Une théorie tentant d’expliquer pourquoi les trous noirs n’ont pas pris la place de l’univers en l’avalant
Les trous noirs sont parfaits pour aspirer la matière. Si grand, en fait, que même la lumière ne peut échapper à leur emprise. Mais étant donné leur talent à avaler, pourquoi les trous noirs ne continuent-ils pas à s’étendre pour finir par absorber l’Univers ? L’un des meilleurs physiciens du monde a trouvé une nouvelle explication. De façon pratique, l’idée pourrait aussi unir les deux plus grandes théories de la physique.
Image d’entête : représentation artistique d’un trou noir supermassif entouré d’un disque d’accrétion de matière en rotation comprenant les restes d’une étoile déchiquetée. (ESO / ESA / Hubble / M. Kornmesser)
Le chercheur à l’origine de cette dernière explication n’est autre que Leonard Susskind, physicien à l’université Stanford (États-Unis), également connu comme l’un des pères de la théorie des cordes. Il a publié une série d’articles qui suggèrent essentiellement que les trous noirs se développent en augmentant leur complexité interne, une caractéristique difficile à observer d’aussi loin. En d’autres termes, ils s’étendent vers l’intérieur et non vers l’extérieur.
Plus bizarre encore, cette hypothèse pourrait avoir un parallèle avec l’expansion de l’Univers, qui semble aussi se développer de manière contre-intuitive.
Selon Susskind :
Je pense que c’est une question très, très intéressante de savoir si la croissance cosmologique de l’espace est liée à la croissance d’une certaine complexité.
Et si l’horloge cosmique, l’évolution de l’univers, est liée à l’évolution de la complexité. Là, je ne connais pas la réponse.
Pour l’instant, ses récentes recherches n’ont pas été revues par les pairs, elles sont disponibles en prépublication (lien plus bas). Cela signifie qu’il faut prendre ces résultats avec des pincettes et, de plus, ce type de recherche est, de par sa nature, théorique. Mais il y a ici une idée plutôt intéressante qui vaut la peine d’être creusée.
Pour les non-initiés, les trous noirs sont des masses denses qui déforment l’espace au point que même la lumière (ou information) n’a pas la vélocité nécessaire pour s’en échapper. Les premiers fondements théoriques solides sur cet objet ont émergé naturellement des mathématiques derrière la relativité générale d’Einstein en 1915. Depuis lors, des objets physiques correspondant à ces prédictions ont été repérés, souvent accrochés au centre des galaxies.
Une comparaison courante consiste à imaginer les dimensions de l’espace et du temps comme une toile tendue, un trampoline par exemple. Tout comme un objet lourd le déforme, la masse déforme la géométrie de l’espace-temps. Les propriétés de la toile de notre Univers lui permettent de former un entonnoir à gravité profonde qui s’étire vers le bas sans s’étendre beaucoup plus vers l’extérieur.
La plupart des objets s’étendent vers l’extérieur à mesure que vous ajoutez du matériel, et non vers l’intérieur. L’histoire de la toile tendue est une comparaison utile, mais elle a ses limites. Pour comprendre le comportement de la matière sur ce support super extensible, il faut aller voir ailleurs. Heureusement, la physique a une deuxième série de règles sur le fonctionnement de l’Univers, appelé mécanique quantique, qui décrit comment les particules et leurs forces interagissent. Cependant, les règles de la relativité générale et de la mécanique quantique ne s’accordent pas toujours. Le microscopique interprété sous l’angle de la relativité générale n’a pas beaucoup de sens. Et de grandes choses comme les trous noirs produisent un charabia lorsque les règles de la mécanique quantique sont appliquées. Cela signifie qu’il nous manque quelque chose d’important, quelque chose qui nous permettrait d’interpréter la caractéristique de flexion spatiale de la relativité générale en termes de masses finies et de particules à transmission de force. Parmi les théories qui tentent de les réconcilier, vous avez ce que l’on appelle la correspondance anti de Sitter/théorie conforme des champs, abrégée en Ads/CFT. Il s’agit d’une idée du type » la théorie des cordes rencontre l’espace à 4 dimensions », visant à réunir le meilleur de la mécanique quantique et de la relativité générale.
Selon son cadre, la complexité quantique d’un trou noir, le nombre d’étapes nécessaires pour le ramener à un état antérieur au trou noir, se reflète dans son volume. C’est la même idée qui se cache derrière une autre idée révolutionnaire appelée le principe holographique. Pour tenter de lui donner un visage, c’est un peu comme si vous téléchargiez des films avec votre ordinateur et que vous vous aperceviez qu’il est maintenant » plus grand » à l’intérieur… Aussi ridicule que cela puisse paraître, dans l’environnement extrême d’un trou noir, plus de puissance de calcul pourrait en effet signifier plus de volume interne. C’est du moins ce que suggère la modélisation Ads/CFT de Susskind.
La théorie des cordes elle-même est l’une de ces belles idées (théorie) qui réclament une solution empirique, donc nous sommes encore loin de marier la mécanique quantique et la relativité générale.
La suggestion de Susskind selon laquelle la complexité quantique est en fin de compte responsable du volume d’un trou noir amène les physiciens à réfléchir aux répercussions. Après tout, les trous noirs ne sont pas comme un espace ordinaire, nous ne pouvons donc pas nous attendre à ce que des règles communes s’y appliquent.
si vous voulez obtenir votre dose de mathématiques pour la journée, voir l’année, les détails exacts ne sont pas pour les plus timorés, mais sont disponibles gratuitement (PDF) en prépublication sur arXiv.org : Three Lectures on Complexity and Black Holes et présentée sur le site de l’université Stanford : Why Black Hole Interiors Grow (Almost) Forever.