Des chauves-souris sauvages reconnaissent des sons liées à des récompenses alimentaires jusqu’à 4 ans plus tard
Des scientifiques qui étudient la mémoire et l’apprentissage chez les chauves-souris mangeuses de grenouilles ou phyllostome à lèvres frangées (Trachops cirrhosus) ont fait une surprenante découverte, démontrant qu’elles peuvent reconnaître des sonneries liées à des récompenses alimentaires jusqu’à 4 ans plus tard. Ce comportement serait utile pour aider les chauves-souris à chasser les grenouilles dans la nature, et il offre de nouvelles perspectives sur la manière dont les animaux équilibrent les avantages de la mémoire à long terme et son coût métabolique élevé.
Image d’entête : photo réalisée lors de tests de reconnaissance sonore sur des chauves-souris (Trachops cirrhosus). (Andrew Quitmeyer/ Smithsonian Tropical Research Institute)
Les recherches ont été menées par des biologistes travaillant au Smithsonian Tropical Research Institute (Smithsonian Institution), qui ont commencé par étudier la manière dont les chauves-souris sauvages pouvaient être entraînées à répondre à des signaux alimentaires. Ces premières expériences impliquaient 49 chauves-souris auxquelles on a fait écouter des sonneries de téléphone portable par différents haut-parleurs. Lorsqu’elles réagissaient à deux sonneries spécifiques, elles étaient récompensées par des poissons-appâts, tandis que les trois autres sonneries ne leur offraient aucune récompense.
Obtenue lors des expériences au cours desquelles des chauves-souris frugivores ont été soumises à des sonneries diffusées par des haut-parleurs et correspondants à des récompenses alimentaires. (Andrew Quitmeyer/ Smithsonian Tropical Research Institute)
Les chauves-souris ont rapidement appris à ignorer les tonalités non gratifiantes et à plonger directement lorsqu’elles entendaient les tonalités correspondant à leur récompense en poisson. Les chauves-souris ont alors été équipées d’une micropuce et relâchées dans la nature au Panama. Les chercheurs ont ensuite recapturé huit d’entre elles entre 1 et 4 ans plus tard. Dans des expériences de suivi, les chauves-souris ont reconnu et répondu à ces deux mêmes sons. Les chauves-souris non entraînées ont remué leurs oreilles en réponse, mais ne se sont pas rapprochées des haut-parleurs et des récompenses.
Selon May Dixon, auteure de l’étude :
Les chauves-souris mangeuses de grenouilles constituent un excellent organisme modèle émergent pour l’étude de l’écologie cognitive et sensorielle. L’apprentissage joue un rôle important dans leur vie.
Chauve-souris mangeuse de grenouilles ou phyllostome à lèvres frangées (Trachops cirrhosus). (Marcos Guerra/ Smithsonian Tropical Research Institute)
Les scientifiques pensent que cette capacité à apprendre et à retenir des informations aide les chauves-souris à distinguer les différents cris des grenouilles dans la nature, et à se souvenir de celles qui sont bonnes à manger et de celles qui peuvent être toxiques ou trop grosses pour être transportées. Les scientifiques font également référence à de précédentes recherches soulignant le coût métabolique élevé de la mémoire à long terme d’un point de vue évolutif, et la façon dont il peut avoir un impact sur la mémoire à court terme, réduire la flexibilité cognitive et prolonger la prise de décision.
Les résultats démontrent une capacité cognitive jusqu’alors inconnue chez les chauves-souris et suggèrent que ce type de mémoire à long terme, qui les aide à se souvenir de proies rarement aperçues, pourrait constituer un avantage évolutif.
Toujours selon Dixon :
Je m’intéresse à la capacité de mémoire des animaux et aux causes de la mémoire à long terme ou à court terme, aux conditions écologiques qui déterminent les différentes durées de mémoire, à ce qu’il est important de retenir et d’oublier.
L’étude publiée dans Current Biology : Long-term memory in frog-eating bats et présentée sur le site du Smithsonian Tropical Research Institute : Does this ring a bell ?