La déforestation tropicale a augmenté de 10 % en 2022, libérant des milliards de tonnes de carbone
Selon le Global Forest Watch (GFW), une application web à code source ouvert qui permet de surveiller les forêts de la planète en temps quasi réel (une initiative du World Resources Institute), la disparition de la forêt tropicale s’accélère, le monde perdant chaque minute une surface de forêt équivalente à 11 terrains de football, libérant ainsi des milliards de tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère chaque année.
Image d’entête : une prise de vue aérienne montre le contraste entre la forêt et les paysages agricoles près de Rio Branco, Acre, Brésil. (Kate Evans/ CIFOR)
La superficie de la forêt tropicale primaire coupée ou brûlée en 2022 a augmenté de 10 % par rapport à 2021 pour atteindre 41000 km2, rejetant 3 milliards de tonnes de CO2, soit autant que les émissions annuelles totales de l’Inde provenant des combustibles fossiles, selon le nouveau rapport (lien plus bas) réalisé en collaboration avec l’Université du Maryland (Etats-Unis).
Graphique tiré du rapport du Global Forest Watch : perte des forêts primaires tropicales, 2002-2022, liée aux incendies ou dues au défrichement mécanique pour l’agriculture et l’exploitation forestière, ainsi qu’à des causes naturelles telles que les dégâts causés par le vent et les méandres des rivières. (World Resources Institute)
L’abattage pour le bois ou le défrichement pour l’agriculture ou le développement représentent plus de 80 % de la forêt perdue. Le reste a été détruit par le feu, mais le GFW précise que, contrairement aux forêts boréales et tempérées, la plupart des incendies dans les tropiques ont été allumés par l’humain.
Le Brésil et la République démocratique du Congo ont enregistré les pertes les plus importantes, avec des augmentations rapides au Ghana et en Bolivie, mais l’Indonésie et la Malaisie ont réussi à maintenir les taux de perte de forêts primaires à des niveaux historiquement bas.
Graphique tiré du rapport du Global Forest Watch : principaux pays touchés par la perte de forêts primaires, par superficie, en 2022. (World Resources Institute)
Selon le GFW, ces nouvelles données montrent que le monde ne parvient pas à respecter des engagements majeurs, notamment la promesse faite par 145 pays lors de la conférence des Nations unies sur le changement climatique COP26 qui s’est tenue à Glasgow en novembre 2021, d’arrêter et d’inverser la perte de forêts d’ici à 2030 en reconnaissance de son importance dans la lutte contre le changement climatique et l’appauvrissement de la biodiversité.
Selon le Global Forest Watch :
Au lieu d’une diminution constante de la perte de forêts primaires pour atteindre cet objectif, la tendance va dans la mauvaise direction.
La perte de forêt primaire au Brésil a bondi de 15 % entre 2021 et 2022 pour atteindre 17 700 km2, principalement dans la région de l’Amazonie où la déforestation par coupe à blanc a atteint son plus haut niveau depuis 2005, ce que le GFW a imputé aux politiques populistes de l’ancien président Jair Bolsonaro.
Graphique tiré du rapport du Global Forest Watch : perte des forêts primaires tropicales au Brésil sur la période 2002-2022. (World Resources Institute)
Selon le rapport :
La perte de forêts au Brésil a considérablement diminué au début des années 2000 sous la présidence de Luiz Inácio Lula da Silva, mais les augmentations récentes ont coïncidé avec l’administration Bolsonaro qui a érodé les protections environnementales, vidé de leur substance les agences chargées de l’application de la loi, tenté d’accorder l’amnistie pour la déforestation illégale et tenté d’affaiblir les droits des indigènes.
L’expansion de l’agriculture pour les produits de base, en particulier le soja, fut le principal moteur de la perte de forêts en Bolivie, qui a connu une augmentation record de 32 % pour atteindre 2 720 km2 en 2022 par rapport à l’année précédente, la troisième plus importante au monde après le Brésil et la RDC et plus que l’Indonésie malgré une superficie de forêt primaire inférieure à la moitié de celle de l’Indonésie.
Toujours selon le GFW, près de 4 000 kilomètres carrés de forêt bolivienne ont été abattus pour faire place à la culture du soja depuis 2000, la canne à sucre, le maïs, le sorgho et l’élevage de bétail jouant également un rôle. Les incendies d’origine humaine sont responsables d’environ un tiers de la perte de forêt.
En revanche, la perte de forêts en Indonésie, qui a atteint un pic en 2015, a continué à diminuer, réduisant de plus de moitié la superficie perdue en 2021 pour atteindre un peu plus de 1000 km2 en 2022, dans le cadre de son objectif « Net Sink« , à savoir des émissions de CO2 négatives provenant de la sylviculture et d’autres utilisations des terres d’ici à 2030, de la prévention et de la suppression des incendies et de la conservation des tourbières et des mangroves.
La perte de forêts en Malaisie est restée stable à environ 700 km2 après avoir atteint près de 2 600 km2 en 2012, en partie grâce aux efforts des entreprises et du gouvernement, notamment les engagements « Pas de déforestation, pas de tourbe et pas d’exploitation » (No Deforestation, No Peat and No Exploitation) couvrant la majeure partie du secteur de l’huile de palme et les accords de durabilité sur la certification de l’huile de palme.
Parmi les autres pays qui ont considérablement réduit la perte de forêts en 2022 figurent le Costa Rica, la Chine, la Côte d’Ivoire, le Vietnam, le Gabon et Madagascar, selon le rapport.
Présentation du rapport sur le site du World Resources Institute : Forest Pulse: The Latest on the World’s Forests et la carte interactive du Global Forest Watch.
C’est encourageant que la perte de surface forestière faiblisse à certains endroits. Ça reste triste de savoir que globalement on est toujours sur une pente de destruction.
Une fois un bout de forêt ou de nature détruit, plus rien ne pourra jamais aider à le retrouver .