Des palourdes mangeuses de bois utilisent leurs excréments pour dominer leur habitat
Quand on pense aux animaux qui creusent dans le bois, les palourdes ne sont probablement pas celles qui vous viennent à l’esprit. Pourtant, selon une nouvelle étude, certaines espèces de palourdes se développent sur des morceaux de bois enfouis au fond de la mer. Le bois, qu’il provienne d’arbres tombés ou de navires, regorge de vie et peut leur fournir un abri et des nutriments pour vivre. Mais ce n’est pas là, la partie la plus intéressante et la moins ragoûtante de l’histoire …
Des chercheurs ont examiné comment un groupe de palourdes xylophages a évolué pour construire des cheminées avec ses propres excréments. Ces palourdes, de la taille d’un petit pois, construisent ces structures fécales afin de s’assurer qu’elles obtiennent davantage de ce bois marin pour elles-mêmes. Elles creusent dans le bois, formant un trou qui devient alors à la fois une source de nourriture et un abri sûr.
Selon Janet Voight, auteure principale de l’étude et conservatrice au musée Field (États-Unis) :
Toute créature marine doit relever deux défis : faire entrer de l’eau pure, pour que ses branchies puissent recevoir de l’oxygène, et se débarrasser de ses déchets. Car personne ne veut vivre dans son caca. Mais voici ces palourdes qui vivent avec les leurs et qui prospèrent.
Alors que certains bois du plancher océanique peuvent abriter un large éventail d’animaux, d’autres morceaux trouvés par les chercheurs étaient tellement rongés et mâchés qu’ils s’effritaient lorsqu’on les manipulait.
Du bois récupéré au fond de l’océan et tellement rongé par les palourdes qu’on peut l’émietter avec la main. (Kate Golembiewski, Field Museum)
Les chercheurs ont voulu comprendre pourquoi cela se produisait. Après avoir examiné les espèces de xylophages présentes dans des échantillons de bois provenant du monde entier, ils ont commencé à remarquer une tendance.
Il y a six branches dans la famille des xylophages, mais une seule espèce était réellement responsable de la dégradation du bois. « Vous supposez que toutes les espèces de palourdes xylophages percent le bois de la même manière », a déclaré Voight, qui a découvert que les palourdes du clade Xylophaga dorsalis étaient responsables de tout le travail de mastication et de défécation. Mais ce n’est pas le cas.
Des précédentes études suggéraient que le bois mâché, qui partait en lambeaux, était dû à une eau plus chaude ou à la présence de davantage de larves à proximité. Cette nouvelle étude suggère que les palourdes sont les véritables coupables. Lorsqu’elles creusent et s’enfoncent dans le bois, elles remplissent l’espace qui les entoure de leurs propres excréments. Et elles ne le font pas exprès, c’est juste anatomique, selon Voight.
A partir de l’étude : deux dépôts de sapin de Douglas récupérés après 24 mois (a) à 2701 m de profondeur, percé par la palourde Xylonora corona. (b) à 2211 m de profondeur, percé par la palourde Xylophaga oregona membre du clade X. dorsalis. (Janet R. Voight, Philipp R. Heck & Kevin T. Du Clos/ Marine Biodiversity)
Au fur et à mesure que la coquille s’enfonce, les siphons (parties tubulaires du corps qui prennent l’eau pour obtenir de l’oxygène et éjecter les déchets), dépassent derrière elle. Alors que la plupart des palourdes xylophages ont de longs siphons qui dépassent dans l’eau, ces palourdes ont un siphon plus court qui est utilisé pour expulser l’eau désoxygénée et les excréments restent en fait à l’intérieur du trou de forage.
Les déchets à l’intérieur de la palourde forment une sorte de cheminée fécale qui s’enroule autour du siphon. Ce n’est probablement pas la façon la plus hygiénique de vivre, mais cela ne semble pas épargner aux palourdes de nombreux problèmes qu’elles pourraient rencontrer autrement. En fait, la cheminée de caca pourrait servir de signal pour que les larves de palourdes s’installent dans le bois, ont supposé les chercheurs.
Pour Voight, En plus de résoudre le mystère du bois mâché, l’étude montre l’importance de considérer l’écologie en comprenant comment les différentes espèces sont connectées les unes aux autres, et pourquoi seule cette espèce se comporte ainsi. Lorsque vous êtes confronté à quelque chose qui semble énigmatique, vous devez parfois prendre du recul et regarder la situation dans son ensemble, conclut-elle.
L’étude publiée dans le journal Marine Biodiversity : Competition in the deep sea: phylogeny determines destructive impact of wood-boring xylophagaids (Mollusca: Bivalvia).