Le changement climatique transforme le corps des oiseaux d’Amazonie
Quatre décennies de données sur les espèces d’oiseaux des régions reculées de la forêt amazonienne indiquent que la taille du corps et la longueur des ailes des animaux ont changé. Ces changements, à savoir une masse corporelle totale plus petite et une envergure d’aile plus longue, correspondent à une tendance de 40 ans de conditions de plus en plus chaudes et arides pendant la saison sèche de la forêt amazonienne.
Image d’entête : au-dessus de la canopée de la forêt amazonienne. (Vitek Jirinec/ LSU)
Cette tendance a été mise en évidence par une équipe d’écologistes qui a recueilli des données sur plus de 15 000 oiseaux de près de 80 espèces différentes qu’ils ont capturés, analysés et relâchés au cours de ces quatre décennies. Leurs conclusions sont publiées cette semaine (lien plus bas).
Un chercheur tient un Platyrhynque à tête d’or (Platyrinchus coronatus) au Brésil. Soixante-dix-sept espèces d’oiseaux de la forêt tropicale du pays ont enregistré une diminution de leur poids corporel au cours des quatre dernières décennies. (Cameron Rutt/ LSU)
Leur travail montre comment les changements climatiques à long terme affectent non seulement le nombre et le comportement des animaux, mais aussi leur forme et leur taille.
Par exemple, la masse corporelle moyenne du Fourmilier à ventre brun (Epinecrophylla gutturalis, image ci-dessous) a diminué de près de 6 % au cours des 40 dernières années. Dans le même temps, comme c’est le cas pour de nombreux oiseaux étudiés, la longueur de ses ailes a augmenté. Le macareux moine a perdu près de 4 % de sa masse depuis 1980, selon les résultats de l’équipe. Quant aux Manakins à tête blanche, leur masse moyenne s’est effondrée, selon l’étude, avec une diminution de 4,35 % au cours des 40 dernières années. Comme les autres oiseaux, son envergure a augmenté, avec une augmentation de 0,8 % de la longueur des ailes.
Fourmilier à ventre brun (Epinecrophylla gutturalis). (Vitek Jirinec/ LSU)
Comme beaucoup d’autres oiseaux étudiés par l’équipe, les populations de Gobemouches restent robustes, ce qui nous rappelle que le changement climatique n’est pas toujours synonyme de dommages immédiats pour les effectifs d’une population, mais qu’il peut parfois se traduire par des modifications dans la morphologie des animaux.
Selon le coauteur de l’étude Philip Stouffer, biologiste de la conservation à l’Université d’État de Louisiane :
Ces oiseaux ne varient pas beaucoup en taille. Ils sont assez bien adaptés, alors quand tous les membres de la population sont plus petits de quelques grammes, c’est significatif.
Une hypothèse propose que la taille du corps des animaux diminue lorsque les températures augmentent. Une autre est que le changement climatique a réduit la quantité de nourriture disponible pour ces oiseaux. Dans un cas comme dans l’autre, il semble que le climat soit à l’origine de la réduction de la masse des oiseaux, les espèces d’oiseaux étudiées ayant perdu environ 2 % de leur masse corporelle par décennie en moyenne. L’envergure des ailes des espèces ayant tendance à augmenter lorsque leur masse diminue, les chercheurs pensent que ces changements peuvent contribuer à réduire la charge alaire (le poids des ailes), ce qui les rend plus efficaces en vol. Mais ils n’en sont pas certains.
Selon Vitek Jirinec, premier auteur de l’étude :
Les changements dont nous sommes témoins sont-ils liés au vol ? S’agit-il d’évolution (modifications génétiques), par opposition à la plasticité (modifications du phénotype sans altération de l’ADN) ? Sont-ils vraiment liés à l’échange de chaleur ? Il y a encore beaucoup de travail à faire.
Une fois que l’équipe a capturé les oiseaux (à l’aide d’un filet à larges mailles), elle les a identifiés, marqués, mesurés la longueur de leurs ailes et leur masse corporelle, puis les a relâchés.
Dans l’image ci-dessous, Bruna Amaral, coauteure de l’étude, mesure la longueur des ailes d’un Grallaire grand-beffroi (Myrmothera campanisona) dans la forêt amazonienne.
(Vitek Jirinec/ LSU)
Dans l’image ci-dessous, un des scientifiques étudie l’aile d’un Tétéma colma. Sur la base d’un échantillon de plus de 200 oiseaux, la taille moyenne des ailes a augmenté d’environ 2 %, pour atteindre environ 8,36 cm. En revanche, sa masse moyenne a diminué de plus de 3 %.
(Vitek Jirinec)
À partir de plus de 500 spécimens mesurés au cours des 40 dernières années, l’équipe a déterminé que la masse moyenne des oiseaux a diminué de 6,36 %, alors que la longueur des ailes a augmenté de 1,62 %. Le rapport masse/ailes a diminué de plus de 10 %, ce qui constitue l’une des réductions les plus importantes parmi les oiseaux étudiés.
Le déclin de ces oiseaux montre une fois de plus que le fait d’être classé dans la catégorie « préoccupation mineure » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) ne reflète pas toute la réalité d’une espèce. En outre, au rythme où l’Amazonie est coupée et brûlée, cette classification pourrait bien ne pas rester en place longtemps.
L’équipe continuera à travailler sur le lien entre ces facteurs dans les années à venir, en essayant de cerner les processus complexes qui ont conduit à ces changements.
L’étude publiée dans Science Advances : Morphological consequences of climate change for resident birds in intact Amazonian rainforest et présentée sur le site l’Université d’État de Louisiane : Amazon Rainforest Birds’ Bodies Transform Due to Climate Change.