Comment le chou-fleur produit-il ses envoûtantes fractales ?
Depuis au moins deux mille ans, les humains ont remarqué que de nombreuses plantes produisent des feuilles ou des fleurs en spirale. Certaines de ces plantes, comme le chou-fleur, vont encore plus loin, en faisant pousser des spirales dans des motifs qui se répètent, communément appelés fractales. Les motifs qui en résultent sont fascinants et intrigants, ce qui soulève la question suivante : pourquoi le chou-fleur et d’autres plantes présentant des fractales poussent-elles ainsi ? Des chercheurs français du CNRS se sont précisément posé cette question et ils ont identifié un mécanisme génétique sous-jacent qui produit la géométrie en fractale.
Image d’entête : Photo d’un chou romanesco. (Nathanael Prunet/ CNRS)
Les fractales ont été décrites pour la première fois par le mathématicien d’origine polonaise Benoit Mandelbrot dans les années 1970. Elles se caractérisent par le fait qu’elles présentent le même degré de non-régularité à toutes les échelles, que ce soit de près ou de loin. Ils sont également à la fois compliqués et irréguliers. Les nuages, les montagnes, les côtes, les choux-fleurs et même les galaxies sont tous des exemples de fractales naturelles.
Une petite partie d’un nuage est étonnamment similaire à l’ensemble. Un pin est composé de branches qui sont composées de branches, qui à leur tour sont composées de branches. Et les bourgeons pyramidaux d’un chou-fleur romanesco s’accumulent le long de spirales sans fin, accueillant des bourgeons plus petits qui ont la même géométrie, et ainsi de suite.
Si vous comptez les spirales d’un chou-fleur romanesco, et c’est ce qu’a fait Etienne Farcot, actuellement professeur adjoint de mathématiques à l’université de Nottingham (Royaume-Uni), les valeurs tendent à être celles de la suite de Fibonacci, où le nombre suivant dans la séquence est la somme des deux nombres précédents. Par exemple, le chou-fleur typique présente 5 spirales dans le sens des aiguilles d’une montre et 8 dans le sens inverse.
Cinq spirales dans le sens des aiguilles d’une montre sur un chou-fleur (à gauche) et huit spirales dans le sens inverse des aiguilles d’une montre sur la même plante. (Etienne Farcot)
M. Farcot s’est associé à François Parcy, généticien au CNRS en France, et à Christophe Godin, expert en modélisation et en informatique des plantes au Laboratoire de Reproduction et Développement des Plantes, pour étudier les raisons pour lesquelles le chou développe ses bourgeons fractals.
Après des années d’analyses mathématiques et génétiques minutieuses, ainsi que de modélisation informatique, les chercheurs ont conclu que les spirales inhabituelles sont le résultat d’une tentative du chou-fleur de faire pousser des fleurs, sans succès.
Le chou-fleur possède des cellules indifférenciées dans ses extrémités ramifiées qui se divisent et veulent se développer en d’autres organes. Ces cellules produisent des bourgeons qui devraient s’épanouir en fleurs, mais qui finissent par produire d’autres bourgeons, lesquels produisent leurs propres bourgeons, et ainsi de suite. Cela peut être dû à une mutation sélectionnée lors de la domestication du chou-fleur sauvage.
Ce processus d’autorépétition se produit tôt dans le développement de la plante et il est dû à l’action de quatre gènes qui forment un « réseau génétique » complexe. Dans ce réseau, l’expression des quatre gènes est constamment modifiée, de sorte que certains sont activés ou désactivés à des moments précis.
Afin de valider cette théorie, les chercheurs ont conçu deux modèles mathématiques. L’un décrit la formation des spirales observées dans les grands plants de choux-fleurs. L’autre décrit le réseau de gènes d’Arabidopsis, une plante de la même famille que le chou-fleur et l’une des plantes les plus étudiées du point de vue génétique.
Après quelques tentatives, les chercheurs ont réussi à reproduire sur ordinateur des plants de chou-fleur et de romanesco exactement comme ils se présentent dans la réalité. En outre, ils ont modifié la croissance de la plante mutante Arabidopsis chou-fleur, la transformant en une plante romanesco miniature.
Arabidopsis chou-fleur mutant. (BlueRidgeKitties)
Selon Farcot :
C’est étonnant de voir à quel point la nature est complexe. La prochaine fois que vous mangerez du chou-fleur, prenez le temps de l’admirer avant de le manger.
L’étude publiée dans Science : Cauliflower fractal forms arise from perturbations of floral gene networks et présentée sur le site du CNRS : D’où vient la forme du chou romanesco ?