Des isotopes analysés individuellement pour la première fois dans l’atmosphère d’une exoplanète
Des astronomes ont compté le nombre de neutrons à l’intérieur d’atomes de carbone à une distance de 2 800 000 000 000 000 de km. L’équipe a réussi à mesurer pour la première fois les rapports des isotopes du carbone dans l’atmosphère d’une exoplanète, ce qui pourrait nous renseigner sur sa formation.
Image d’entête : dessin représentant la découverte de carbone-13 dans l’atmosphère d’une exoplanète. (Daniëlle Futselaar/ Artsource)
Les atomes d’un élément spécifique peuvent avoir des quantités différentes de neutrons dans leurs noyaux, ce qui donne des variétés différentes que nous appelons isotopes. Le carbone, par exemple, possède 15 isotopes, dont le carbone-12 et le carbone-13 sont les plus stables et les plus courants dans la nature. La mesure des rapports entre les isotopes peut nous aider à dater les fossiles, à suivre le changement climatique et à rechercher des biomarqueurs de maladies.
Au-delà de la Terre, les scientifiques ont mesuré les isotopes aussi loin que la Lune et Mars, mais cette distance a maintenant été étendue à une planète hors du système solaire. La planète en question est un super-Jupiter appelé Tycho 8998-760-1 b, situé à environ 300 années-lumière dans la constellation de la Mouche.
À l’aide du Very Large Telescope du Chili, les chercheurs ont analysé le spectre de la lumière de l’étoile hôte traversant l’atmosphère de la planète. Différents éléments et différents isotopes absorbent ce rayonnement à différentes longueurs d’onde, produisant un signal qui porte l’empreinte de la composition de l’air.
Dans ce cas, il s’agissait principalement de vapeur d’eau et de monoxyde de carbone. Dans ce dernier, l’équipe a réussi à distinguer le carbone 12 du carbone 13, marquant ainsi la première fois que des isotopes différents ont été analysés dans l’atmosphère d’une exoplanète. Les chercheurs s’attendaient à ce que le carbone 12 domine, avec environ un atome sur 70 de carbone 13, mais à leur grande surprise, il s’avère que cette quantité est deux fois plus importante.
Illustration des environnements de naissance des planètes dans un disque protoplanétaire qui s’est formé autour d’une jeune étoile. Les deux planètes à l’intérieur de la ligne des glaces CO représentent Jupiter et Neptune à leur emplacement actuel, tandis que TYC 8998 b s’est formée bien en dehors de ce système. À une telle distance de son étoile, on s’attend à ce que la plupart du carbone soit emprisonné dans la glace de CO et constitue le principal réservoir de carbone de la planète. Par conséquent, la glace était riche en carbone-13, ce qui a donné le rapport isotopique observé dans l’atmosphère de la planète. (Yapeng Zhang (Observatoire de Leyde)/département graphique du MPIA)
La manière exacte dont cela s’est produit reste un mystère, mais l’équipe a émis une hypothèse. Dans un système planétaire, le monoxyde de carbone existe plus facilement sous forme gazeuse à proximité de l’étoile, mais au-delà d’un certain point, il gèle. Ce point est connu sous le nom de ligne des glaces du monoxyde de carbone, et les planètes situées de part et d’autre de cette ligne présentent des rapports isotopiques différents. Et la planète examinée dans cette étude tourne autour de son étoile à une distance beaucoup plus grande que toute autre planète connue dans notre système solaire.
Selon Paul Mollière, un des auteurs de l’étude :
La planète est plus de 150 fois plus éloignée de son étoile mère que notre Terre ne l’est de notre Soleil. À une telle distance, les glaces se sont peut-être formées avec plus de carbone-13, ce qui explique la fraction plus élevée de cet isotope dans l’atmosphère de la planète aujourd’hui.
Selon l’équipe, les futures mesures isotopiques des exoplanètes pourraient nous aider à mieux comprendre leur développement et leur évolution.
L’étude publiée dans Nature : The 13CO-rich atmosphere of a young accreting super-Jupiter et présentée sur le site du Max Planck Institute for Astronomy : A potential new tracer of exoplanet formation.