Des scientifiques découvrent que l’atmosphère de Pluton disparaît lentement avec l’arrivée de l’hiver
L‘hiver arrive sur Pluton. Selon des scientifiques, il s’agit d’un hiver différent de tout ce que l’on peut imaginer sur Terre, un hiver au cours duquel toute l’atmosphère de la planète naine devrait se transformer en givre, la laissant presque aussi dépourvue d’air que la Lune.
Image d’entête : Pluton et son atmosphère, observés par la sonde New Horizons. (NASA/ JHU-APL/ SwRI)
Pluton n’a jamais eu une épaisse atmosphère. La pression actuelle à sa surface n’est que d’un peu plus de 0,001 % de celle de la Terre, et tout porte à croire que c’est la densité maximale que Pluton pourra atteindre.
Ce qui est surprenant, selon Eliot Young, spécialiste des sciences planétaires au Southwest Research Institute de Boulder (SwRI/ Colorado, Etats-Unis), c’est que l’atmosphère azotée de Pluton soit aussi dense qu’elle l’est actuellement. Depuis 1988, date à laquelle sa densité a été mesurée pour la première fois en observant la façon dont elle atténuait la lumière des étoiles lorsque Pluton passait devant une étoile, elle a en fait augmenté d’un facteur de près de trois, ce qui ne peut se produire que si le givre a été régulièrement sublimé de la surface pendant les années intermédiaires.
Cela aurait un sens si l’orbite elliptique de Pluton la rapprochait du Soleil. Mais elle a atteint son point d’approche le plus proche en 1989 et s’est depuis éloignée de 10 %, ce qui, compte tenu de la façon dont fonctionne le réchauffement solaire, signifie qu’elle ne reçoit que 77,8 % de l’énergie du Soleil aujourd’hui, comme à l’époque.
Selon Young d’une réunion virtuelle cette semaine de la division des sciences planétaires de l’American Astronomical Society :
C’est une surprise que l’atmosphère de Pluton soit aussi grande qu’elle l’est et qu’elle se développe depuis 30 ans. Aujourd’hui, cependant, il semble que cette tendance soit sur le point de s’inverser.
En août 2018, les astronomes se sont aperçus que Pluton était sur le point de passer devant une étoile assez brillante, un événement occasionnel qui, comme le premier étudié en 1988, leur permet de sonder la densité de son atmosphère en observant comment la lumière de l’étoile s’atténue avant de scintiller… et comment elle s’éclaire lorsque Pluton s’écarte de son chemin.
Mieux encore, ce phénomène devait être observable le long d’un large arc traversant une grande partie des États-Unis, du Texas à la Virginie, ce qui permettait à l’équipe de Young de déployer facilement une douzaine de télescopes portables le long de cet arc dans l’espoir d’observer l’événement de deux minutes depuis le plus grand nombre possible d’endroits sans nuages.
La chance fut de leur côté : non seulement le ciel était dégagé, mais ils ont même réussi à prédire la ligne centrale de l’arc de cercle si bien qu’un télescope s’est retrouvé à seulement 6 kilomètres de l’emplacement idéal.
Lors de l’événement d’occultation de Pluton du 15 août 2018, plusieurs télescopes déployés près du milieu de la trajectoire de l’ombre ont observé un phénomène appelé » flash central « , causé par l’atmosphère de Pluton qui réfracte la lumière dans une région située au centre même de l’ombre. Ce flash central indique que les données d’occultation sont très solides, ce qui renforce les résultats de SwRI qui confirment que l’atmosphère de Pluton se fige sur sa surface à mesure qu’elle s’éloigne du Soleil. (Southwest Research Institute)
Toujours selon Young :
Nous ne nous sommes jamais approchés aussi près de l’axe central auparavant. Il n’y a pas si longtemps, nous aurions été heureux de nous approcher à moins de 100 kilomètres.
Lorsque la sonde New Horizons de la NASA a survolé Pluton en 2015, elle a mesuré la pression de surface de l’atmosphère de Pluton à 11,5 microbars. (Un microbar correspond à un millionième de la pression de l’atmosphère terrestre).
Le brumeux crépuscule de Pluton capturée en 2015 par la sonde New Horizons seulement 15 minutes après son approche la plus proche de la planète. A 18 000 kilomètres de distance, l’image permet de percevoir des caractéristiques de 700 mètres de diamètre. (NASA/ JHUAPL/ SwRI)
Pour Young, si l’atmosphère de Pluton avait continué à s’épaissir au rythme observé dans les précédentes études, son équipe se serait attendue à voir une pression de 14,4 microbars. Or, à la place, ils ont obtenu 11,4 microbars, « en gros la même chose que ce qu’a relevé la sonde New Horizons ».
Cela ne ressemble peut-être pas à l’arrivée de l’hiver, mais c’est définitivement le début de l’automne. Et une fois que la température de Pluton commencera à baisser, son atmosphère va geler très rapidement, la moitié de celle-ci gelant pour chaque baisse de 1,5°C de la température de surface.
La raison pour laquelle le grand gel a été retardé aussi longtemps, ajoute-t-il, est similaire à la raison pour laquelle le sable des plages continue à se réchauffer après midi, ou pourquoi la période la plus chaude de l’année n’est pas le solstice d’été, mais plus tard. Même si l’intensité solaire diminue, la chaleur a pénétré sous le sol, à partir duquel elle met du temps à se dissiper. « Cela maintient la surface chaude », explique Young.
L’étude du déroulement de ce processus au fur et à mesure que Pluton s’éloigne du Soleil (jusqu’à atteindre environ 1,67 fois la distance à laquelle elle se trouvait en 1989) permettra aux scientifiques d’en apprendre davantage sur la manière dont son sous-sol retient la chaleur, notamment sur la porosité de ses matériaux. C’est l’occasion pour les chercheurs de “regarder” sous la surface et de voir comment la chaleur est stockée.
Les recherches présentées lors de la réunion virtuelle cette semaine de la division des sciences planétaires de l’American Astronomical Society : 2021 DPS Meeting et présentées sur le site du Southwest Research Institute : SwRI scientists confirm decrease in Pluto’s atmospheric density.