Fossile vivant : ce poisson peut en fait vivre jusqu’à 100 ans, ce qui n’arrange pas sa survie
Il est géant, mystérieux, et existe depuis l’époque des dinosaures, ce qui lui vaut son surnom de « fossile vivant ». Le cœlacanthe est un poisson qui peut atteindre la taille d’un être humain et, alors que les chercheurs pensaient initialement que sa durée de vie était d’environ 20 ans, une nouvelle étude suggère qu’il est en fait un centenaire de l’océan, ce qui le fait entrer dans un club très fermé.
Les coelacanthes sont de grands poissons (sarcoptérygiens) et sont considérés comme gravement menacés. Ils ont une grande taille qui peut atteindre 2 mètres de long et peuvent peser jusqu’à 105 kg. On les trouve le plus souvent dans des eaux dont la température se situe entre 15 et 19 °C. Ils existent depuis 400 millions d’années, soit des centaines d’années avant l’arrivée du T-Rex.
Spécimen de musée d’un coelacanthe africain. (Wikimédia)
L’histoire de ce poisson est cependant restée une sorte de boîte noire. Les cœlacanthes sont connus à partir de fossiles et on supposait qu’ils étaient éteints depuis la période du Crétacé (il y a environ 66 millions d’années). Mais tout a changé lorsqu’un pêcheur d’Afrique du Sud a remonté un spécimen en 1938. Cette découverte a bouleversé l’ensemble de la communauté scientifique et a obligé les scientifiques à revoir ce qu’ils pensaient savoir sur ce groupe.
Aujourd’hui, un groupe de chercheurs français a trouvé des preuves qu’en plus de leur taille impressionnante, les cœlacanthes peuvent également vivre remarquablement longtemps, peut-être même un siècle ou plus. Ils ont étudié les marques sur les écailles de spécimens de musée, tout comme les cernes des arbres indiquent leur âge, et ils ont découvert que leur plus vieux spécimen avait 84 ans.
Comme pour les cernes des arbres, chaque année passée laisse une ligne visible au microscope sur les écailles. (IFREMER)
Selon Kélig Mahé, de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) et premier auteur de l’étude :
Notre découverte la plus importante est que l’âge du cœlacanthe était sous-estimé d’un facteur cinq. Notre nouvelle estimation de l’âge nous a permis de réévaluer la croissance corporelle du cœlacanthe, qui se trouve être l’une des plus lentes parmi les poissons marins de taille similaire, ainsi que d’autres traits d’histoire de vie.
Les scientifiques avaient l’habitude d’estimer l’âge des poissons en comptant les grandes lignes sur une échelle spécifique du cœlacanthe. Mais les chercheurs français ont découvert qu’il leur manquait des lignes plus petites qui ne pouvaient être vues qu’en lumière polarisée. Ils ont ainsi pu mettre en évidence cinq petites lignes pour chaque grande, et en ont conclu que les petites lignes correspondaient à une année d’âge du cœlacanthe.
Grâce à cette technique, les scientifiques ont étudié deux embryons et ont calculé que le plus grand avait 5 ans et le plus jeune 9 ans. Ils ont donc calculé que la grossesse dure au moins 5 ans chez les coelacanthes. C’est beaucoup plus long que la plus longue gestation chez les mammifères. L’éléphant indien détient actuellement ce record, avec environ 22 mois.
Les chercheurs ont également estimé que les cœlacanthes n’atteignent pas la maturité avant l’âge de 50 ans environ. Ils ont pu le déterminer en se fondant sur de précédentes études qui décrivaient la longueur de l’animal et d’autres différences physiques entre les spécimens juvéniles et les spécimens sexuellement matures. Le coelacanthe atteint sa pleine maturité lorsque nous, les humains, commençons à avoir besoin de lunettes de lecture.
Selon Kélig Mahé :
Le cœlacanthe semble avoir l’une des histoires de vie les plus lentes, sinon la plus lente, parmi les poissons marins, et proche de celles des requins des profondeurs et des hoplostètes. Nos résultats suggèrent donc qu’il pourrait être encore plus menacé que prévu en raison de son cycle de vie particulier. Par conséquent, ces nouvelles informations sur la biologie et le cycle biologique des cœlacanthes sont essentielles pour la conservation et la gestion de cette espèce.
L’étude publiée dans Cell : New scale analyses reveal centenarian African coelacanths et présentée sur le site de l’IFREMER : Le cœlacanthe, un poisson centenaire vulnérable par sa longévité.