Des cacatoès fabriquent le même outil avec des matériaux différents (vidéo)
La fabrication d’outils était jadis considérée comme une caractéristique déterminante de l’humanité, mais on sait maintenant que diverses espèces animales utilisent et fabriquent leurs propres outils.
Dans la nature, certains des cas les plus frappants, de comportement liés aux outils, ne se retrouvent pas seulement parmi nos proches parents, les chimpanzés et autres primates, mais aussi chez les oiseaux, y compris les corbeaux, les vautours et les pinsons de Darwin, pour ne citer qu’eux.
Les Cacatoès de Goffin, une espèce de perroquet indonésien connue pour son comportement exploratoire, sont un exemple particulièrement intéressant pour les scientifiques. Ils ne construisent pas de nids et ne sont pas connus pour employer des outils afin d’obtenir de la nourriture dans la nature.
La recherche sur le comportement de cette espèce avec des outils a commencé après qu’un mâle en captivité, appelé Figaro, ait fabriqué de façon spontanée des outils en coupant des éclats de bois de mélèze, en les utilisant pour récupérer des aliments placés derrière une grille.
Dans un ensemble de dix observations, Figaro a montré neuf exemples de fabrication d’outils, l’un impliquant un substrat différent (coupe d’une branche d’une brindille sans feuilles). Comme il a pris environ quatre fois plus de temps pour faire son premier outil que pour tout autre, il est probable que ce fut son évènement d’innovation d’origine.
Dans une étude de suivi, trois mâles ont pu reproduire l’utilisation d’outils de Figaro après avoir reçu des démonstrations de leur utilisation. Deux ont réussi à fabriquer leurs propres outils à partir du même matériau (bois de mélèze). L’un l’a fait spontanément et l’autre après une démonstration.
Mais le bois, de par sa structure, a tendance à former naturellement de longs éclats adéquats pour la tâche à réaliser. Si les individus sont capables d’anticiper les exigences de chaque outil, ils doivent pouvoir produire des instruments fonctionnels en présentant des actions différentes et en utilisant des matériaux différents.
Pour tester si les cacatoès de Goffin visaient en fait à faire des outils allongés qui pourraient relier une distance particulière, l’équipe de recherche dirigée par la Dre Alice Auersperg, de l’université de médecine vétérinaire de Vienne, leur a soumis le problème d’atteindre un morceau de nourriture placée à quelques centimètres au-delà d’un trou circulaire dans la paroi transparente d’une boîte.
Les quatre matériaux donnés aux oiseaux nécessitaient différentes manipulations pour produire les outils appropriés : le bois de mélèze (qui leur est déjà familier), des rameaux de hêtre feuillus (qui devaient être taillés), du carton (qui, sans structure fibreuse, pouvait être coupé dans n’importe quelle forme et longueur) et de la cire d’abeille totalement amorphe.
Selon le Dr Auersperg :
Bien qu’aucun des oiseaux n’ait réussi à faire des outils à partir de cire d’abeille, nous avons constaté qu’au moins certains d’entre eux pouvaient faire des outils appropriés à partir des trois matériaux restants.
Les perroquets ont réussi à fabriquer des outils bien formés, même si chaque matériau nécessitait des techniques de manipulation différentes. Pour fabriquer des outils en bois de mélèze, ils ont coupé le matériau une ou deux fois et “déchiré” l’éclat résultant. Pour utiliser les rameaux feuillus, ils ont détaché les feuilles et les branches latérales. Enfin, pour fabriquer des outils en carton, ils ont simplement coupé ce qui était nécessaire à partir du bord de la feuille fournie.
Selon Auersperg :
Pour nous, les outils en carton étaient les plus intéressants, car ce matériel n’était pas préstructuré et obligeait les oiseaux à façonner leurs outils plus activement.
Ils ont réussi à placer un grand nombre de marques de morsures parallèles le long du bord du matériau comme un perforateur, en utilisant leur bec supérieur courbé pour couper la pièce allongée du bloc de carton après avoir atteint une certaine longueur.
Fait intéressant, cette longueur était généralement juste au-dessus ou très proche de la longueur minimale nécessaire pour atteindre la récompense alimentaire placée derrière la barrière.
Selon l’auteur principal de l’étude, le professeur Alex Kacelnik, de l’université d’Oxford :
En fin de compte, nous voulons comprendre comment les animaux pensent, à savoir de produire l’équivalent en programmes informatiques explicites capables de faire ce que font les oiseaux.
Nous ne savons pas vraiment s’ils peuvent imaginer dans leur esprit un objet qui n’existe pas encore et suivre cette image comme un modèle pour construire quelque chose de nouveau, ou comment leur cerveau suscite l’ensemble approprié de mouvements pour s’organiser en réponse à de nouveaux problèmes, mais c’est ce que nous essayons de découvrir.
Pour l’étude, les performances de Figaro dans la création d’outils à partir de matériaux différents (université d’Oxford) :
L’étude publiée dans Biology Letters : Goffin’s cockatoos make the same tool type from different materials.
C’est super intéressant, on peut imaginer qu’avec l’évolution, des animaux puissent continuer à progresser et acquérir une intelligence comparable à celle de l’homme.
De plus comme indiqué dans l’article, ce genre de compétence, bien que pas utilisée dans une vie « normale », est sans doute transmise d’individu en individu…