Cela fait 150 ans que des dauphins et des humains travaillent ensemble pour attraper des poissons au Brésil et cela profite aux deux espèces
Les hommes et les dauphins de la côte sud du Brésil ont créé une « danse » soigneusement synchronisée pour faire entrer dans leurs filets et dans leurs bouches le plus grand nombre possible de mulets migrateurs.
Les pêcheurs traditionnels de la ville de Laguna travaillent avec les Grands dauphins de Lahille (Tursiops truncatus gephyreus) pour capturer les poissons depuis plus de 140 ans.
Image d’entête : un dauphin donne un signal à un pêcheur à Praia da Tesoura à Laguna, Brésil. (Dr. Bianca Romeu, Université fédérale de Santa Catarina)
Vus d’en haut, les dauphins semblent pousser les bancs de mulets vers le rivage, tout près des pêcheurs qui pataugent dans les eaux peu profondes. Ce n’est qu’après avoir reçu le signal des dauphins que les pêcheurs jettent leurs filets.
Les chercheurs ont passé plus de dix ans à étudier cette relation étroite, et ils affirment qu’il s’agit d’un exemple rare de mutualisme, dans lequel deux espèces s’entraident pour améliorer leurs chances de survie.
Selon le biologiste marin Mauricio Cantor, de l’université d’État de l’Oregon :
Nous savions que les pêcheurs observaient le comportement des dauphins pour déterminer quand jeter leurs filets, mais nous ne savions pas si les dauphins coordonnaient activement leur comportement avec celui des pêcheurs. Grâce aux drones et à l’imagerie sous-marine, nous avons pu observer les comportements des pêcheurs et des dauphins avec des détails sans précédent et nous avons constaté qu’ils attrapent davantage de poissons en travaillant en synchronisation.
Les efforts de survie dans la nature sont souvent décrits comme une lutte pour des ressources limitées, des partenaires ou des territoires. Mais la coopération est également un élément important de l’équation qui tend à être négligé.
Le travail d’équipe et les activités synchronisées au sein d’une même espèce sont courants, comme les poissons qui nagent en banc ou les lions qui chassent en meute, mais il est beaucoup plus rare que deux espèces animales différentes travaillent ensemble.
Les pêcheurs observent les dauphins afin de déterminer le moment où ils doivent jeter leurs filets. (Damien Farine/ Max Planck Institute of Animal Behavior)
Les humains ont toujours interagi avec la faune sauvage dans leur propre intérêt. Nos ancêtres ont pris des loups sauvages et les ont transformés en chiens domestiques pour la chasse et la protection. Ils ont également accueilli les chats dans leur foyer. Mais le plus souvent, dans les cas d’interactions interespèces, un seul animal en profite, comme les requins qui se nourrissent des restes laissés par les pêcheurs.
Il est plus rare de trouver une relation mutuellement bénéfique, mais même lorsque deux espèces recherchent la même proie, le déjeuner n’est pas forcément un jeu de dupes. La pêche coopérative entre humains et cétacés, mammifères aquatiques tels que les dauphins et les baleines, en est un excellent exemple.
Dans le passé, des baleiniers se sont associés à des orques pour chasser les baleines à fanons dans le sud-est de l’Australie. Dans le même temps, en Australie orientale, des témoignages et des récits d’Australiens aborigènes suggèrent que les dauphins et les humains pêchaient autrefois côte à côte plus fréquemment qu’aujourd’hui.
Les pêcheurs traditionnels de Laguna, au Brésil, sont les seuls exemples restants d’un lien aussi étroit et coopératif. Les dauphins et les pêcheurs locaux ont appris à lire le langage corporel de l’autre et à réagir en conséquence.
Les grands dauphins sauvages et les pêcheurs chassent ensemble depuis plus d’un siècle à Laguna, au Brésil. (Damien Farine/ Max Planck Institute of Animal Behavior)
Les pêcheurs, qui portaient des bracelets GPS tout en pataugeant dans les bas-fonds afin que leurs mouvements puissent être suivis, se sont rapprochés des dauphins dès que les mammifères marins sont arrivés sur les lieux. Ils ont également jeté leurs filets à un rythme plus élevé lorsque les dauphins étaient présents.
Il est clair que les mammifères étaient un indice de la proximité des mulets. Les pêcheurs qui suivaient leurs nageoires avaient 17 fois plus de chances de capturer des poissons dans les eaux peu profondes. Ils en capturaient également 4 fois plus, même s’ils passaient le même temps à lancer leurs filets.
Selon les chercheurs :
Les dauphins apportent clairement des avantages aux pêcheurs en matière de recherche de nourriture et stimulent les actions bénéfiques en réponse à la disponibilité accrue de mulets, ce qui n’est pas le cas lorsque les dauphins sont absents.
L’étude publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences : Foraging synchrony drives resilience in human–dolphin mutualism et présentée sur le site du Max Planck Institute of Animal Behavior : Cooperation between dolphins and humans et sur le site de l’Université d’Etat de l’Oregon : Fishing in synchrony brings mutual benefits for dolphins and people in Brazil, research shows.