Les acariens qui s’accouplent sur nos visages la nuit fusionnent progressivement avec les humains
Le Guru revient sur quelques recherches publiées lors de sa pause de 12 jours pour son appel aux dons… qui n’est pas totalement clôturé (c’est par ici).
L‘humanité connaît un processus d’évolution inattendu. Mais ce ne sont pas nos corps qui évoluent. De nouvelles recherches indiquent que les minuscules acariens qui vivent dans la peau de notre visage évoluent pour ne faire qu’un avec nous.
Image d’entête : l’acarien Demodex folliculorum sur la peau sous un microscope Hirox. (Université de Reading)
La première mauvaise nouvelle, c’est qu’il y a des acariens sur votre visage, en ce moment même. Ils y vivent. En fait, ils rencontrent d’autres acariens, tombent (peut-être) amoureux et ont des petits acariens sur votre visage. Certains d’entre eux vivent également sur vos mamelons. Par ce biais notamment, ils sont transmis par nos mères à la naissance et sont présents sur pratiquement tous les êtres humains vivants aujourd’hui, leur nombre augmentant à mesure que nos pores s’agrandissent à l’âge adulte. Pour le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner, elles se nourrissent du sébum, une substance grasse, libéré par nos pores, et sont particulièrement actives la nuit.
Demodex folliculorum. (Dan Fergus et Megan Thoemmes)
La toute première étude de séquençage du génome de ces acariens, connus sous le nom de Demodex folliculorum, montre qu’ils passent lentement du statut de parasites externes à celui de symbiotes internes. Cette évolution est alimentée par la consanguinité et la perte de gènes qui en résulte.
Selon Alejandra Perotti, professeur associé en biologie des invertébrés à l’université de Reading (Royaume-Uni), qui a codirigé les recherches :
Nous avons constaté que la disposition des gènes des parties du corps de ces acariens est différente de celle d’autres espèces similaires, car ils se sont adaptés à une vie abritée à l’intérieur des pores. Ces modifications de leur ADN ont donné lieu à des caractéristiques corporelles et des comportements inhabituels.
L’équipe explique qu’en raison de leur existence isolée et protégée, il n’y a pas de menaces externes connues pour ces acariens, ni de concurrents directs, ainsi que de leur exposition quasi nulle à d’autres acariens possédant des gènes différents, D. folliculorum a connu un processus de réduction génétique.
Essentiellement, il a perdu des parties de son génome, devenant ainsi un organisme extrêmement simple : actuellement, il se déplace sur des pattes actionnées par seulement trois muscles unicellulaires. Selon l’équipe, ils utilisent également la gamme de protéines la plus limitée jamais observée chez les espèces apparentées. Même leur comportement nocturne est un produit de cette réduction génétique : ils ont perdu toute protection contre les rayons ultraviolets. En outre, ces acariens ont perdu les gènes qui codent pour la production de mélatonine, un composé qui rend les petits invertébrés actifs la nuit, et s’en remettent à la mélatonine que notre peau sécrète au crépuscule.
Image au microscope montrant la position inhabituelle du pénis d’un acarien Demodex folliculorum. (Université de Reading)
D’autres changements rendent les acariens très adaptés à la vie sur la peau humaine, mais impuissants partout ailleurs. Leurs organes reproducteurs se sont déplacés vers l’avant, et ces minuscules invertébrés doivent s’accrocher aux cheveux humains pour pouvoir copuler. Une disposition particulière de leurs appendices buccaux leur permet d’accéder plus facilement au sébum dans nos pores.
Contrairement à d’autres parasites, les acariens contiennent davantage de cellules à l’état jeune qu’à l’état adulte. Ceci, explique l’équipe, montre que l’espèce a déjà commencé à devenir des symbiotes.
À long terme, cependant, le manque d’exposition à des partenaires qui pourraient ajouter de nouveaux gènes à leur génome signifie que D. folliculorum se trouve dans une impasse évolutive et pourrait même s’éteindre. Si un tel processus a déjà été observé chez des organismes unicellulaires, c’est la première fois qu’il est constaté chez des animaux multicellulaires.
Dans l’ensemble, il semble que les acariens soient en passe de devenir complètement dépendants des êtres humains pour survivre. L’isolement génétique et l’hyperspécialisation de l’espèce la conduiront très probablement à entrer dans une relation de dépendance avec nous. Bien qu’il puisse être dégoûtant de penser que notre visage est habité par ces acariens, ils peuvent également nous être bénéfiques dans une certaine mesure. Les populations normales de D. folliculorum aident à maintenir la santé de la peau en consommant les cellules mortes et en débouchant les pores de l’excès de sébum.
Selon le Dr Henk Braig, coauteur principal de l’étude à l’université de Bangor et à l’université nationale de San Juan :
Les acariens ont été accusés de beaucoup de choses. Leur longue association avec les humains pourrait suggérer qu’ils pourraient également avoir des rôles bénéfiques simples mais importants, par exemple, en gardant les pores de notre visage débouchés.
Et pour finir en beauté : Image au microscope de l’extrémité postérieure de l’anus d’un acarien Demodex folliculorum. La présence d’un anus avait été négligée à tort par certains auparavant, mais cette étude a confirmé sa présence. (Université de Reading)
L’étude publiée dans Molecular Biology and Evolution : Human Follicular Mites: Ectoparasites Becoming Symbionts et présentée sur le site de l’Université de Reading : The secret lives of mites in the skin of our faces.