Une détection par laser révèle comment les cultures mésoaméricaines construisaient leurs villes
Peu de civilisations sur Terre ont évolué de manière indépendante, mais la civilisation olmèque en fait partie. Les Olmèques étaient la première grande civilisation méso-américaine connue, apparue en 1600 avant J.-C. et qui a duré jusqu’à environ 400 avant J.-C., lorsque des changements environnementaux ont rendu nombre de leurs villages inhabitables.
Image d’entête : les chercheurs ont utilisé la technologie d’imagerie lidar pour révéler 478 monuments mésoaméricains dans le sud du Mexique, dont ce complexe maya appelé Aguada Fénix. (Alfonso Bouchot)
Les Olmèques ont influencé de nombreuses civilisations ultérieures, dont les Mayas. Les chercheurs savent maintenant que les colonies olmèques et mayas couvraient de vastes zones au Mexique et au Guatemala, mais beaucoup de leurs anciens habitats sont encore à découvrir ou insuffisamment étudiés. Pour aggraver les choses, ils sont souvent cachés par la végétation.
Pour cartographier ces structures cachées, une équipe dirigée par Takeshi Inomata, de l’université de l’Arizona, a effectué un relevé aérien à grande échelle en utilisant le Lidar, une méthode de télédétection qui pulse un laser pour mesurer les portées (distances variables) par rapport à la Terre. C’est un peu comme un radar, mais il utilise la lumière au lieu des ondes radio. Le Lidar est très utile pour l’archéologie, car il révèle des éléments qui ne sont pas forcément visibles à l’œil nu en surface.
Inomata et ses collègues ont commencé par une étude à haute résolution couvrant 1000 kilomètres carrés, mais ils ont également utilisé des données publiques acquises par le gouvernement mexicain, qui couvraient une zone de 85 000 kilomètres carrés.
L’enquête portait sur une région de 84 500 kilomètres carrés où se trouvaient des sites mayas et olmèques construits entre 1100 et 400 avant notre ère. (Takeshi Inomata)
Grâce au Lidar, ils ont pu obtenir des images de 463 sites, même dans certaines parties couvertes par une épaisse végétation de jungle. D’après les résultats, il semble qu’il existe cinq types d’architecture et d’aménagement qui pourraient correspondre à différentes périodes des civilisations olmèque et maya.
On savait déjà que les villes de ces civilisations étaient conçues en fonction de modèles cosmologiques. Les nouvelles découvertes suggèrent que le principal centre olmèque de San Lorenzo (construit au IIe millénaire avant J.-C.) était basé sur l’ancien calendrier mésoaméricain. D’autres sites dans la région suggèrent que ce type d’influence était répandu.
Selon Takeshi Inomata :
Leurs orientations varient, et dans certains cas, ils semblent avoir essayé de faire tenir ces grands complexes dans n’importe quel espace plat disponible. Mais lorsqu’ils le pouvaient, ils semblent avoir aligné les complexes sur le lever du soleil à des dates spécifiques, faisant peut-être référence au jour de passage du zénith (lorsque le soleil passe perpendiculairement au-dessus du sol), qui se situe aux alentours du 10 mai dans cette région. Ce jour marque le début de la saison des pluies et de la plantation du maïs. Certains complexes sont orientés vers le lever du soleil 40 jours avant les jours de passage au zénith, d’autres vers le lever du soleil 60 ou 80 jours avant. Cela semble montrer le prototype des calendriers mésoaméricains, qui étaient basés sur l’unité de 20 jours. Si nous avons raison, il s’agit peut-être de la plus ancienne représentation de ces concepts calendaires que nous puissions voir.
Image 3D basée sur le lidar d’un site appelé Buenavista le jour de l’alignement du lever du soleil. (Takeshi Inomata)
Une autre découverte surprenante est que ces sites semblaient présenter de nombreuses structures rectangulaires, y compris pour leurs monuments, ce qui est quelque peu surprenant car les sites olmèques présentaient souvent des monticules pyramidaux monumentaux.
Toujours selon Inomata :
La principale découverte est que nous savons maintenant que ces complexes horizontaux étendus et standardisés se sont répandus dans toute la zone maya occidentale et la région olmèque. La plupart de ces sites n’étaient pas connus, et même lorsque la présence de certains monticules était connue, leurs formes rectangulaires globales n’étaient pas reconnues. Nous pensions que les pyramides étaient la marque des civilisations méso-américaines. Mais avant le développement des pyramides, il existait des constructions monumentales qui mettaient l’accent sur les dimensions horizontales et des conceptions rectangulaires standardisées.
Une image lidar des sites de San Lorenzo (à gauche) et d’Aguada Fénix (à droite) montre des similitudes frappantes, avec une longue plate-forme rectangulaire et 20 plates-formes en bordure. (Frenandez-Diaz/ Takeshi Inomata)
Maintenant que les archéologues ont une vue à vol d’oiseau de ces sites, ils peuvent les étudier au niveau du sol et voir ce qu’ils peuvent trouver de plus sur ces anciennes civilisations. Cependant, les enquêtes au sol ont tendance à prendre beaucoup plus de temps que les levés aériens et il faudra de nombreuses années et la participation de nombreux autres chercheurs pour examiner la plupart des sites découverts sur cette vaste zone.
Cette cartographie précise des sites mésoaméricains constitue une première étape extrêmement importante dans la documentation de l’archéologie des habitants du sud de la côte du Golfe du Mexique, car elle établit une feuille de route pour les recherches des décennies à venir.
Il y a encore beaucoup de choses à apprendre sur ces anciennes cultures, et les nouvelles technologies peuvent être très utiles. L’année dernière, Inomata et ses collègues ont également fourni un nouveau regard sur différents peuplements mayas, obligeant les archéologues à reconsidérer l’évolution de cette civilisation.
L’étude publiée dans Nature Human Behavior : Origins and spread of formal ceremonial complexes in the Olmec and Maya regions revealed by airborne lidar et présentée sur le site de l’Université de l’Arizona : UArizona-Led Team Finds Nearly 500 Ancient Ceremonial Sites in Southern Mexico.