Des scientifiques découvrent des vapeurs de métaux lourds dans des comètes proches et lointaines
Pour la première fois, des astronomes ont détecté des traces de métaux lourds dans l’atmosphère de comètes, qu’elles traversent notre système solaire ou qu’elles proviennent de l’espace interstellaire.
GIF d’entête, à partir de la vidéo plus bas : illustration de la détection des métaux lourds que sont le fer (Fe) et le nickel (Ni) dans l’atmosphère brumeuse d’une comète. (ESO/ L. Calçada, SPECULOOS Team/ E. Jehin, Manfroid et col.)
Les scientifiques savent depuis longtemps que l’intérieur poussiéreux et rocheux des comètes abrite des formes solides de métaux lourds. Mais jusqu’à présent, ces métaux n’ont été observés que dans des environnements chauds, comme les comètes en cours d’évaporation qui s’approchent trop près du Soleil ou les atmosphères ultras chaudes des exoplanètes.
Comme ces métaux lourds ne se transforment généralement pas en gaz (sublimation) à basse température, les scientifiques ne s’attendaient pas à les trouver dans l’atmosphère glacée des comètes. Pourtant, ils en ont trouvé.
Les résultats ont été rapportés dans deux études différentes (liens plus bas) par deux équipes de recherche distinctes.
La première étude a utilisé le Very Large Telescope (VLT) de l’ESO au Chili pour analyser les spectres des comètes de notre système solaire. Lorsque les comètes se rapprochent du soleil, leurs matériaux commencent à se réchauffer et à se sublimer, et les astronomes peuvent utiliser une technique appelée spectroscopie pour révéler la composition chimique de la comète.
L’équipe observait les comètes à l’aide du VLT de l’ESO depuis 20 ans, mais elle venait seulement de remarquer les faibles raies spectrales signalant la présence de fer et de nickel en petites quantités.
Selon l’auteur principal, Jean Manfroid, de l’Université de Liège en Belgique :
Ce fut une grande surprise de détecter des atomes de fer et de nickel dans l’atmosphère de toutes les comètes que nous avons observées au cours des deux dernières décennies, soit environ 20 d’entre elles, et même dans celles qui sont éloignées du Soleil, dans l’environnement froid de l’espace.
La comète la plus éloignée qu’ils ont analysée se trouvait à plus de 480 millions de kilomètres du Soleil, ce qui représente plus du triple de la distance entre la Terre et le Soleil.
L’équipe a trouvé du fer et du nickel en quantités à peu près égales, ce qui est remarquable, car la plupart des autres matériaux du système solaire contiennent dix fois plus de fer que de nickel.
Selon Damien Hutsemékers, également de l’Université de Liège :
Nous sommes arrivés à la conclusion qu’ils pourraient provenir d’un type particulier de matériau à la surface du noyau de la comète, se sublimant à une température plutôt basse et libérant du fer et du nickel dans des proportions à peu près identiques.
La deuxième étude s’est intéressée à une comète qui ne vient pas de chez nous, mais d’un tout autre système solaire.
Une équipe polonaise a repéré une forme gazeuse de nickel dans la comète interstellaire et glacée 2I/Borisov, en utilisant également un spectrographe du VLT de l’ESO.
Selon l’auteur principal Piotr Guzik, de l’université Jagiellonian en Pologne :
Au début, nous avions du mal à croire que du nickel atomique pouvait réellement être présent dans 2I/Borisov, si loin du Soleil.
2I/Borisov se trouvait à seulement 300 millions de kilomètres du Soleil et sa température était estimée à 180 degrés Kelvin (- 93°C), bien plus froide que les 700 degrés Kelvin (420 ° C) nécessaires pour sublimer le nickel.
Cette vidéo montre une représentation artistique de ce à quoi pourrait ressembler la surface de la comète 2I/Borisov. (ESO)
Dans leur étude, les auteurs suggèrent une origine possible :
Les atomes de nickel non liés semblent provenir de la photodissociation d’une molécule contenant du nickel à courte durée de vie qui se sublime à basse température ou qui est autrement libérée avec les principaux composés volatils.
La détection de nickel (Ni) dans l’atmosphère brumeuse de la comète interstellaire 2I/Borisov est illustrée dans cette image, qui présente le spectre de lumière de la comète en bas à droite superposé à une image réelle de la comète prise avec le Very Large Telescope (VLT) de l’ESO fin 2019. Les raies de nickel sont indiquées par des tirets orange. (ESO/L. Calçada/O. Hainaut, P. Guzik and M. Drahus)
Les résultats montrent que les comètes d’autres systèmes stellaires ont beaucoup plus en commun avec les comètes de notre propre système solaire que nous ne le pensions.
Dans un article d’opinion accompagnant l’étude, les astronomes Dennis Bodewits et Steven J. Bromley concluent :
Si nous pouvons élucider l’origine du fer et du nickel dans les comètes régulières et cet objet interstellaire, nous pourrions découvrir une histoire de chimie organique partagée entre des systèmes planétaires différents.
Les résultats sont également intéressants pour ce qu’ils pourraient ajouter à notre compréhension de la formation du système solaire, car les comètes sont composées de poussières et de glaces laissées par la formation des planètes.
Selon le coauteur de la première étude, Emmanuel Jehin, de l’Université de Liège :
Les comètes se sont formées il y a environ 4,6 milliards d’années, dans le très jeune système solaire, et n’ont pas changé depuis cette époque. En ce sens, elles sont comme des fossiles pour les astronomes.
Les deux études publiées dans Nature :
- Celle dirigée par l’Université de Liège : Iron and nickel atoms in cometary atmospheres even far from the Sun
- De l’Université Jagiellonian : Gaseous atomic nickel in the coma of interstellar comet 2I/Borisov
… et présentées sur le site de l’Observatoire Européen Austral : Heavy metal vapours unexpectedly found in comets throughout our Solar System — and beyond.