Carnivore végétalien : malgré un régime végétal, les pandas géants ont le métabolisme des plus grands amateurs de viande
L‘adoption du bambou par le panda géant comme source alimentaire unique a intrigué les scientifiques pendant des décennies. Maintenant, une analyse des macronutriments de leur alimentation suggère que ce n’était pas un si grand changement dans son évolution comme on le pensait auparavant.
Avec un mélange de caractéristiques herbivores et carnivores, les pandas géants (Ailuropoda melanoleuca) présentent un paradoxe évolutif. Les muscles spécialisés de la mâchoire, les dents et un « pseudo-pouce » pour saisir et manipuler le bambou sont des caractéristiques herbivores. Pourtant, leur système digestif possède le même tube digestif, les mêmes enzymes et le même microbiote intestinal que les carnivores.
Des chercheurs de l’Académie chinoise des sciences de Pékin ont fait équipe avec l’écologiste nutritionniste David Raubenheimer de l’université de Sydney, en Australie, pour analyser les macronutriments dans le régime panda.
L’étude s’est appuyée sur les développements récents de la théorie des niches, une approche introduite pour la première fois en 1972 qui considère que l’environnement est la mesure ultime de la répartition de toute espèce.
Les travaux menés par l’écologiste Gabriel Machovsky-Capuska de l’université de Sydney, et d’autres, en 2016, ont étendu l’idée de l’alimentation dans la détermination de la niche environnementale, se concentrant sur les mélanges de nutriments plutôt que les aliments réels.
Dans la nouvelle étude, Yonggang Nie et ses collègues chinois ont utilisé ce cadre pour vérifier si, selon eux :
…la combinaison de traits associés aux herbivores et aux carnivores chez les pandas géants n’est pas du tout incongrue, mais suggère des dimensions jusqu’ici cachées de leur alimentation.
Les résultats, publiés cette semaine (lien plus bas), révèlent que, malgré un menu exclusif en bambou, la composition du régime du panda contient des pourcentages de protéines et de glucides comparables à ceux des “hyper-carnivores”, comme les chats sauvages ou les loups, qui se nourrissent à plus de 70% d’aliments d’origines animales.
Selon Fuwen Wei, coauteur de l’étude :
Comme nous le savons, le panda géant est une espèce de Carnivore, mais il est extrêmement spécialisé dans un aliment végétal, le bambou. D’après ce qu’ils mangent, ils appartiennent indéniablement aux herbivores, mais vu la composition en macronutriments des régimes ingérés et absorbés, ils appartiennent aux carnivores.
Comme pour les autres herbivores spécialisés, comme les koalas (Phascolarctos cinereus), toutes les plantes ne sont pas considérées comme égales. Les pandas se déplacent dans leur habitat de façon saisonnière afin de se nourrir des plants de bambou ayant le profil nutritionnel le plus élevé, sélectionnant par exemple les pousses plutôt que les jeunes feuilles.
Les chercheurs ont calculé que la composition en macronutriments des aliments sauvages d’un régime panda typique comprend 61 % de protéines énergétiques, 23 % de glucides et 16 % de matières grasses.
L’étude donne l’exemple d’un animal qui occupe différentes niches trophiques aux niveaux de la nourriture et des macronutriments, et les chercheurs suggèrent que chez les pandas géants, la transition de carnivore à herbivore spécialisé a nécessité une modification évolutionnaire minimale de leur état ancestral.
L’espèce possède un intestin court, caractéristique des carnivores, qui facilite un débit rapide, ainsi qu’un microbiote de type carnivore, bien adapté à la teneur élevée en protéines du bambou.
L’abondance et l’accessibilité de la plante permettent d’en consommer de grandes quantités, compensant ainsi les grandes quantités de cellulose indigeste.
Les caractéristiques herbivores du panda, telles que les muscles de la mâchoire, sont des adaptations pour l’absorption du bambou, tandis que les caractéristiques carnivores sont prêtes pour l’absorption d’un régime à haute teneur en protéines, bien qu’à base végétale.
Pour David Raubenheimer, coauteur de l’étude :
Il y a aussi un message plus large qui ressort de cette étude. Elle démontre l’importance de considérer à la fois les aliments et les nutriments pour comprendre l’écologie évolutive des animaux.
L’étude publiée dans Current Biology : Giant Pandas Are Macronutritional Carnivores et présentée sur le site de l’université de Sydney : For giant pandas, bamboo is vegetarian ‘meat’.