Pourquoi certaines personnes affirment "entendre" la voix des morts ?
Des scientifiques ont identifié les caractéristiques qui peuvent rendre une personne plus susceptible de prétendre entendre la voix des morts.
Image d’entête : Patrick Swayze dans le film Ghost. (Paramount Pictures)
Selon de nouvelles recherches, une prédisposition à des niveaux élevés “d’absorption”*, à des expériences auditives inhabituelles dans l’enfance et à une forte susceptibilité aux hallucinations auditives se manifestent toutes plus fortement dans les milieux à “clairaudience autoproclamée” (càd les personnes qui disent entendre des voix d’outre-tombe), que dans la population générale.
*Le terme anglais “absorption “décrit une immersion totale dans des tâches et des activités mentales, et l’efficacité avec laquelle l’individu s’adapte au monde qui l’entoure. Ce trait présente une forte corrélation avec la personnalité encline à l’imagination.
Pour les chercheurs, cette découverte pourrait aider à mieux comprendre les hallucinations auditives dérangeantes qui accompagnent les maladies mentales telles que la schizophrénie.
Les expériences spirituelles de clairvoyance et de clairaudience, consistant à voir ou à entendre quelque chose en l’absence de stimulus extérieurs et qui sont attribuées aux esprits des morts, présentent un grand intérêt scientifique, tant pour les anthropologues qui étudient les expériences religieuses et spirituelles que pour les scientifiques qui étudient les expériences hallucinatoires pathologiques.
Plus spécifiquement, les chercheurs aimeraient mieux comprendre pourquoi certaines personnes ayant des hallucinations auditives rapportent une expérience spirituelle, alors que d’autres les trouvent plus pénibles et reçoivent un diagnostic psychiatrique.
Selon le psychologue Peter Moseley de l’université de Northumbria au Royaume-Uni :
Les spiritualistes ont tendance à rapporter des expériences auditives inhabituelles qui sont positives, commencent tôt dans la vie et qu’ils sont souvent capables de contrôler ensuite.
Il est important de comprendre comment ces phénomènes se développent, car cela pourrait nous aider à mieux comprendre également les expériences pénibles ou incontrôlables d’entendre des voix.
Avec son collègue psychologue Adam Powell de l’université de Durham au Royaume-Uni, il a recruté et interrogé 65 médiums de clairaudience de l’Union nationale des spiritualistes du Royaume-Uni, et 143 membres de la population générale recrutés par le biais des médias sociaux, afin de déterminer ce qui différencie les spiritualistes du grand public, qui ne déclarent pas (habituellement) entendre la voix des morts.
Dans l’ensemble, 44,6 % des spiritualistes ont déclaré entendre des voix quotidiennement, et 79 % ont déclaré que ces expériences faisaient partie de leur vie quotidienne. Et si la plupart ont dit entendre les voix dans leur tête, 31,7 % ont déclaré que les voix étaient aussi externes.
Par rapport à la population générale, les spiritualistes ont déclaré croire beaucoup plus au paranormal, et ils étaient moins enclins à se soucier de ce que les autres pensaient d’eux.
Dans l’ensemble, les spiritualistes ont eu leur première expérience auditive jeune, à un âge moyen de 21,7 ans, et ils ont fait état d’un niveau d’absorption élevé.
En outre, ils ont déclaré être plus sujets à des expériences ressemblant à des hallucinations. Les chercheurs ont noté qu’ils n’avaient généralement pas entendu parler du spiritisme avant leurs expériences, ils l’avaient plutôt rencontré en cherchant des réponses.
Dans la population générale, les niveaux élevés d’absorption étaient également fortement corrélés avec la croyance au paranormal, mais peu ou pas de susceptibilité aux hallucinations auditives. Et dans les deux groupes, il n’y avait pas de différences dans les niveaux de croyance au paranormal et de sensibilité aux hallucinations visuelles.
Ces résultats, selon les chercheurs, suggèrent que l’expérience de la « voix des morts » n’est donc probablement pas le résultat de la pression des pairs, d’un contexte social positif ou d’une suggestibilité due à la croyance au paranormal. Au contraire, ces personnes adoptent le spiritisme parce qu’il s’aligne sur leur expérience et qu’il est personnellement significatif pour elles.
Selon Powell :
Nos résultats en disent long sur l’apprentissage et le désir. Pour nos participants, les principes du spiritisme semblent avoir un sens à la fois pour les expériences extraordinaires de l’enfance et pour les phénomènes auditifs fréquents qu’ils vivent en tant que médiums pratiquants.
Mais toutes ces expériences peuvent résulter davantage du fait d’avoir certaines tendances ou capacités précoces que de la simple croyance en la possibilité de contacter les morts si l’on fait suffisamment d’efforts.
Les chercheurs concluent que de futures recherches devraient explorer une variété de contextes culturels pour mieux comprendre la relation entre l’absorption, la croyance et l’expérience spirituelle étrange de fantômes qui chuchotent à l’oreille.
L’étude publiée dans la revue Mental Health, Religion and Culture : When spirits speak: absorption, attribution, and identity among spiritualists who report “clairaudient” voice experiences et présentée sur le site de l’Université de Durham : Why some people report ‘hearing the dead’.