Une nouvelle étude estime que le champ magnétique de la Terre ne présente pas les signes d’une imminente inversion
Ces dernières années, la communauté scientifique a suivi de près l’évolution du champ magnétique terrestre, certains scientifiques ayant trouvé des indices d’un signe d’inversion du pôle magnétique en cours (ou excursion polaire magnétique), ce qui a également donné lieu à un méli-mélo de théories conspirationnistes. Cependant, une nouvelle étude rapporte que ce que nous observons actuellement n’est probablement pas le signe avant-coureur d’une inversion des pôles magnétiques.
Le champ magnétique terrestre est crucial pour la vie sur la planète, car il sert de bouclier contre les rayonnements dangereux provenant de l’espace, en particulier du Soleil.
Image à partir de : “Un nouveau rendu accéléré du turbulent champ magnétique de la Terre (vidéo)”. (ESA/ SWARM)
(NASA Goddard)
Depuis 1840, les scientifiques surveillent constamment ce champ magnétique et, depuis lors, son intensité globale a diminué à un taux d’environ 5 % par siècle. Suite à cette diminution continue, une anomalie significative est apparue, appelée anomalie magnétique de l’Atlantique Sud.
Cette anomalie représente une zone du champ magnétique anormalement faible, il s’agit d’un creux dans les défenses magnétiques de la Terre. Ici, la protection contre les rayonnements nocifs de l’espace est réduite, ce qui a plusieurs conséquences, par exemple pour les satellites évoluant dans cette zone et qui sont plus susceptibles de souffrir de pannes de communication et les passagers des vols autour de la zone sont soumis à davantage de rayonnements).
Dans le milieu de la recherche, certains ont interprété cette anomalie comme un signe d’inversion de polarité.
Si c’était le cas, ce ne serait pas vraiment surprenant, le champ magnétique terrestre change constamment, et la façon dont il se transforme change également. Par conséquent, dans l’histoire géologique de la Terre, les inversions de pôles magnétiques ont été assez courantes, et nous le savons en étudiant les données géologiques, les minéraux magnétiques dans les roches et les sédiments « enregistrent » l’orientation et la force du champ magnétique de la Terre au moment de la formation des roches. En datant les roches, nous pouvons savoir comment le champ magnétique a évolué, et nous avons une assez bonne idée de la façon dont ce champ a évolué dans le temps. Cependant, nous ne savons pas vraiment quand la prochaine inversion se produira.
Le champ de la Terre a alterné entre les périodes de polarité normale, dans laquelle la direction prédominante du champ était la même que la direction actuelle, et la polarité inverse. Ces périodes sont appelées chronozones. Leur durée n’est pas fixe, bien que la durée moyenne semble être de 450 000 ans. Les inversions elles-mêmes prennent généralement entre 1 000 et 10 000 ans. Cependant, la dernière, d’il y a 780 000 ans, s’est produite très rapidement, probablement en moins de 100 ans. Il n’est pas vraiment possible de prédire ces changements.
Dans le cadre de leur nouvelle étude, les scientifiques ont reconstitué les changements passés du champ magnétique terrestre à l’aide de données paléomagnétiques provenant de carottes sédimentaires et de roches volcaniques du monde entier. Ils ont trouvé un enregistrement spécifiquement adéquat pour la période de 50 000 à 30 000 ans avant notre ère, y compris deux baisses magnétiques similaires à l’anomalie de l’Atlantique Sud.
Ni l’une ni l’autre n’a mené à une inversion de pôle magnétique et, par conséquent, l’équipe conclut que l’anomalie actuelle est également peu susceptible de mener à une inversion de pôle. Bien que cela n’exclut pas la possibilité d’une inversion des pôles magnétiques à un moment donné dans un avenir proche, cela rend la chose beaucoup moins probable.
Selon Monika Korte, coauteure de l’étude :
Sur la base de nos observations des 50 000 dernières années, nous concluons que l’anomalie de l’Atlantique Sud ne peut être interprétée comme un signe du début d’un inversement des pôles. Les temps anciens qui, à la différence du début de l’évènement/ excursion de Laschamp*, montraient des modèles du champ magnétique comme aujourd’hui n’étaient pas suivis par une inversion des pôles. Après un certain temps, les anomalies ont disparu.
*L’excursion de Laschamp fait référence à une courte inversion du champ magnétique terrestre. Elle s’est produite il y a 41 400 (± 2 000) ans au cours de la dernière période glaciaire.
Un modèle montrant le champ magnétique de la Terre pendant deux excursions, lorsque le nord et le sud magnétique se sont considérablement affaiblis. En haut se trouve l’excursion de Laschamp, il y a environ 41 000 ans. En bas se trouve l’excursion du lac Mono, il y a environ 34 000 ans. (Université de Liverpool)
Selon Richard Holme, professeur de géomagnétisme à l’université de Liverpool et également coauteur :
Il y a eu des spéculations sur le fait que nous sommes sur le point de vivre une inversion ou une excursion polaire magnétique. Cependant, en étudiant les deux événements d’excursion les plus récents, nous montrons que ni l’un ni l’autre ne ressemble aux changements actuels du champ géomagnétique et qu’il est donc peu probable qu’un tel événement soit sur le point de se produire.
Nos recherches suggèrent plutôt que le champ affaibli actuel se rétablira sans un tel événement extrême, et qu’il est donc peu probable qu’il s’inverse.
L’étude publiée dans PNAS : Earth’s magnetic field is probably not reversing et présentée sur le site de l’université de Liverpool : Earth’s magnetic field is NOT about to reverse.
Cette étude rejoint les résultats d’une étude réalisée par le MIT, en 2015 :