Géo-ingénierie : l’injection d’aérosol dans l’atmosphère pour tenter de réduire l’impact du Soleil semble être une mauvaise idée
L’injection d’aérosols dans l’atmosphère pourrait atténuer certains des effets du changement climatique, mais elle engendrerait tout autant de dommages, selon une nouvelle étude de chercheurs de l’université de Californie à Berkeley.
Image d’entête : l’éruption du stratovolcan Pinatubo en 1991.
La géo-ingénierie de la Terre est généralement considérée comme une tentative de dernière minute pour contrer les effets du changement climatique, ce n’est pas quelque chose qui devrait être considéré comme l’approche principale. Mais si nous en avions vraiment besoin, que pourrions-nous faire ? Et, ce qui est peut-être plus important, cela fonctionnerait-il ? Une nouvelle étude a analysé les effets de l’une des techniques de géo-ingénierie les plus populaires : l’injection d’aérosols dans l’atmosphère.
Les aérosols sont essentiellement de minuscules particules en suspension dans l’atmosphère. Lorsque ces particules deviennent suffisamment grosses ou abondantes, leur effet commence à se faire sentir, à mesure qu’elles se dispersent et absorbent la lumière du soleil. Cette diffusion est ce qui fait rougir la lumière des levers et couchers de soleil. Heureusement, pour les besoins de cette étude, la Terre dispose déjà d’une source d’aérosols qui ressemblent à ceux proposés par la géo-ingénierie : les volcans.
Les volcans peuvent émettre des quantités inimaginables d’aérosols. L’éruption du mont Pinatubo en 1991 (image d’entête), l’une des plus grandes éruptions de l’histoire moderne, a injecté environ 15 tonnes de dioxyde de soufre dans la stratosphère, où il s’est combiné avec des molécules d’eau. Cela a créé une couche d’aérosols épais et brumeux qui ont été répandus autour du globe par les vents stratosphériques. Cette couche a temporairement réduit les températures dans l’hémisphère Nord de 0,5°C à 0,6°C.
Un voile d’aérosols stratosphériques de sulfate entoure la Terre dans les mois qui suivent l’éruption massive du mont Pinatubo en 1991. Ces aérosols ont refroidi et ont ombragé les terres cultivées de la terre, montrées en vert. (Jonathan Proctor/ Solomon Hsiang/ Université de Californie à Berkeley)
Bien que de courte durée, l’effet de cette éruption a été suffisamment fort pour susciter l’intérêt pour les effets des volcans sur le climat mondial et entamer des discussions sur la géo-ingénierie pour nous soulager du réchauffement climatique avec des aérosols. Mais pourrions-nous vraiment le faire nous-mêmes, et quels en seraient les effets ?
Selon les chercheurs :
La géo-ingénierie, l’altération volontaire du climat pour compenser les changements induits par les émissions de gaz à effet de serre – est une approche proposée, mais encore mal comprise, pour limiter le réchauffement futur.
L’interaction entre les aérosols et l’atmosphère n’est pas simple. Ils interagissent à la fois directement (en diffusant la lumière du soleil directement dans l’espace) et indirectement (en modifiant la taille des particules des nuages, en changeant la façon dont ils réfléchissent et absorbent la lumière du soleil). Afin d’évaluer les effets, l’équipe a analysé deux grandes éruptions, d’El Chichón et du Mont Pinatubo, en évaluant comment elles ont modifié la quantité et la qualité de la lumière du soleil dans le monde entier, et comment ces changements ont affecté les rendements agricoles mondiaux. Ils se sont davantage concentrés sur l’éruption de Pinatubo, qui est plus récente que l’éruption d’El Chichón, de sorte qu’elle a été enregistrée avec plus de précision et dans plus de stations de recherche.
Ils ont passé au peigne fin les données de 859 stations météorologiques, constatant que l’éruption du Pinatubo a réduit la lumière solaire directe de 21 %, augmenté la lumière solaire diffuse de 20 % et réduit la lumière solaire totale de 2,5 %. Globalement, cela a conduit à un effet de refroidissement de 0,5 °C, ainsi qu’à une réduction et une redistribution des précipitations mondiales (bien sûr, tous ces effets étaient temporaires et non permanents).
Mais constater de l’effet sur l’agriculture est plus compliqué, d’autant plus que les changements ont eu des effets contradictoires. La diffusion de la lumière diminue la lumière solaire totale disponible, ce qui diminue généralement la photosynthèse, mais augmente la fraction de lumière qui est diffuse, ce qui peut augmenter la photosynthèse en redistribuant la lumière des feuilles de la canopée saturées de soleil vers les feuilles ombragées en dessous.
Jonathan Proctor et ses collègues de l’université de Californie à Berkeley ont étudié en profondeur cet effet, trouvant que l’augmentation de la diffusion avait un effet négatif sur les rendements des deux cultures C3 (comme le riz, le soja ou le blé, qui se photosynthétise plus efficacement dans les climats chauds et ensoleillés) et plutôt surprenant, les cultures C4 (comprenant le maïs, qui est plus efficace dans les climats frais et humides). C3 et C4 font référence à la façon dont les plantes combattent la photorespiration, un processus respiratoire par lequel elles absorbent l’oxygène dans la lumière et dégagent un peu de dioxyde de carbone, contrairement au schéma général de la photosynthèse. Les plantes C3 n’ont pas de caractéristiques spéciales pour combattre la photorespiration, alors que les plantes C4 disposent de certains mécanismes, de sorte que les deux groupes sont souvent traités séparément dans les études. Pourtant, dans ce cas, elles ont toutes deux souffert d’une augmentation de la diffusion des aérosols.
L’objectif principal de la géo-ingénierie,l’atténuation des changements climatiques, aurait un effet bénéfique sur les plantes agricoles, mais cet effet serait largement alourdi par l’effet négatif associé aux changements de lumière. Donc, dans l’ensemble, cela n’apporterait pas beaucoup d’amélioration.
Du moins en ce qui concerne l’agriculture, la géo-ingénierie n’est pas la clé de la lutte contre le réchauffement climatique.
Cela suggère que la gestion du rayonnement solaire, si elle est déployée en utilisant des aérosols stratosphérique de sulfate, semblables à ceux émis par les éruptions volcaniques qu’elle cherche à imiter, “atténuerait peu les dommages agricoles mondiaux causés par le changement climatique « , concluent Proctor et ses collègues.
Il semble que nous devrons nous cantonner à la bonne vieille méthode de lutte contre le changement climatique, la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.
L’étude publiée dans Nature : Estimating global agricultural effects of geoengineering using volcanic eruptions et présentée sur le site de l’université de Californie à Berkeley : Blocking sunlight to cool Earth won’t reduce crop damage from global warming.
Un déflecteur avec une modulation fine placé entre la Terre et le Soleil serait peut-être plus judicieux.