La science tente de sauver la banane
Ne prenez pas ces fruits jaunes bon marché pour acquis ! Ils sont actuellement au centre d’une grande tourmente agricole.
Les bananes peuvent avoir des prix très bas à l’épicerie, mais dans les coulisses, les investisseurs dépensent des millions d’euros dans le but de sauver nos fruits préférés. La banane jaune nature connue sous le nom de variété Cavendish, que l’on trouve le plus souvent dans les supermarchés européens et nord-américains, est menacée d’extinction en raison d’une maladie virulente qui a ravagé les cultures en Afrique, en Asie, en Australie et dans certaines régions du Moyen-Orient au cours des dernières années.
Mais avant, il faut savoir, si vous ne le savez pas déjà, que la moitié de la production actuelle repose sur des “somaclones”, des plantes produites par une technique de culture in vitro qui sont génétiquement identiques à la plante d’origine à partir de laquelle elles sont produites, dérivées d’un seul génotype triploïde (Cavendish). Les ravageurs et les maladies se sont progressivement adaptés, à la différence de ces plants de bananes stériles qui ne transmettent pas leur évolution si elles en avaient eu le temps, ce qui représente un danger imminent pour la production mondiale de bananes.
La production de banane dans le monde (via chartsbin.com)
La maladie porte plusieurs noms : fusariose, fusarium wilt, Panama Disease et Tropical Race 4 sont quelques-uns de ses surnoms et les experts sont très préoccupés par le fait que ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne se propage en Amérique latine, où la grande majorité des bananes du monde sont cultivées. La Cavendish représente 99,9 % de toutes les bananes commercialisées dans le monde, et elle a déjà remplacé une variété différente et prétendument plus savoureuse appelée Gros Michel, qui a été éliminée dans les années 1960 et 1970 à la suite d’une épidémie fongique similaire.
Un certain nombre d’entreprises de biotechnologie et de chercheurs ont sauté sur l’occasion de créer une variété de bananes résistantes aux champignons. Tropic Biosciences est l’une de ces sociétés. Elle vient de recevoir 10 millions de dollars d’investisseurs et utilise des techniques de modification génétique pour rendre la Cavendish plus résistante. Cette société a déjà effectué avec succès l’édition de gènes sur une cellule de banane qui peut être cultivée en plante complète.
Selon le directeur scientifique de l’entreprise, Eyal Maori :
Il ne s’agit pas seulement de résistance aux maladies, mais aussi d’alléger le fardeau environnemental. La nouvelle variété nécessitera moins de fongicides et des rendements plus élevés pour les agriculteurs. Les essais devraient montrer que les plantes peuvent bien fonctionner dans des conditions réelles et démontrer leur valeur aux producteurs.
Des projets similaires sont en cours ailleurs. L’université du Queensland à Brisbane, en Australie, a réussi à transférer des gènes d’une banane sauvage résistante aux maladies à la Cavendish, mais elle fait actuellement l’objet d’essais échelonnés sur plusieurs années pour voir comment elle opère sur le long terme. D’autres chercheurs font un travail similaire en Israël et en Équateur.
Le Tropical Agriculture Research Center du Département de l’Agriculture des États-Unis (USDA), basé à Porto Rico, expérimente avec des variétés sauvages de bananes pour voir lesquelles peuvent résister au fusarium. En 2016, seuls 10 % avaient réussi le test. Mais, même lorsque ces variétés sont trouvées, étant des variétés sauvages, elles sont accompagnées de tant de graines qu’il est difficile de manger la pulpe. Cela nécessite d’autres croisements. Les sélectionneurs doivent commencer avec des bananes qui ont des graines, sinon, il n’y a pas de descendance. Mais au final, leurs efforts doivent produire une variété sans graines, afin que les gens puissent la manger. C’est possible, et dans le meilleur des mondes, cet effort de sélection aboutirait à de multiples variétés, pas seulement une.
Le projet BananEx de l’Université d’Exeter en Angleterre est dirigé par Dan Bebber et, selon lui :
Ce que nous observons, c’est l’édition génétique versus la modification génétique, l’édition de gènes fonctionnant avec l’ADN existant et la modification de gènes ajoutant l’ADN de différents organismes.
Mais Bebber est préoccupé par le fait que, peu importe les modifications génétiques qui se produisent, nous devons examiner la situation dans son ensemble. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une industrie agricole qui n’est pas dominée par les monocultures, qui a une plus grande diversité, des sols plus sains qui peuvent naturellement combattre les agents pathogènes et une meilleure lutte biologique contre les ravageurs et les maladies.
L’industrie de la banane n’a pas tiré les leçons de la catastrophe de la Gros-Michel, apparemment, et c’est pourquoi nous sommes confrontés à un problème similaire. En tant que consommateurs, en attendant, nous pouvons participer à la sauvegarde de la banane en achetant des variétés qui ne nous sont pas familières lorsque nous en croisons et en optant pour l’agriculture biologique, qui est plus respectueuse de la terre et des travailleurs agricoles.
Pour aller plus loin, histoire de la banane capitaliste