Comment certains poissons ont-ils débarqué sur la terre ferme pour y rester ?
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Les animaux ont développé des adaptations incroyables pour survivre, en particulier ceux qui sont passés de l’eau à la terre, mais cela a un prix.
Après avoir sauté hors de l’eau pour échapper à de méchants prédateurs, des espèces rusées de poissons blennies (Blenniidae) ont ensuite dû s’adapter à des choix alimentaires limités, rapporte une étude publiée cette semaine (lien plus bas).
Image d’entête : blennies Alticus anjouanae de la Réunion. (Wikimédia)
Selon l’auteur principal, Terry Ord, de l’université de Nouvelle-Galles-du-Sud :
Nous avons découvert que le fait d’avoir un régime alimentaire varié et d’être innovant ou flexible sur le plan comportemental fut le précurseur des blennies qui sortent de l’eau pour vivre sur terre.
Mais les restrictions alimentaires ont entraîné des changements majeurs dans leur morphologie, en particulier au niveau de leurs dents, car ils ont dû s’adapter et utiliser des grattoirs de roches spécialisés pour se nourrir d’algues et de détritus, c’est ainsi que ces poissons sont également appelés “Blennies à dents de peigne”.
Des fossiles datant de centaines de millions d’années, jusqu’au Dévonien inférieur, ont aidé les scientifiques à comprendre les adaptations évolutives des animaux aquatiques lors de leur transition radicale vers la terre.
Les blennies des temps modernes offrent une occasion unique de voir cette transition évolutive en action, explique Ord.
Alors que certaines espèces sont heureuses de rester dans l’eau, d’autres qui se sont aventurées en dehors partagent leur temps entre l’eau et la terre, dans la zone intertidale (estran) avec des niveaux d’eau fluctuants et des bassins sujets à des changements rapides de température et de niveaux d’oxygène.
Un groupe de blennies du Pacifique sautant hors de l’eau sur l’estran de l’île de Guam. (Terry Ord/ UNSW Sydney)
Les blennies terrestres passent pratiquement toute leur vie hors de l’eau, mais ils restent dans la zone d’éclaboussures pour rester humides afin de pouvoir respirer à travers leur peau et leurs branchies. Ils défendent des territoires, se font la cour et se reproduisent exclusivement hors de l’eau.
Ord s’est lié avec Peter Hundt, de l’université du Minnesota aux États-Uni,s en raison de leur fascination mutuelle pour ces poissons, en précisant :
Nous avions tous deux recueilli des données détaillées sur de très nombreuses espèces de blennie du monde entier. Peter avait des informations détaillées sur le régime alimentaire et la morphologie des dents, tandis que j’avais beaucoup de données sur le comportement et la fréquence de sortie de différentes espèces hors de l’eau pendant des périodes brèves ou prolongées sur terre.
En mettant leurs données en commun, ils ont utilisé des modèles statistiques évolutifs complexes pour faire la lumière sur la séquence des événements qui ont permis aux blennies de faire la transition, et sur la façon dont les espèces terrestres se sont adaptées au régime alimentaire spécialisé nécessaire à leur survie.
Leurs conclusions pourraient avoir des implications plus larges, note Ord, en particulier avec le changement rapide du climat de la planète.
Selon Ord :
Certaines espèces qui sont déjà spécialisées dans leur environnement sont probablement moins capables d’effectuer de nouvelles transitions dans leur habitat ou pourraient ne pas s’en sortir si des changements abrupts se produisent dans leur environnement.
L’étude est basée sur l’observation, c’est pourquoi les deux chercheurs espèrent trouver un moyen de tester leurs résultats de manière expérimentale. Ils sont également curieux de connaître d’autres adaptations.
Toujours selon Ord :
Les blennies terrestres sont vraiment agiles hors de l’eau et je soupçonne qu’ils ont adapté leur morphologie pour leur permettre de sauter sur les rochers si librement. Ce qui implique qu’ils ne peuvent pas retourner dans l’eau. Il serait également intéressant de savoir comment leurs systèmes sensoriels se sont adaptés hors de l’eau, étant donné que la vision et l’odorat fonctionneraient probablement de manière très différente dans ces environnements.
L’étude publiée dans la revue Functional Ecology : Crossing extreme habitat boundaries: Jack‐of‐all‐trades facilitates invasion but is eroded by adaptation to a master‐of‐one et présentée sur le site de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud : Fish evolution in action: land fish forced to adapt after leap out of water.