Un champignon infectieux fait des ravages sur des fourmis folles extrêmement agressives et envahissantes
Des chercheurs américains ont utilisé un champignon naturel pour lutter contre des fourmis folles très envahissantes dans un parc national du Texas.
Image d’entête : fourmis folles s’attaquant à une une araignée. (Mark Sanders)
La fourmi folle Rasberry (Nylanderia fulva) est originaire d’Amérique du Sud et constitue un parasite envahissant dans le sud des États-Unis. Au Texas, ces fourmis sont connues pour pulluler et tuer des animaux, y compris des espèces indigènes, et pour s’emparer des maisons, en perturbant les appareils électriques tels que les pompes à eaux usées et les climatiseurs.
L’espèce est donc connue sous le nom de « Rasberry crazy ant » (fourmi folle Rasberry), »Raspberry » pour le nom de famille d’un exterminateur qui a découvert la présence de ces fourmis au Texas en 2002. Le surnom « folle » provient des mouvements rapides et erratiques de ces fourmis.
Fourmi folle (Nylanderia fulva), Buenos Aires, Argentine. (Université du Texas à Austin)
Depuis cette première observation en 2002, les fourmis folles n’ont cessé de se répandre dans les comtés du Texas, causant des ravages chez les propriétaires et les animaux indigènes. Les fourmis forment d’énormes « supercolonies » qui les rendent pratiquement impossibles à éradiquer. Il a même été démontré qu’elles étaient capables de neutraliser le venin de l’un de leurs principaux concurrents, les fourmis de feu.
Fourmis folles (Nylanderia fulva) détoxifiant le venin de la fourmi de feu (Solenopsis invicta). Il s’agit du premier exemple connu d’un insecte capable de détoxifier le venin d’un autre insecte, ce qui aide probablement la fourmi folle à vaincre les fourmis de feu là où les deux espèces se rencontrent. (Université du Texas à Austin)
En 2015, des scientifiques du Brackenridge Field Laboratory de l’Université du Texas à Austin ont indiqué qu’ils avaient découvert un champignon pathogène qui pourrait détenir la clé du contrôle des fourmis folles. Ils ont appelé ce champignon Myrmecomorba nylanderiae.
Les chercheurs Nicholas LeBrun et Robert Plowes avaient remarqué que certaines fourmis folles qu’ils avaient collectées sur le terrain avaient un aspect un peu bizarre, leur abdomen était gonflé de graisse.
Ils ont découvert que l’abdomen des fourmis infectées était rempli de spores d’un champignon microsporidien. Ces champignons pathogènes s’emparent des cellules graisseuses des fourmis et les utilisent pour produire des spores fongiques.
L’équipe a commencé à suivre le champignon dans 15 populations de fourmis folles au Texas. Ils ont constaté qu’en 8 ans, toutes les populations infectées par le champignon avaient diminué et que 62 % d’entre elles avaient complètement disparu. Ce fut une bonne surprise.
Selon LeBrun :
On ne s’attend pas à ce qu’un agent pathogène entraîne l’extinction d’une population. Une population infectée passe normalement par des cycles d’expansion et de ralentissement, au fur et à mesure que la fréquence de l’infection augmente et diminue.
Il pense que les colonies de fourmis folles touchées au Texas se sont peut-être effondrées parce que la mort précoce des fourmis ouvrières rend plus difficile la survie de la population pendant l’hiver.
Il est important de noter que le champignon semble cibler spécifiquement les fourmis folles sans affecter sensiblement les autres espèces, ce qui en fait une option intéressante pour un biocontrôle ciblé.
Spores du champignon microsporidien recueillies sur une fourmi folle au parc de Pace Bend, dans le centre du Texas. (Edward LeBrun/ Université du Texas à Austin)
Jusqu’à présent, les choses semblaient prometteuses. L’équipe a commencé à explorer comment le champignon pourrait être utilisé pour contrôler les populations envahissantes de fourmis folles. Puis, en 2016, l’occasion s’est présentée de tester la nouvelle stratégie de biocontrôle dans le monde réel.
LeBrun a été contacté par des employés du parc d’État Estero Llano Grande à Weslaco, au Texas. Les animaux du parc, des insectes aux mammifères en passant par les reptiles, tombaient comme des dominos sur la trajectoire d’une infestation terrifiante de fourmis folles.
Toujours selon LeBrun :
Ils avaient une infestation de fourmis folles et c’était apocalyptique, des rivières de fourmis qui montaient et descendaient de chaque arbre. Je n’étais pas vraiment prêt à lancer ce processus expérimental, mais c’est comme si, d’accord, nous allions tenter le coup.
L’équipe de recherche a introduit des fourmis folles infectées par un champignon dans le parc, en les plaçant dans des nichoirs près des sites de nidification existants. Ils ont placé un appât autour des nichoirs pour attirer les fourmis locales et rapprocher les populations, dans le but de propager le champignon.
L’expérience a donné des résultats très encourageants. Le champignon s’est rapidement propagé dans la population de fourmis folles du parc. Deux ans après l’introduction des fourmis infectées, la population s’est effondrée.
La même équipe a depuis utilisé le champignon M. nylanderiae pour éradiquer les fourmis folles d’un deuxième site, cette fois à Austin, au Texas. Les chercheurs espèrent continuer à tester les mécanismes de biocontrôle dans d’autres régions de l’État dans les mois à venir.
L’étude publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences : Pathogen-mediated natural and manipulated population collapse in an invasive social insect.