Les chiens comprennent vraiment le sens des noms
D‘après les enregistrements de leur activité cérébrale, les chiens semblent comprendre que les mots représentent des objets spécifiques.
Image d’entête : Chaser en haut de sa pile de 1000 jouets dont elles connaissaient chaque nom. (Robin Pilley)
Cette découverte suggère que le cerveau des chiens peut aller au-delà des ordres tels que « assis », « va chercher » et « promener » qui provoquent la frénésie, pour saisir l’essence des noms, ou du moins ceux qui se réfèrent à des objets auxquels les animaux s’intéressent.
Pour Marianna Boros, qui a participé à l’organisation des expériences à l’Université Loránd-Eötvös, en Hongrie :
Je pense que tous les chiens ont cette capacité. Cela modifie notre compréhension de l’évolution du langage et notre perception de ce qui est typiquement humain.
Les scientifiques sont depuis longtemps fascinés par la question de savoir si les chiens peuvent réellement apprendre le sens des mots et ils ont accumulé des preuves pour étayer leurs soupçons. Une étude réalisée en 2021 estimait que les chiens devaient être capables de répondre à 89 mots et une enquête réalisée en 2022 a révélé que les propriétaires de chiens pensaient que leurs compagnons à fourrure réagissaient à un nombre de mots compris entre 15 et 215. Une preuve plus directe des prouesses cognitives canines a été apportée en 2011 lorsque des psychologues de Caroline du Sud ont rapporté qu’après trois années d’entraînement intensif, une chienne border collie appelée Chaser avait appris le nom de plus de 1 000 objets, dont 800 jouets en tissu, 116 balles et 26 frisbees.
Cependant, les études ne révèlent pas grand-chose sur ce qui se passe dans le cerveau canin lorsqu’il traite les mots. Pour percer ce mystère, Boros et ses collègues ont invité 18 propriétaires de chiens à amener leur animal au laboratoire avec 5 objets que les animaux connaissaient bien. Il s’agissait de balles, de chaussons, de frisbees, de jouets en caoutchouc, de laisses et d’autres objets. Au laboratoire, les propriétaires devaient prononcer des mots pour désigner des objets avant de montrer à leur chien soit le bon objet, soit un objet différent. Par exemple, un propriétaire peut dire « Regarde, voici la balle », mais présenter un frisbee à la place. Les expériences ont été répétées plusieurs fois avec des objets correspondants et non correspondants.
A partir de l’étude : conception et procédure expérimentales. (A) Un maître (O1) présente un objet à son chien pendant la mesure de l’EEG. (B) Chronologie des essais expérimentaux dans les conditions de concordance et de non-concordance. (Marianna Boros et col./ Current Biology)
Pendant les tests, les chercheurs ont surveillé l’activité cérébrale des chiens par électroencéphalographie (EEG) non invasive. Les traces ont révélé des profils d’activité différents lorsque les objets correspondaient ou non aux mots prononcés par leur maître. La différence dans les tracés était plus prononcée pour les mots que les propriétaires pensaient que leurs chiens connaissaient le mieux. Des signaux similaires dans les enregistrements EEG ont été observés lorsque des humains effectuaient les tests et ils ont été interprétés comme des personnes comprenant suffisamment bien un mot pour former une représentation mentale qui était soit confirmée, soit infirmée par l’objet qu’on leur montrait par la suite.
Un dispositif expérimental d’EEG pour un des chiens participants à l’expérience. (Grzegorz Eliasiewicz)
Dans cette nouvelle étude (lien plus bas), les scientifiques affirment que ces résultats « fournissent la première preuve neuronale de la connaissance d’un mot-objet chez un animal non-humain ». Marianna Boros a souligné qu’elle ne prétendait pas que les chiens comprenaient les mots aussi bien que les humains. Il faudra d’autres travaux pour comprendre, par exemple, si les chiens peuvent généraliser comme les humains apprennent à le faire lorsqu’ils sont bébés, et s’ils comprennent que le mot « balle » ne fait pas nécessairement référence à une sphère spongieuse spécifique, fortement mâchée.
L’étude soulève la question de savoir pourquoi, si les chiens comprennent certains noms, ils sont plus nombreux à ne pas le montrer. Il est possible qu’un chien sache à quoi un mot fait référence, mais qu’il ne se préoccupe pas d’agir en conséquence.
Selon Boros :
Mon chien ne s’intéresse qu’à sa balle. Si je lui apporte un autre jouet, il ne s’en préoccupe pas du tout.
Il se peut que les chiens ne s’intéressent pas suffisamment au jeu du « va chercher cette chose particulière » pour jouer le jeu de la manière dont nous les avons entraînés et testés jusqu’à présent. Il se peut que votre chien comprenne ce que vous lui dites, mais choisisse de ne pas agir.
Un résumé de l’étude. (Family Dog Project Research Group)
L’étude publiée dans Current Biology : Neural evidence for referential understanding of object words in dogs et présentée sur le site de l’Université Loránd-Eötvös : Your Dog Understands that Some Words ‘Stand For’ Objects, New Study Shows.