Pourquoi les hommes et les femmes ressentent-ils la douleur différemment ?
Même à l’ère de la médecine moderne, on a supposé pendant des décennies que la douleur était traitée de la même manière par tout le monde. Mais des études successives ont montré que ce n’est pas du tout le cas. Globalement, les femmes ont un seuil de douleur plus bas que les hommes. Cependant, ces recherches sont toujours problématiques, car la douleur peut aussi être subjective. Aujourd’hui, grâce à une nouvelle étude menée par des chercheurs canadiens, nous sommes plus près de comprendre les différences biologiques qui entraînent des différences fondées sur le sexe lorsqu’il s’agit de ressentir la douleur.
Selon les résultats de l’étude, les neurones de la moelle épinière traitent les signaux de douleur différemment chez les femmes et les hommes. L’importance de cette découverte ne peut être sous-estimée. Quelque 20 % des personnes dans le monde souffrent de douleurs chroniques, et la grande majorité d’entre elles sont des femmes. Voici le problème : la plupart des analgésiques sur le marché offrent le même médicament à tous, quel que soit le sexe. En outre, la plupart des recherches sur la douleur utilisent des rongeurs mâles.
Des études ont montré que les femmes sont plus sensibles aux stimuli douloureux. La raison n’en est pas claire, mais il semble que le corps féminin ait une plus grande densité nerveuse et que les fluctuations des hormones féminines puissent amplifier la perception de la douleur par le corps. Une étude de l’université de Caroline du Nord met également en évidence des différences génétiques inhérentes, en constatant que les molécules d’ARN codées par les gènes du chromosome X, dont il existe deux copies chez les femmes, sont plus élevées chez celles qui développent des douleurs chroniques.
Mais alors que la plupart de ces études se sont concentrées sur la perception de la douleur, le Dr Annemarie Dedek et ses collègues ont emprunté une démarche unique, en étudiant les récepteurs nerveux dans les tissus de la moelle épinière de rats et d’hommes. Les moelles épinières ont été données par les familles de patients décédés.
La moelle épinière est en quelque sorte un intermédiaire dans la voie de la douleur. Lorsque les capteurs neuronaux de la peau, des muscles, des articulations et des organes détectent une sensation potentiellement dangereuse, comme une brûlure ou une lésion, ils envoient des signaux à la moelle épinière, qui active à son tour d’autres nerfs qui envoient des signaux au tronc cérébral et au cortex cérébral. En fin de compte, ce train de signaux est traité et interprété comme un « aïe ».
Lorsque le tissu de la moelle épinière a été analysé en laboratoire, les chercheurs ont remarqué qu’un facteur de croissance neuronal appelé BDNF (Facteur neurotrophique dérivé du cerveau) joue un rôle essentiel dans l’amplification des signaux de douleur de la moelle épinière chez les humains et les rats mâles. Les femmes humaines et les rats femelles, en revanche, n’étaient pas affectés par le BDNF. Lorsque les rats femelles ont subi une ablation chirurgicale des ovaires, ces différences entre les sexes ont disparu, ce qui suggère que l’explication hormonale de la raison pour laquelle les femmes ressentent davantage la douleur pourrait être juste.
Selon les chercheurs :
La mise au point de nouveaux médicaments contre la douleur exige une compréhension détaillée de la façon dont celle-ci est traitée au niveau biologique. Cette nouvelle découverte jette les bases du développement de nouveaux traitements pour aider les personnes souffrant de douleurs chroniques.
C’est la première fois que des scientifiques découvrent des différences fondées sur le sexe dans la signalisation de la douleur dans la moelle épinière humaine, mais d’autres recherches seront nécessaires pour mieux comprendre comment ces différences biologiques font que les hommes et les femmes réagissent si différemment à la douleur.
Les implications pour l’industrie pharmaceutique pourraient être considérables. Les futurs médicaments contre la douleur seront probablement adaptés aux individus et le sexe jouera un rôle clé dans ces prescriptions personnalisées. Par exemple, les femmes pourraient avoir besoin d’analgésiques différents lorsque les niveaux d’hormones fluctuent au cours de la vie.
L’étude publiée dans la revue Brain : Sexual dimorphism in a neuronal mechanism of spinal hyperexcitability across rodent and human models of pathological pain.