holly Fearnbach/ Michael Moore/ Carolyn Miller/ Wayne Perryman et Morgan Lynn)
L’équipe n’a utilisé que des photos de baleines dont elle connaissait l’année de naissance. Ils n’avaient qu’une seule photo de la plupart des baleines, mais pour certaines, ils avaient plusieurs images de plusieurs années différentes.
Les auteurs se sont concentrés sur la taille (longueur) et l’année de naissance pour déterminer dans quelle mesure la croissance des baleines avait changé au fil du temps. Les scientifiques ont utilisé une méthode connue sous le nom d’équation/ modélisation de croissance de Gompertz, qui leur a permis de tenir compte de la croissance des baleines au cours de leur vie.
Une baleine franche de l’Atlantique Nord photographiée à partir d’un drone, présentant des cicatrices d’enchevêtrement d’engins de pêche autour de sa nageoire dorsale. Les enchevêtrements sont un facteur qui affecte le taux de croissance de cette population en danger. (John Durban (NOAA)/ Holly Fearnbach (SR3))
Les changements suivis par les auteurs furent stupéfiants. Ils ont constaté qu’une baleine née en 2019 devrait atteindre une longueur maximale d’environ 1 mètre de moins qu’une baleine née en 1981. Les baleines franches de l’Atlantique Nord mesurent en moyenne entre 12 à 15 mètres, et la diminution observée par les chercheurs est substantielle.
Selon le rapport :
Cela correspond à un déclin de 7,3 % de la longueur maximale du corps.
Bien que cette diminution soit assez spectaculaire, les chercheurs n’ont pas été surpris par cette découverte, en précisant :
Nous avons récemment vu des carcasses d’âge connu mesurer des longueurs inquiétantes pour leur âge, dans le contexte des courbes de croissance des animaux des décennies précédentes.
Ils ont constaté que l’un des facteurs indéniables de cette diminution est l’augmentation de la probabilité d’être heurté par des navires ou pris dans des lignes de pêche ou des filets. Ce dernier point est considéré par la Commission baleinière internationale comme la principale menace d’origine humaine pour les grandes baleines. Les chercheurs ont constaté un effet clair des enchevêtrements, qu’il s’agisse d’enchevêtrements directs ou d’enchevêtrements de la mère d’un baleineau pendant l’allaitement, sur la longueur maximale prévue.
Les baleines qui survivent à un enchevêtrement ou à une collision avec un navire peuvent souffrir de blessures et d’infections graves. Selon les auteurs, cela peut rendre la croissance de leur corps plus difficile et, dans le cas des femelles, entraîner la naissance de baleineaux plus petits.
Mais même lorsque les auteurs ont pris en compte l’effet des bateaux et des filets, ils ont constaté qu’il y avait également une tendance continue à la diminution de la longueur prévue en fonction de l’année de naissance. Ils n’ont pas pu identifier la raison exacte de ce phénomène. Mais cela suggère que des changements environnementaux plus importants, y compris ceux liés au climat, pourraient également avoir un impact.
Le réchauffement et l’acidification des océans, par exemple, ont réduit les populations de larves de zooplancton et de krill. Ce phénomène a été associé à une diminution des populations de baleines, à la fois parce qu’il rend leur survie plus difficile et parce qu’il a conduit les animaux à modifier leur répartition, en passant plus de temps dans des zones où elles sont plus susceptibles de croiser des bateaux.
Selon les auteurs, il est également possible que le manque d’accès à la nourriture ait eu un impact sur la nutrition des baleines, ce qui a conduit à une diminution de leur taille. De plus amples recherches doivent être menées pour confirmer cette hypothèse. L’équipe soupçonne également que la diminution de la longueur se renforce d’elle-même, car les baleines plus petites produisent des baleineau plus petit.
Selon les chercheurs :
Nous savons, grâce à d’autres espèces et populations de grandes baleines, que les mères plus petites et plus maigres produisent des baleineaux plus petits et plus maigres.
Les auteurs effectuent d’autres analyses pour voir si cela est vrai pour les baleines noires de l’Atlantique Nord.
L’étude publiée dans Current Biology : Decreasing body lengths in North Atlantic right whales et présentée sur le site de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) : Critically Endangered North Atlantic Right Whales Getting Smaller, New Research Finds.