Découverte d’une toute nouvelle méthode de refroidissement qui pourrait un jour remplacer nos réfrigérateurs polluants
En hiver, il arrive (de moins en moins souvent en France) que des camions municipaux projettent du sel sur les routes et les trottoirs pour les déneiger. Bien qu’aucune chaleur ne soit apportée, la dissolution du sel abaisse effectivement le point de congélation de l’eau, ce qui explique pourquoi la glace fond même par des températures inférieures à zéro. Et comme le monde naturel est guidé par la conservation de l’énergie, la glace qui fond refroidit son environnement.
Image d’entête de Jenny Nuss/ Berkeley Lab.
Il est remarquable qu’aucun apport d’énergie ne soit nécessaire pour que cela se produise, ce qui a donné à certains scientifiques une excellente idée. Dans une nouvelle étude, des chercheurs du Laboratoire national Lawrence-Berkeley du ministère de l’Énergie des États-Unis ont utilisé ce principe physique pour mettre au point un nouveau dispositif de réfrigération qui refroidit les objets de façon totalement différente de celle du réfrigérateur classique. Cette nouvelle méthode est censée être non seulement plus efficace sur le plan énergétique, mais aussi beaucoup plus respectueuse de l’environnement, car la réfrigération classique utilise des gaz à effet de serre extrêmement puissants comme agent réfrigérant.
Tout comme la réfrigération habituelle, la nouvelle technique de refroidissement en question, appelée « refroidissement ionocalorique », exploite le fait que la chaleur est absorbée ou libérée lorsque les matériaux changent de phase, par exemple lorsqu’ils passent de la glace solide à l’eau liquide. Pour que la glace fonde, elle doit absorber la chaleur de son environnement et lorsque l’eau gèle, elle libère de la chaleur dans l’environnement.
Dans un dispositif ionocalorique, ce changement de phase ne se produit pas en pressurisant ou en chauffant un matériau, mais plutôt par le biais du flux d’ions, qui sont des atomes ou des molécules chargés électriquement. Lorsqu’un champ électrique est appliqué à un matériau, les ions de ce matériau subissent une force et commencent à se déplacer. Ce mouvement provoque une modification de l’entropie du matériau, ce qui entraîne un changement de température. En appliquant et en supprimant un champ électrique de manière contrôlée, il est possible d’utiliser l’effet ionocalorique pour produire un refroidissement ou un réchauffement.
Cette animation illustre le cycle ionocalorique en action. Lorsqu’on ajoute un courant, les ions circulent et transforment le matériau de solide à liquide, ce qui fait que le matériau absorbe la chaleur de l’environnement. Lorsque le processus est inversé et que les ions sont retirés, le matériau se cristallise en un solide, libérant de la chaleur. (Jenny Nuss/ Berkeley Lab)
Mais cette méthode est-elle réellement réalisable ? Après avoir affiné la théorie qui sous-tend le cycle ionocalorique et démontré la technique de manière expérimentale, les physiciens du Berkeley Lab pensent que oui.
Pour Drew Lilley, assistant de recherche diplômé au Berkeley Lab et candidat au doctorat à l’université de Californie à Berkeley qui a dirigé l’étude :
Le paysage des réfrigérants est un problème non résolu : personne n’a réussi à mettre au point une solution alternative qui rende les choses froides, fonctionne efficacement, soit sûre et ne nuise pas à l’environnement. Nous pensons que le cycle ionocalorique a le potentiel d’atteindre tous ces objectifs s’il est réalisé de manière appropriée.
Le dispositif ionocalorique est une technologie à l’état solide qui utilise le mouvement ionique, contrairement au refroidissement conventionnel qui repose sur le changement de phase d’un liquide pour absorber la chaleur et produire du froid. Aucun compresseur ou détendeur, ni aucune pièce mobile n’est nécessaire, ce qui signifie qu’un réfrigérateur ionocalorique est potentiellement plus économe en énergie, plus respectueux de l’environnement et capable de chauffer ou de refroidir rapidement en fonction de la situation, et peut couvrir une plus large gamme de températures.
L’équipe de chercheurs a réalisé des expériences en utilisant un sel composé d’iode et de sodium pour faire fondre des cristaux de carbonate d’éthylène, un solvant organique couramment utilisé dans les batteries Li-ion. En utilisant un seul volt de charge, la différence de température du système a atteint 25 degrés Celsius.
La nouvelle étude mentionne également que le cycle ionocalorique a le potentiel de concurrencer, voire de dépasser, l’efficacité des réfrigérants gazeux présents dans la majorité des systèmes actuels. En outre, en utilisant un matériau comme le carbonate d’éthylène, qui peut être produit en utilisant le dioxyde de carbone comme intrant, le réfrigérant pourrait avoir un potentiel de réchauffement planétaire négatif, ce qui signifie qu’il pourrait en fait éliminer le carbone de l’atmosphère.
Cet aspect est particulièrement important étant donné que de nombreux pays s’efforcent d’atteindre les objectifs en matière de changement climatique, tels que ceux de l’accord de Kigali (accepté par 145 parties, dont les États-Unis, en octobre 2022). Cet accord engage les signataires à réduire la production et la consommation d’hydrofluorocarbures (HFC) d’au moins 80 % au cours des 25 prochaines années. Les HFC sont de puissants gaz à effet de serre que l’on trouve couramment dans les réfrigérateurs et les systèmes de climatisation.
Selon Lilley :
Il est possible d’avoir des réfrigérants dont le PRG (potentiel de réchauffement planétaire) est non seulement nul, mais aussi négatif. L’utilisation d’un matériau comme le carbonate d’éthylène pourrait en fait être neutre en carbone, car il est produit en utilisant du dioxyde de carbone comme intrant. Cela pourrait nous permettre d’utiliser le CO2 issu de la capture du carbone.
L’étude publiée dans Science : Ionocaloric refrigeration cycle et présentée sur le site du Laboratoire national Lawrence-Berkeley : Berkeley Lab Scientists Develop a Cool New Method of Refrigeration.
Merci beaucoup
Mais avec plaisir Cécile !