Des bactéries activent leur “Mode Zombie” pour survivre à la famine
Derrière leur simplicité trompeuse et unicellulaire, les bactéries ont réussi à développer un certain nombre de stratégies complexes de survie. On sait que certaines peuvent entrer dans un état de dormance ou d’hibernation, essentiellement en « dormant » pour éviter les périodes de famine ou d’attaque dans des conditions extrêmes. Un état métabolique récemment découvert, entre dormance et activité, a été découvert par une équipe internationale de scientifiques. Cet état “zombie” inconnu jusqu’alors implique que l’organisme ralentit tous ses processus métaboliques afin de survivre pendant de longues périodes lorsque son environnement est privé de nutriments.
Image d’entête : Microscopie électronique à balayage de Bacillus subtilis, l’une des bactéries étudiées ici. (Jessica C Zweers et coll./ Microbial Cell Factories)
De l’état d’hibernation à l’accumulation de grandes quantités d’antibiotiques permettant à leurs congénères de se développer sans dommages, les bactéries ont développé d’incroyables tactiques de survie. Une nouvelle stratégie a été découverte par une équipe de biologistes de l’Institut Swammerdam des sciences de la vie de l’université d’Amsterdam.
L’étude a commencé par celle de la Bacillus subtilis, une bactérie commune et inoffensive dont on sait qu’elle entre dans un état de dormance prolongée en se rétrécissant sous une forme appelée endospore. Il existe certaines formes mutantes de cette bactérie qui sont incapables de former des endospores, mais qui peuvent survivre à de longues périodes de famine (stress nutritif). L’examen de cette stratégie de survie a révélé une nouvelle façon dont les bactéries peuvent survivre à un stress extrême.
Pour Leendert Hamoen, chercheur à l’université d’Amsterdam qui a participé à cette nouvelle étude :
Nous avons vu des différences claires entre l’état actif, l’état dormant et cet état. Normalement, Bacillus est en forme de tige, mais les bactéries affamées ont rétréci jusqu’à ce qu’elles soient presque sphériques. Toutes sortes de processus qui sont normalement actifs dans la bactérie ont été modifiés. Mais elles ne s’arrêtent pas complètement, comme c’est le cas lorsque la bactérie redevient une spore à l’état dormant. La bactérie a même continué à se diviser. Pas une fois toutes les quarante minutes, mais tous les quatre jours, plus de cent fois plus lentement que d’habitude.
Ce nouveau processus a été qualifié de croissance oligotrophique, c’est-à-dire croissance pauvre en nutriments, par les chercheurs, et il est défini comme étant une phase métabolique lente se produisant dans des environnements pauvres en nutriments. Fait intéressant, l’étude a montré que la bactérie, une fois dans sa phase oligotrophique, était beaucoup plus tolérante à certains antibiotiques et au stress oxydatifs. Cela suggère qu’il pourrait s’agir d’une stratégie que les bactéries utilisent pour éviter la destruction par les antibiotiques.
Selon M. Hamoen :
La grande question est maintenant : les bactéries autres que Bacillus connaissent-elles aussi ce truc ? Si c’est le cas, cela change fondamentalement notre perspective sur les bactéries. S’il y a plus de bactéries capables de passer à cet état, cela jettera un nouvel éclairage sur, entre autres, comment les bactéries peuvent échapper aux antibiotiques.
L’étude publiée dans Nature Communications : Extreme slow growth as alternative strategy to survive deep starvation in bacteria et présentée sur le site de l’université d’Amsterdam : UvA biologists discover previously unknown survival strategy of bacteria.