Tau emmêle les méninges : la fuite toxique d’une protéine cellulaire ordinairement utile conduit à la maladie d’Alzheimer
Le Guru a été absent quelques jours pour son déménagement, il revient sur l’actualité scientifique récente. Il n’a, pour l’instant, pas une connexion internet fiable, comme promise par son opérateur… mais il s’est débrouillé…
Des chercheurs australiens et chinois ont fait la lumière sur les origines obscures de maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, qui pourraient éventuellement déboucher sur de nouveaux traitements. L’équipe a découvert un mécanisme qui explique comment des enchevêtrements toxiques de protéines tau s’infiltrent dans les cellules saines du cerveau.
Image d’entête : un processus cellulaire perturbé permet à la protéine toxique tau (en jaune) de s’infiltrer dans les cellules saines du cerveau. (Université du Queensland)
Dans un cerveau normal et sain, les protéines tau sont essentielles pour stabiliser les microtubules, qui fournissent la structure aux cellules et aident à transporter les nutriments. Mais parfois, ces protéines peuvent se replier et commencer à s’agglutiner en structures anormales appelées enchevêtrements neurofibrillaires. Comme ces enchevêtrements apparaissent en plus grand nombre chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer et d’autres maladies neurodégénératives, ils restent les suspects idéaux dans la traque à la cause première de ces maladies.
Mais la manière exacte dont ils se propagent entre les neurones reste floue. Aujourd’hui, des chercheurs de l’université du Queensland en Australie et de l’université des sciences et technologies de Huazhong en Chine affirment avoir découvert comment les enchevêtrements s’infiltrent dans les cellules saines.
Dans des travaux antérieurs, l’équipe a découvert que les « graines » de tau sont d’abord encapsulées dans des exosomes, de minuscules sacs « messagers » à l’intérieur des cellules qui contiennent des choses comme des protéines et de l’ADN. Ils ont découvert que les exosomes pouvaient sauter à travers les synapses vers les neurones voisins, et à l’arrivée, induire des amas de protéines tau. Mais on ne sait pas comment les graines tau s’échappaient des exosomes.
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont découvert le processus qui en est responsable. Il s’avère que l’élément clé est le lysosome, une structure cellulaire qui utilise des enzymes digestives pour décomposer les protéines lorsqu’elles sont défectueuses ou qu’elles ne sont plus nécessaires. Les graines de tau semblent détourner cette fonction et l’utiliser pour rendre les exosomes plus perméables, leur permettant de s’échapper dans le fluide de la cellule et de commencer à s’accumuler.
Selon Jürgen Götz, auteur principal de l’étude
Chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, il semble que les exosomes déclenchent une réaction qui fait des trous dans la paroi de leur propre membrane cellulaire et permet aux graines toxiques de s’échapper. Ces fuites créent un processus d’ensemencement dommageable qui provoque des enchevêtrements de tau et, en fin de compte, des pertes de mémoire et d’autres déficiences.
L’identification de ce mécanisme pourrait potentiellement ouvrir la voie à de nouveaux traitements pour ces maladies neurodégénératives. Et les chercheurs ont déjà étudié certaines des techniques possibles pour y parvenir. Ils ont découvert qu’une protéine appelée RAB7A est liée aux enchevêtrements tau : sa surexpression augmente l’accumulation de tau, tandis que le fait de la neutraliser la réduit. L’équipe a également découvert que l’inhibition de la fonction du lysosome diminuait l’agrégation de tau.
Selon Juan Polanco, un des auteurs de l’étude :
Plus nous comprenons les mécanismes sous-jacents, plus il sera facile d’interférer avec le processus et de ralentir ou même d’arrêter la maladie.
Avec la maladie d’Alzheimer, ce processus cellulaire pourrait également jouer un rôle de premier plan dans d’autres maladies cognitives, de la démence du lobe frontal aux troubles neurologiques rares avec tau toxique. Améliorer notre compréhension de la façon dont la maladie d’Alzheimer et d’autres maladies se propagent par les exosomes nous permettra de créer de nouvelles façons de traiter et d’intervenir dans ces processus cellulaires à l’avenir.
L’étude publiée dans Acta Neuropathologica : Exosomes induce endolysosomal permeabilization as a gateway by which exosomal tau seeds escape into the cytosol et présentée sur le site de l’Université du Queensland : New discovery for how the brain ‘tangles’ in Alzheimer’s Disease.