Les microplastiques répandent des germes pathogènes terrestres potentiellement mortels en haute mer
La façon dont le plastique se déplace dans l’environnement et met en danger les organismes vivants préoccupe beaucoup les scientifiques, et une étude inédite a permis de découvrir de nouvelles informations déconcertantes sur ces deux sujets. Les auteurs ont démontré que le type de particules de plastique rejetées par les cycles de lavage et l’utilisation de produits cosmétiques peut transporter des agents pathogènes au large et mettre en danger la vie marine, bouleversant ainsi les réseaux alimentaires naturels.
L’étude a été réalisée par des scientifiques de l’université de Californie à Davis et porte sur ce que l’on appelle les microplastiques, des fragments pas plus gros qu’un grain de riz. Les scientifiques se sont intéressés à deux types de microplastiques en particulier : ceux qui sont rejetés par les cycles de lavage sous la forme de fibres de polyester, qui représentent des millions de tonnes métriques entrant dans les cours d’eau depuis 1950, et les microbilles de polyéthylène présentes dans les produits cosmétiques.
Des études ont montré que les rivières du monde entier transportent chaque jour des milliards de particules de plastique dans l’océan. L’idée derrière cette nouvelle étude était donc d’examiner comment des agents pathogènes dangereux pouvaient s’y glisser. Les trois pathogènes examinés dans le cadre de cette étude sont les Toxoplasma gondii, les Cryptosporidium et les Giardia, qui présentent tous un certain nombre de risques pour la faune et la santé humaine.
Le Toxoplasma gondii provient des excréments de chats et provoque la toxoplasmose chez l’humain, ce qui entraîne de graves problèmes de santé et des maladies potentiellement mortelles. L’équipe de l’UC Davis a passé des années à documenter les effets du parasite sur la vie océanique, notamment la mort de loutres de mer, de dauphins et de phoques. Les parasites Cryptosporidium et Giardia, quant à eux, sont connus pour provoquer des maladies gastro-intestinales et présenter un risque de décès chez les jeunes enfants et les personnes immunodéprimées.
Un morceau de fibre microplastique et des pathogènes avec biofilm (bleu clair). Les agents pathogènes représentés sont T. gondii (point bleu) et giardia (point vert). (Karen Shapiro/ UC Davis)
L’UC Davis a mené des expériences pour voir comment ces agents pathogènes interagissent avec les microplastiques dans l’eau de mer, et les expériences en laboratoire ont montré qu’en effet un nombre important d’entre eux adhéraient aux fragments, bien que les microfibres les transportent plus facilement que les microbilles. Selon l’équipe, en se déplaçant en “auto-stop” sur les particules de plastique, les agents pathogènes peuvent voyager dans tout l’océan et atteindre des régions qu’ils n’auraient jamais pu atteindre autrement. Et pas seulement à la surface, ils pourraient se frayer un chemin vers le fond de la mer s’ils sont attachés à des particules plus lourdes qui coulent, mettant en danger les créatures qui se nourrissent par filtration comme les huîtres, les moules et les palourdes.
Pour la coauteure de l’étude, Karen Shapiro :
Il est facile pour les gens d’écarter les problèmes liés au plastique comme quelque chose qui ne les concerne pas, du genre « Je ne suis pas une tortue dans l’océan, je ne vais pas m’étouffer avec ce truc”. Mais dès que l’on commence à parler de maladie et de santé, il y a plus de pouvoir pour mettre en œuvre le changement. Les microplastiques peuvent en fait déplacer des germes, et ces germes finissent par se retrouver dans notre eau et notre alimentation.
Ces recherches s’appuient sur d’autres résultats récents démontrant comment les organismes marins peuvent ingérer des plastiques et ce qui se passe lorsque cela se produit. Ces conséquences comprennent des anévrismes chez les poissons, des troubles cognitifs chez les bernard-l’ermite et des analyses d’excréments de phoque montrant comment les microplastiques remontent la chaîne alimentaire. Des recherches ont également montré comment les microplastiques présents dans les stations d’épuration des eaux usées favorisent le développement de superbactéries. Cette découverte, qu’ils facilitent la migration de dangereux agents pathogènes loin en mer, ne fait que renforcer la nécessité de s’attaquer au problème à la source.
Selon la coauteure de l’étude, Chelsea Rochman :
Ce travail démontre l’importance de prévenir les sources de microplastiques dans nos océans. Les stratégies d’atténuation comprennent des filtres sur les machines à laver, des filtres sur les séchoirs, des cellules de biorétention ou d’autres technologies pour traiter les eaux pluviales, et les meilleures pratiques de gestion pour empêcher le rejet de microplastiques par les industries du plastique et les chantiers de construction.
L’étude publiée dans Scientific Reports : Association of zoonotic protozoan parasites with microplastics in seawater and implications for human and wildlife health et présentée sur le site de l’Université de Californie à Davis : Pathogens Can Hitch a Ride on Plastic to Reach the Sea.