Première manipulation d’antimatière par laser
Des chercheurs de la collaboration ALPHA (Antihydrogen Laser Physics Apparatus), basée au CERN, ont annoncé une guerre pour manipuler l’antimatière avec un laser.
L’antimatière est le pendant de la matière, avec des propriétés similaires, mais une charge opposée. Cela signifie que les deux s’annihilent lorsqu’elles se rencontrent, ce qui la rend extrêmement difficile à étudier dans notre monde saturé de matière.
Dans un univers miroir où le temps s’écoule à l’envers, échanger de la matière contre de l’antimatière devrait simplement nous permettre de boucler la boucle et de reproduire la réalité que nous connaissons. Notre univers et l’univers miroir d’antimatière seraient identiques.
Mais si ce n’était pas le cas ? Aussi improbable que cela puisse être dans la physique actuelle, cette possibilité pourrait ouvrir un tout nouveau paysage à explorer pour les chercheurs, ce qui en fait une question qui mérite qu’on s’y attarde.
Malheureusement, l’antimatière n’est pas la chose la plus facile à étudier. Elle est difficile à produire, a tendance à disparaître dans une bouffée de rayons gamma lorsqu’elle rencontre la matière ordinaire, et même lorsque vous en recueillez suffisamment pour l’examiner, elle se déplace à des vitesses vertigineuses.
Pour certaines études, ce n’est pas forcément un gros problème. Mais si l’on veut, par exemple, mesurer l’attraction de la gravité sur ses minuscules particules, il faut que la matière reste aussi immobile que possible.
Depuis quelques années, l’expérience ALPHA de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) cherche un moyen de freiner les particules d’antimatière grâce à une application astucieuse de lasers minutieusement calibrés.
Ces expériences ont finalement porté leurs fruits, en parvenant à ralentir les particules d’antihydrogène (l’équivalent en antimatière de l’hydrogène, le plus léger de tous les éléments) de la vitesse d’un coureur de Formule 1 à celle d’une voiture roulant dans une rue de banlieue.
Nous sommes déjà parvenus à immobiliser la matière ordinaire en combinant diverses méthodes qui extraient l’énergie de leur environnement immédiat. Ralentir l’antimatière est plus difficile, car il faut des méthodes qui ne l’obligent pas à entrer en collision avec des particules de matière, ce qui la désintégrerait immédiatement en un éclair de rayonnement.
Ces dernières décennies, la technologie des décélérateurs a déjà permis de ralentir des atomes entiers d’antimatière à une vitesse proche de celle de la lumière. C’est suffisant pour permettre aux physiciens d’effectuer au moins quelques tests, comme la décomposition du spectre de l’antihydrogène.
Jusqu’à présent, les résultats de ces études ont montré que l’hydrogène et l’antihydrogène sont plus ou moins identiques, à l’exception de leurs charges inversées. C’est un peu décevant, car toute différence pourrait nous expliquer pourquoi une forme de matière a persisté plutôt que l’autre pour créer l’Univers que nous connaissons et aimons tous.
Pourtant, il y a une chance infime que, malgré les mêmes masses, la gravité en favorise une un peu plus que l’autre. Ou peut-être qu’une autre force exerce une influence subtile sur l’antimatière d’une manière que nous ne connaissons pas encore.
Pour en avoir le cœur net, il faut ralentir davantage l’antimatière : le procédé de la collaboration ALPHA ralentit les antiatomes en les bombardant de photons de manière à ce qu’ils ne soient pas en même temps attirés par inadvertance.
Image d’entête : Illustration du mouvement d’un atome d’antihydrogène dans le piège magnétique ALPHA, avant (gris) et après (bleu) le refroidissement par laser. (Chukman So/ TRIUMF)
Tout comme les atomes d’hydrogène ordinaires, les atomes d’antihydrogène peuvent absorber et diffuser les photons pour perdre ou gagner de la vitesse. Cet effet ne se produit que si la lumière est à la bonne fréquence. Trop haute ou trop basse, les ondes lumineuses traverseront les atomes.
Les chercheurs ont réglé les lasers de manière à prendre en compte la vitesse de l’antihydrogène qui se précipite vers la source, afin que les photons soient à la fréquence parfaite au moment de leur rencontre. Après une douzaine de collisions, une particule se déplaçant à environ 300 kilomètres par heure peut être ralentie à moins de 50 km/h.
À l’inverse, les particules qui s’éloignent du laser sont invisibles à sa fréquence relative, évitant ainsi une accélération.
Pour Takamasa Momose, physicien de l’université de Colombie britannique et membre de l’équipe canadienne d’ALPHA :
Grâce à cette technique, nous pouvons résoudre de vieux mystères comme : Comment l’antimatière réagit-elle à la gravité ? L’antimatière peut-elle nous aider à comprendre les symétries en physique ?
Ces réponses pourraient modifier fondamentalement notre compréhension de notre Univers.
Il faudra attendre encore un peu avant de voir les résultats de telles expériences, et se préparer à la possibilité que les secrets de l’antimatière soient difficiles à maitriser.
Mais peut-être, juste peut-être, que c’est ainsi que nous aurons un aperçu de cet anti-Univers reflété, inversé dans le temps, qui semble bien plus énigmatique que ce que nos meilleures théories imaginent actuellement.
L’étude publiée dans Nature : Laser cooling of antihydrogen atoms et présentée sur le site du Centre canadien d’accélération des particules TRIUMF : Canadian-built laser chills antimatter to near absolute zero for first time.
» ralentir des atomes entiers d’antimatière à une vitesse proche de celle de la lumière. » Ils vont plus vite que la lumière sinon? Moi qui avait cru comprendre un truc comme quoi on ne pouvait aller plus vite que la lumière, encore raté.
Bonjour Guru. Vous dites :
Ces dernières décennies, la technologie des décélérateurs a déjà permis de ralentir des atomes entiers d’antimatière à une vitesse proche de celle de la lumière.
Cela veut dire qu’elle allait plus vite que la lumière avant d’être décélérées ?
1er Avril ?