Un problème de perceuse a conduit l’astromobile Curiosity à découvrir des molécules organiques sur Mars
Parmi les plus étonnantes découvertes scientifiques, certaines sont en fait le fruit d’heureux accidents. En 2017, l’astromobile (rover) Curiosity, par ailleurs très robuste, a traversé l’une de ses premières crises lorsque sa foreuse a soudainement dysfonctionné. Sans elle, une grande partie de la mission du Curiosity, qui consiste à trouver des signes d’habitabilité, passés ou présents, aurait été sérieusement compromise. Heureusement, les ingénieurs de la NASA ont réparé la panne à distance, mais une nouvelle étude a rapporté ce que l’astromobile a trouvé dans cet échantillon particulier que le Curiosity a prélevé exactement au moment où la foreuse est tombée en panne.
Image d’entête : un selfi du Curiosity réalisé sur Mars en 2018. (NASA/ JPL-Caltech/ MSSS)
Le Curiosity analyse des échantillons en poudre forés dans des roches afin d’analyser les empreintes chimiques présentes dans ces différents minéraux et sols. Ces données aident les scientifiques à déterminer la composition des sols et des roches martiennes, mais aussi leur histoire, notamment en ce qui concerne leur interaction passée avec l’eau. On pense que le cratère Gale, où l’astromobile a été déployée, hébergeait une grande masse d’eau il y a des milliards d’années.
A partir de l’étude : l’acquisition de l’échantillon dans son contexte. (a) le périple de l’astromobile Curiosity dans le cratère Gale. (b) l’instrument recueillant l’échantillon de sol martien. (c) le paysage martien au lieu dit. (M. Millan et col./ Nature Astronomy/ NASA)
En général, la technique d’échantillonnage consiste à placer l’échantillon de terre dans un godet vide et sec. Mais lorsque le trépan est tombé en panne, le tout dernier échantillon avant le dysfonctionnement a été placé dans un godet contenant un cocktail chimique composé de réactifs. L’astromobile est arrivée sur Mars équipée de 9 de ces gobelets préremplis.
Le Curiosity lors de sa première utilisation de sa foreuse sur Mars en février 2013. (NASA/ JPL-Caltech/ MSSS)
Ce type d’échantillonnage, connu sous le nom d’expérience d’échantillonnage humide (wet sampling experiment), a provoqué une réaction chimique qui a permis aux chercheurs de la NASA d’identifier des molécules organiques jusqu’alors jamais observées sur Mars.
Selon Maëva Millan du Goddard Spaceflight Center de la NASA et auteur principal de la nouvelle étude :
Cette expérience a définitivement été un succès. Bien que nous n’ayons pas trouvé ce que nous cherchions, des biosignatures, nous avons montré que cette technique est vraiment prometteuse.
Dans leur nouvelle étude, publiée cette semaine (lien plus bas), les scientifiques de la NASA ont pour la première fois signalé la présence d’ammoniac et d’acide benzoïque sur Mars. C’est surprenant, car on pensait que ces molécules n’étaient pas viables en raison de la présence de radiations sur la surface martienne. Auparavant, les autres molécules organiques identifiées par la NASA comprenaient des thiophènes, du benzène, du toluène et certaines petites molécules constituées de chaînes de carbone.
Précédemment :
Les molécules organiques sont les éléments constitutifs de la vie. Cependant, l’ammoniac et l’acide benzoïque ne sont pas exactement des biosignatures, mais les molécules précurseurs pourraient l’être. C’est pourquoi les scientifiques de la NASA s’efforcent désormais de trouver ces molécules qui pourraient indiquer une habitabilité passée de la planète rouge. La mission ExoMars de 2022 dirigée par l’Agence spatiale européenne (ESA) pourrait fournir cette opportunité, tout comme l’astromobile Perseverance dont les échantillons seront ramenés sur Terre entre 2028 et 2030.
Toujours selon Millan :
Une fois que nous les aurons trouvés, nous pourrons dire d’où ils proviennent. Pour l’instant, avec toutes les molécules que nous avons trouvées sur Mars, nous avons émis l’hypothèse qu’elles pouvaient provenir de processus géologiques.
L’étude publiée dans Nature Astronomy : Organic molecules revealed in Mars’s Bagnold Dunes by Curiosity’s derivatization experiment.