Le pénis d’un parasite qui va être brutalement inséré dans le cou d’une femelle elle-même à l’intérieur d’une abeille
Chez certains animaux, l’outillage leur servant à copuler ressemble plus à une arme de guerre et ils sont utilisés de la sorte…
Dans un large éventail d’espèces, y compris les vers, les araignées, les escargots et les punaises, le mâle poignarde littéralement la femelle avec son pénis, injectant du sperme directement dans une cavité corporelle.
Cette stratégie brutale d’accouplement est appelée copulation traumatique et une autre espèce vient s’ajouter à la liste de ses adeptes : un minuscule insecte parasite ailé, appelé Stylops ovinae (strepsiptères).
Hans Pohl, de l’université d’Iéna en Allemagne et ses collègues ont analysé, pour la première fois et en détail, la vie sexuelle du S. ovinae à l’aide de microscopes à haute résolution et d’autres technologies d’imagerie de pointe.
Comme les autres espèces de parasites strepsiptères, les mâles et les femelles S. ovinae mènent des vies très différentes. Les mâles, qui ne vivent que quelques heures, volent à la recherche de femelles.
Les femelles, quant à elles, sont occupées à parasiter d’autres insectes, comme les abeilles ou les guêpes : la quasi-totalité de leurs corps est cachée à l’intérieur de l’abdomen de leurs hôtes. N’ayant pas besoin de se déplacer, les femelles n’ont pas d’ailes, d’yeux, d’antennes, de pattes ou d’organes génitaux.
Pour contourner ce problème, le mâle se fixe à l’abdomen de l’insecte hôte, puis insère son pénis en forme de crochet (image d’entête, au repos à gauche, actif à droite. (Hans Pohl/ université d’Iéna/ Nature)) dans le cou de la taille d’une tête d’épingle de la femelle. Il injecte son sperme dans son corps, fertilisant les œufs qui flottent dans son hémolymphe, l’équivalent du sang pour les insectes.
Images tirées de l’étude : un mâle tentant de copuler avec une femelle à l’intérieur du corps d’une abeille (Hans Pohl/ université d’Iéna/ Nature)
Rendu volumétrique de l’acte (Hans Pohl/ université d’Iéna/ Nature)
La maternité n’en est pas moins macabre : quelques semaines plus tard, les larves quittent leur mère après l’avoir mangé vivante.
Jusqu’à présent, les scientifiques ont supposé que l’accouplement des S. ovinae avait lieu par l’intermédiaire du canal de naissance de la femelle, sans la nécessité de coups de couteau.
Mais Pohl et ses collègues ont découvert que les femelles possèdent une invagination spécialisée, une poche de fertilisation dans la région de leur cou, où les mâles injectent leur sperme. Cette « poche » réduit probablement le risque que la femelle soit blessée.
L’étude a aussi révélé que les couples de S. ovinae investissent un temps anormalement long dans l’acte. L’équipe a observé 227 sessions d’accouplement qui allaient de deux secondes à plus de 30 minutes, avec une moyenne d’environ 8 minutes, ce qui est assez long pour un insecte. Selon les chercheurs, cette prolongation des accouplements pourrait réduire le risque que la femelle reçoive le sperme d’autres mâles.
En effet, Pohl et ses collègues ont constaté que les mâles sont capables de détecter si une femelle s’est déjà accouplée avec un autre mâle, selon eux :
Le second accouplement avec la même femelle est beaucoup plus court, et la durée diminue encore quand un second mâle s’accouple avec une femelle déjà accouplée.
Il est probable que les 6 000 espèces de parasites strepsiptères utilisent l’insémination traumatique, qui a persisté pendant des millions d’années et a évolué plusieurs fois dans différentes lignées d’animaux. Par contre, on ne sait pas encore exactement comment cela aide une espèce à survivre. Certains mâles pourraient en bénéficier en ayant un accès plus facile aux femelles et selon les chercheurs :
Tandis que le coût pour les femelles est souvent associé à une blessure, certaines études ont montré qu’il pourrait y avoir des avantages. Par exemple, chez les punaises, les mâles transmettent des composés qui augmentent la capacité de la femelle à pondre des oeufs.
L’étude publiée dans Nature (Scientific Reports) : Traumatic insemination and female counter-adaptation in Strepsiptera (Insecta).