L’homo sapiens est devenu plus économe en eau que les autres primates
C‘est une question séculaire dans l’évolution : comment l’humain est-il devenu le primate dominant, capable de s’aventurer des forêts tropicales humides à la savane et de peupler ensuite le monde entier ? En d’autres termes, qu’est-ce qui nous rend uniques ?
La science offre de nombreuses explications, notamment notre grand cerveau, notre démarche de bipède et notre capacité à fabriquer des outils complexes, mais une nouvelle étude suggère que nous sommes également plus efficaces dans la conservation de l’eau.
Pour les humains, l’eau c’est la vie : notre corps est composé à 60 % d’eau et nous devons en boire 2 à 3 litres par jour pour reconstituer ce que nous perdons par la transpiration, l’urine et même la respiration. Et pourtant, selon une équipe internationale de scientifiques, les humains utilisent en fait 30 à 50 % moins d’eau par jour que leurs plus proches cousins primates.
L’étude, publiée le 5 mars (lien plus bas), pourrait avoir d’intéressantes conséquences pour ce que l’on sait de l’évolution humaine. La capacité à conserver l’eau aurait pu permettre à nos ancêtres chasseurs-cueilleurs de s’éloigner des sources d’eau pour trouver de la nourriture.
Selon Herman Pontzer, auteur principal et anthropologue évolutionniste à l’université Duke, aux États-Unis :
Le simple fait de pouvoir rester un peu plus longtemps sans eau aurait été un grand avantage, car les premiers humains ont commencé à vivre dans des paysages de savane aride.
Pontzer et son équipe ont étudié l’apport en eau (provenant des aliments et des boissons) et le rendement (via la sueur, l’urine et le tractus gastro-intestinal) de 309 personnes ayant des modes de vie allant des employés de bureau aux agriculteurs en passant par les chasseurs-cueilleurs. Ils ont comparé ces chiffres à ceux de 72 singes vivant dans des zoos et des sanctuaires, pour constater que si l’humain moyen traite 3 litres d’eau par jour, les chimpanzés et les gorilles en traitent deux fois plus.
Cette constatation est surprenante pour deux raisons :
- Premièrement, les humains transpirent beaucoup plus que nos cousins primates, avec dix fois plus de glandes sudoripares que les chimpanzés par centimètre carré de peau.
- Deuxièmement, nous avons tendance à passer davantage d’heures à être actifs que les grands singes.
Toujours selon Pontzer :
La plupart des singes passent 10 à 12 heures par jour à se reposer ou à se nourrir, puis ils dorment pendant 10 heures. Ils ne bougent vraiment que quelques heures par jour.
L’étude a toutefois tenu compte de facteurs tels que les différences de climat, de taille, de niveau d’activité et de calories brûlées par jour. Les résultats suggèrent que les humains ont progressivement évolué pour utiliser moins d’eau afin de rester en bonne santé.
Les chercheurs ont émis quelques hypothèses sur l’évolution de ce changement. Peut-être que la réponse de notre corps à la soif s’est adaptée pour réclamer moins d’eau par calorie, ou peut-être que nos nez proéminents, développés il y a environ 1,6 million d’années, nous aident à retenir davantage d’humidité de notre respiration que les nez plus plats des autres primates.
Il y a encore un mystère à résoudre, mais il est clair que les humains économisent de l’eau. La prochaine étape sera de trouver comment nous y parvenons exactement, et ce sera très amusant.
L’étude publiée dans Current Biology : Evolution of water conservation in humans et présentée sur le site de l’Université Duke : Humans Evolved to Be the Water-Saving Ape.