Alors que dans l’environnement humide et exiguë des tunnels et des chambres de la grande pyramide de Gizeh, le responsable des fouilles, Mehdi Tayoubi, ne s’attendait pas à avoir de réseau téléphonique, mais il ne s’attendait pas non plus à faire une étonnante découverte. En 2016, Mehdi et une vaste équipe de scientifiques, dans le cadre du projet franco-égyptien ScanPyramids coordonné par l’université du Caire et l’institut HIP (Heritage Innovation Preservation), ont détecté une anomalie dans les données fournies par leur scanner de particules.

Image GIF en entête : animation présentant les deux positions possibles du vide détecté dans la grande pyramide de Gizeh. (ScanPyramids)

Maintenant, plus d’un an plus tard, après avoir exécuté plusieurs tests et mené des analyses approfondies, l’équipe a annoncé la découverte d’un vide jusque-là inconnu dans la pyramide de plus de 4000 ans. C’est la première structure interne majeure trouvée à l’intérieur de la Grande Pyramide depuis le 19è siècle.

Selon Tayoubi :

Ce vide est énorme, il pourrait être comparable à la Grande Galerie.

Décrit dans une étude révisé par des pairs, l’équipe dit que l’espace découvert est de 30 mètres de long et situé 21m au-dessus du niveau du sol.

L’espace a été découvert au-dessus de la Grande Galerie à l’intérieur de la pyramide de Khéops, qui mesure 139 mètres de haut et qui est la plus ancienne pyramide des trois structures de Gizeh. La Grande Galerie est un passage de 8,6 m de haut, long de 46 m, qui relie certaines zones clés de la pyramide.

La Grande Galerie. (ScanPyramids)

Malgré le fait que le nouveau vide soit découvert, ce à quoi il ressemble reste un mystère et toujours selon Tayoubi :

Nous ne pouvons pas dire en ce moment si c’est une deuxième grande galerie, si c’est un grand tunnel, si c’est une chambre successive, ou si elle est horizontale ou inclinée. Nous ne savons pas ce que c’est.

Pour cartographier le vide caché, les chercheurs ont utilisé des détecteurs de particules à base de muons. Les muons des rayons cosmiques ont été détaillés pour la première fois en 1936. Indépendamment de leur nom, les rayons cosmiques ne sont pas vraiment des rayons. Ce sont des morceaux d’atomes qui voyagent à la vitesse de la lumière. Leur origine exacte n’est pas connue. Un sous-produit de ces rayons cosmiques est le muon qui se forme dans la haute atmosphère terrestre et il peut pénétrer la roche. Les muons ont des trajectoires distinctes lorsqu’ils se déplacent dans l’air par opposition à la roche. Une zone avec une densité inférieure à celle attendue verra un flux de muons plus élevé que prévu.

Ainsi, l’étude de ce vide décrit comment les muons sont absorbés par la structure en pierre de la pyramide à la différence de la zone du vide révélant ainsi son existence.

Les chercheurs ont utilisé la réalité augmentée pour créer une reconstruction en 3D du vide. (ScanPyramid)

Loin d’être habituellement utilisés à l’intérieur des pyramides, les détecteurs de muons ont largement été utilisés pour inspecter l’intérieur d’objets difficiles à atteindre comme, par exemple, pour étudier les structures à l’intérieur du Vésuve ou pour inspecter certaines cargaisons pouvant comporter des matières nucléaires illicites.

Il y a encore beaucoup de choses que nous ne savons pas, reconnaît l’équipe. Il n’est pas encore clair si cet énorme vide est construit au niveau du sol, ou s’il est incliné à un angle similaire à celui de la Grande Galerie en dessous (disposition du vide dans l’animation en entête).

Avant d’en savoir plus, l’équipe hésite à formuler d’autres hypothèses, ne voulant pas ajouter au tourbillon de spéculations infondées qui a toujours entouré la recherche sur les pyramides.

Pour l’équipe à l’origine d’une possible découverte, ce n’est que le début :

Cette mission a été conçue initialement sans égyptologues. Nous voulions construire une mission avec de nouvelles personnes qui ne soient pas des experts en pyramides, des ingénieurs et des technologues, qui peuvent apporter un nouveau regard sur la région. Maintenant, nous avons peut-être besoin de spécialistes en architecture égyptienne pour donner des hypothèses et essayer de trouver une explication sur pourquoi ce grand vide est ici.

L’étude publiée dans Nature : Discovery of a big void in Khufu’s Pyramid by observation of cosmic-ray muons.