Les fourmis ont un moyen plus efficace de couvrir le terrain qu’une recherche purement aléatoire
Ne sous-estimons pas les fourmis. Il est pardonnable de les observer rechercher de nourriture et de penser que leur mode de recherche consiste en une marche aléatoire et quelque peu frénétique dans n’importe quelle direction. Mais de nouvelles recherches suggèrent que vous auriez tort.
Image d’entête : nid de Temnothorax rugatulus, l’espèce étudiée ici, situé sur la face inférieure d’un rocher dans une forêt de l’Arizona. (Gary D. Alpert / Museum of Comparative Zoology)
En fait, une étude sur les habitudes de marche d’une espèce de fourmis des rochers révèle l’ANT-ithèse, pour reprendre les mots des chercheurs (ant = fourmi), de l’errance sans but. Des scientifiques de l’Université d’Arizona, à Tucson, ont découvert que les fourmis entrecoupent leurs promenades aléatoires de détours systématiques pour créer un modèle de recherche très ordonné.
Selon le chercheur principal de l’étude, le Dr Stefan Popp :
Auparavant, les chercheurs sur le terrain supposaient que les fourmis se déplaçaient selon une marche purement aléatoire lorsqu’elles cherchaient des cibles dont elles ne connaissaient pas l’emplacement. Nous avons découvert que les fourmis des rochers, Temnothorax rugatulus, se déplacent de façon régulière et surprenante lorsqu’elles explorent la zone autour de leur nid. Cela veut dire que les fourmis alternent doucement des virages à gauche et à droite sur une échelle de longueur relativement régulière d’environ trois longueurs de corps.
Popp et ses collègues qualifient ce comportement de « méandres », comme le débit d’une rivière qui atteint sa destination finale.
Résumé graphique de l’étude : Il s’agit d’un “méandre systématique”, qui peut augmenter l’efficacité de la couverture des zones dans la recherche des fourmis. (S.Popp et col./ iScience)
Selon l’équipe, ces méandres pourraient constituer un moyen plus efficace de couvrir le terrain qu’une recherche purement aléatoire. Le fait de croiser leur propre chemin moins souvent que s’ils suivaient une piste aléatoire signifie qu’ils cherchent moins souvent deux fois la même zone.
Leur étude montre que 78 % des fourmis présentaient une « autocorrélation négative » significative tous les 10 millimètres, soit environ 3 longueurs de corps. L’autocorrélation négative signifie que les virages dans une direction sont généralement suivis d’un virage dans la direction opposée tous les 10 millimètres environ. En conséquence, les fourmis restent relativement proches du nid tout en évitant de faire des doubles tours dans leur recherche.
Il est difficile de suivre les mouvements des fourmis d’une colonie dans la nature. L’équipe de Popp en a donc déplacé une entière dans leur laboratoire. Là, ils pouvaient plus facilement suivre les fourmis et contrôler l’environnement.
Pour s’assurer que les méandres qu’ils avaient remarqués n’étaient pas le résultat d’une marche aléatoire, l’équipe a comparé les trajectoires des fourmis à un modèle statistique.
En statistique, une marche aléatoire peut être assimilée à un « titubage ». Vous pouvez faire un pas à gauche ou à droite et chaque pas que vous faites a une probabilité égale (50 %) d’être un pas vers la gauche ou vers la droite.
Selon Popp :
Nous voulions nous assurer que nous ne voyions pas des modèles là où il n’y en a pas.
Cette étude est un autre exemple du comportement complexe des fourmis. M. Popp dit s’intéresser aux processus qui, dans l’esprit des fourmis, permettent l’émergence de modèles de recherche aussi complexes.
La façon dont ces insectes ont développé des habitudes de recherche pendant des centaines de millions d’années peut aider à concevoir des applications telles que des essaims de robots de recherche autonomes ou des drones utilisés dans des zones sinistrées ou des paysages inexplorés, ajoute-t-il.
L’étude publiée dans iScience : Ants combine systematic meandering and correlated random walks when searching for unknown resources.