Des chercheurs révèlent les messages censurés des lettres échangées entre Marie-Antoinette et son très, très bon ami Axel von Fersen
Une équipe de scientifiques de la conservation a récemment examiné la correspondance de 230 ans entre feu la reine de France Marie-Antoinette et son ami intime (et amant présumé) Axel von Fersen, un comte suédois, et elle a pu révéler des parties brouillées intentionnellement de 8 lettres échangées entre eux.
Image d’entête : portraits de Marie-Antoinette et de Axel von Fersen avec une partie des lettres griffonnées, analysées. (Wikipédia/ Anne Michelin et Coll./ Science Advances)
Les scientifiques français ont mis au point une nouvelle méthode pour découvrir l’écriture originale, en déterminant la composition chimique des différentes encres utilisées sur les documents historiques. Ils ont testé leur méthode en analysant les lettres privées entre la reine de France et le comte de Suède, qui sont conservées dans les archives nationales françaises. Ils ont ainsi pu lire les mots originaux et même identifier la personne qui les a effacés, Fersen lui-même.
Les lettres ont été échangées entre juin 1791 et août 1792, période pendant laquelle la famille royale française était surveillée de près à Paris, après avoir tenté de fuir le pays. La monarchie française allait bientôt être abolie et, l’année suivante, Marie-Antoinette et son mari, Louis XVI, seraient décapités.
Selon Anne Michelin, analyste des matériaux au Centre de recherche en préservation de la Sorbonne et coauteure de la recherche (lien plus bas) :
À cette époque, les gens utilisaient un langage très fleuri, mais ici, c’est un langage très fort, très intime. Nous savons qu’avec ce texte, il y a une relation amoureuse.
Les lettres, rédigées sur un épais papier de coton, traitent d’événements politiques et de sentiments personnels. Les expressions caviardées, telles que « follement » et « bien-aimé », ne changent pas le sens général, mais le ton de la relation entre l’expéditeur et le destinataire.
A partir de l’étude : une section d’une lettre datée du 4 janvier 1792 de Marie-Antoinette, reine de France et épouse de Louis XVI, au comte suédois Axel von Fersen, avec une phrase (soulignée en rouge) censurée par l’inconnu. La moitié inférieure montre les résultats d’une analyse par spectroscopie de fluorescence aux rayons X sur les mots supprimés. La partie en cuivre (Cu) révèle les mots français » pas sans vous « . (Anne Michelin/ Fabien Pottier/ Christine Andraud/ Science Advances)
Marie-Antoinette et Fersen se sont rencontrés en France alors qu’ils avaient tous deux 18 ans. Ils sont restés en contact jusqu’à la mort de Marie-Antoinette.
Les auteurs avisés de lettres à cette époque étaient également conscients qu’elles pouvaient être lues par plusieurs publics. Dans l’Europe du XVIIIe siècle, certains correspondants utilisaient des codes secrets et de “l’encre invisible » pour dissimuler leur message à certains yeux.
Les lettres échangées entre Marie-Antoinette et Fersen, qui ne se sont jamais mariés, ont été modifiées après coup. Certaines parties du texte ont été griffonnées à l’encre noire. Sa famille a conservé la correspondance jusqu’en 1982, date à laquelle les lettres ont été achetées par les archives nationales françaises.
Dans 8 des 15 lettres analysées par les chercheurs, les différences dans la composition chimique des encres (proportion de fer, de cuivre et d’autres éléments) étaient suffisantes pour qu’ils puissent cartographier chaque couche séparément et retrouver ainsi le texte original.
A partir de l’étude : récupération du texte à l’aide du rapport des couches d’éléments chimiques. (Anne Michelin/ Fabien Pottier/ Christine Andraud/ Science Advances)
Selon Anne Michelin, la découverte la plus surprenante, réalisée par son équipe, était d’avoir pu identifier la personne qui a censuré les lettres. Il s’agit de Fersen, qui a utilisé les mêmes encres pour écrire et rédiger certaines des lettres.
Ses motivations, peut-être de protéger sa vertu, restent un sujet de spéculation.
L’étude publiée dans Science Advances : 2D macro-XRF to reveal redacted sections of French queen Marie-Antoinette secret correspondence with Swedish count Axel von Fersen. Il y a une très bonne description du comte suédois, Axel de Fersen et de sa relation avec Marie-Antoinette sur le site du Château de Versailles : Axel De Fersen.