9 mm : une bactérie géante découverte dans les mangroves de Guadeloupe remet en question les idées reçues
Le Guru revient sur quelques recherches publiées lors de sa pause de 12 jours pour son appel aux dons… qui n’est pas totalement clôturé (c’est par ici).
L‘incroyable découverte d’une bactérie géante dans les mangroves des îles de la Guadeloupe a remis en question l’idée que nous avons de l’apparence des bactéries.
Image d’entête : rendu artistique de la bactérie géante Thiomargarita magnifica avec une pièce de monnaie américaine. (Pierre Yves Pascal/ Illustration par Susan Brand/ Berkeley Lab)
Les cellules bactériennes sont généralement microscopiques. La plupart mesurent environ deux micromètres (microns), les plus grandes espèces connues atteignant jusqu’à 750 µm. La bactérie géante récemment découverte a une longueur moyenne de cellule supérieure à 9 000 µm (9 mm) et elle est donc visible à l’œil nu.
Selon l’auteur principal, Jean-Marie Volland, du Joint Genome Institute du ministère américain de l’énergie, du Lawrence Berkeley National Laboratory et du Laboratory for Research in Complex Systems (États-Unis) :
Elle est 5 000 fois plus grande que la plupart des bactéries. Pour mettre cela dans le contexte, ce serait comme si un humain rencontrait un autre humain aussi grand que le mont Everest.
Cette photo prise au microscope en juin 2022, montre de fins brins de cellules de la bactérie Thiomargarita magnifica à côté d’une pièce de 10 cents américains. (Tomas Tyml/ Lawrence Berkeley National Laboratory)
La Guadeloupe est un groupe d’îles françaises du sud de la mer des Caraïbes, célèbre pour ses 8000 hectares de mangrove, principalement situés dans le Grand Cul-de-sac marin, qui borde les îles de Grand-Terre et de Basse-Terre.
En 2009, le professeur de biologie marine Olivier Gros, de l’Université des Antilles (Guadeloupe), passait au crible des sédiments de mangrove lorsqu’il a découvert la bactérie.
Selon Gros :
Au début, je pensais que c’était juste quelque chose de curieux, quelques filaments blancs qui devaient être attachés à quelque chose dans le sédiment, comme une feuille.
Pour le coauteur, le professeur Silvina Gonzalez-Rizzo, de l’Université des Antilles :
Je pensais qu’il s’agissait d’eucaryotes. Je ne pensais pas qu’il s’agissait de bactéries parce qu’elles étaient très grosses avec apparemment beaucoup de filaments.
Des approches à la fois morphologiques et moléculaires ont été utilisées pendant plusieurs années pour identifier et caractériser ces spécimens inhabituels. En combinant la microscopie à fluorescence, à rayons X et électronique avec le séquençage génomique, il a maintenant été confirmé qu’il s’agit bien d’un procaryote unicellulaire oxydant le soufre, appartenant au genre Thiomargarita.
Selon Gonzalez-Rizzo :
Nous avons réalisé qu’ils étaient uniques parce qu’ils ressemblaient à une cellule unique. Le fait qu’il s’agisse d’un « macro » microbe nous a fascinés !
Filament unique de la bactérie Thiomargarita magnifica. (Jean-Marie Volland)
La principale distinction entre les eucaryotes et les procaryotes est que les cellules eucaryotes stockent leur information génétique dans un noyau lié à une membrane, tandis que pour la plupart des cellules procaryotes, l’ADN flotte librement dans le cytoplasme des cellules.
La bactérie géante conserve son ADN de manière plus organisée que les autres procaryotes : ses grappes d’ADN sont conservées dans des compartiments liés à la membrane, baptisés « pépins » en référence aux petites graines des fruits. Elle possède également trois fois plus de gènes que la plupart des autres bactéries.
Les cellules filamenteuses de Thiomargarita magnifica présentent une organisation interne plus complexe que celle des bactéries typiques. (Olivier Gros / Lawrence Berkeley National Laboratory)
Selon Volland :
La grande surprise du projet a été de réaliser que ces copies du génome qui sont disséminées dans toute la cellule sont en fait contenues dans une structure qui possède une membrane. Et cela est très inattendu pour une bactérie.
L’espèce a été nommée de manière appropriée Thiomargarita magnifica.
Pour Gonzalez-Rizzo :
Ce genre de découverte ouvre de nouvelles questions sur les morphotypes bactériens qui n’ont jamais été étudiés auparavant.
L’étude publiée dans Science : A centimeter-long bacterium with DNA contained in metabolically active, membrane-bound organelles et présentée sur le site du Laboratoire national Lawrence-Berkeley : Giant Bacteria Found in Guadeloupe Mangroves Challenge Traditional Concepts.