Les instruments utilisés pour détecter l’éventuelle présence d’une vie passée ou présente sur la planète rouge ne seraient pas assez sensibles
Les astromobiles (rovers) martiennes chargées de rechercher des traces de biologie pourraient rouler sur des formes de vie microscopiques sans rien détecter, tout simplement parce que leurs instruments ne sont pas à la hauteur de la tâche.
Image d’entête : l’astromobile Perseverance de la NASA a pris ce selfie le 22 janvier 2023 en regardant l’un des 10 tubes déposés dans le dépôt d’échantillons qu’il a créé dans une zone surnommée « Three Forks ». Ces échantillons devraient être récupérés dans les années à venir pour un retour sur Terre. (NASA/JPL-Caltech/MSSS)
Une nouvelle étude menée dans le plus vieux désert de la Terre montre que la technologie actuelle ne permet pas toujours de repérer les signatures de la vie à la surface de notre propre planète. Sans parler de celle de Mars.
Les chercheurs à l’origine de cette étude (lien plus bas) affirment que si nous n’améliorons pas notre capacité à identifier la « matière noire microbienne » disparue depuis longtemps, la vie sur Mars continuera à nous échapper. Surtout si la vie que nous recherchons a existé il y a des milliards d’années, lorsque la planète était plus chaude et plus humide qu’aujourd’hui.
Le désert d’Atacama, au Chili, présente un ancien delta appelé la « Red Stone », qui contient du sable et des roches riches en hématite et en mudstone (argile ou boue). Sur le plan géologique, cette région est assez semblable à certaines régions de Mars, c’est pourquoi les astrobiologistes l’utilisent souvent comme modèle pour la planète rouge.
A partir de l’étude : (a) emplacement de Red Stone dans le désert d’Atacama. (B) Image satellite avec zoom sur la région environnante (données satellite Sentinel 2020). (C) Reconstruction paléogéographique du système alluvial/delta illustré en B. (A. Azua-Bustos et col./ Nature Communications)
Lorsque les chercheurs chiliens ont testé la minéralogie de Red Stone avec les meilleurs instruments disponibles aujourd’hui, ils ont découvert de mystérieux signaux.
Près de 9 % des séquences génétiques obtenues à l’aide du séquençage de nouvelle génération ont été classées dans la catégorie « non classées », tandis que 40 % des séquences restantes n’ont pu être attribuées à rien de plus spécifique que les taxons les plus élevés, tels que les ordres ou les domaines.
Les chercheurs de l’Université autonome du Chili (Universidad Autónoma de Chile) affirment que leurs résultats révèlent « un degré inhabituellement élevé d’indétermination phylogénétique. »
Pour cette étude, des scientifiques prélèvent des échantillons du sol aride du désert d’Atacama. (Armando Azua-Bustos/ Centro de Astrobiología)
L’équipe a proposé un nouveau concept pour représenter cette incertitude, ce qu’ils appellent un « dark microbiome ». Ce terme désigne essentiellement les micro-organismes que les scientifiques peuvent détecter via le séquençage génétique sans savoir exactement ce qu’ils sont.
Selon les chercheurs :
Ainsi, le dark microbiome de Red Stone peut être composé d’espèces existantes véritablement nouvelles que l’on ne trouve nulle part ailleurs sur Terre, mais il se peut aussi que ce microbiome représente en fait la communauté relique d’espèces microbiennes qui habitaient le delta de Red Stone dans un lointain passé, et dont on ne trouve aucun parent dans les bases de données de séquences existantes.
Les échantillons de Red Stone ont également été analysés par des instruments de test utilisés sur Mars ou destinés à cette dernière, qui ont montré que la détection des micro-organismes était beaucoup plus difficile, avec une détection limitée ou nulle dans la plupart des cas.
L’année dernière, l’astromobile Perseverance a trouvé sur Mars des « signes forts » de matière organique en traversant le delta d’une ancienne rivière. Les années précédentes, l’astromobile Curiosity a détecté des signes de molécules organiques dans le sable et la boue séchée.
Ces découvertes sont prometteuses, mais la matière organique n’est pas un signe certain de vie. On ne sait toujours pas si ces molécules ont effectivement des origines biologiques.
Les chercheurs chiliens concluent :
Nos analyses par des instruments de banc d’essai qui sont ou seront envoyés sur Mars dévoilent que, bien que la minéralogie de Red Stone corresponde à celle détectée par les instruments au sol sur la planète rouge, des niveaux aussi faibles de matières organiques seront difficiles, voire impossibles à détecter dans les roches martiennes selon l’instrument et la technique utilisés.
Nos résultats soulignent l’importance du retour d’échantillons sur Terre pour déterminer de manière concluante si la vie a jamais existé sur Mars.
Depuis des années, la NASA prévoit de récupérer ses échantillons sur Mars pour les examiner de plus près. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Aller sur Mars et en revenir nécessite une mission spatiale qui doit aller plus loin que jamais.
La date de ce moment historique est actuellement fixée à un moment donné dans les années 2030 ou 2040. Espérons que d’ici là, notre technologie sera mieux équipée pour examiner de près ce qui a été trouvé.
L’étude publiée dans Nature Communications : Dark microbiome and extremely low organics in Atacama fossil delta unveil Mars life detection limits et présentée sur le site du Centro de Astrobiología (CAB): Una investigación del Centro de Astrobiología sobre un antiguo lecho fluvial en el Desierto de Atacama sugiere que encontrar restos de vida en Marte será más difícil de lo pensado.