Un ancien plancher océanique aurait touché le noyau de la Terre
Tout le monde connaît l’idée de trouver des trésors engloutis au fond des océans. Des scientifiques viennent peut-être de découvrir un ancien plancher océanique qui est lui-même une sorte de trésor géologique enfoui. À partir de relevés sismiques effectués en Antarctique pendant trois ans, une équipe de chercheurs a conclu qu’il y a des millions d’années, le plancher océanique s’est enfoncé au cœur de notre planète, où il a atterri sur la base d’une couche relativement mince entourant le noyau de la Terre. Selon les chercheurs, cette découverte pourrait nous aider à mieux comprendre comment la chaleur s’échappe du noyau, ou comment les matériaux océaniques peuvent remonter à la surface à la suite d’éruptions volcaniques.
Image d’entête : des ondes sismiques provenant du monde entier ont été échantillonnées par un équipement installé en Antarctique. (Edward Garnero et Mingming Li, Arizona State University)
Lorsque la géoscientifique Samantha Hansen et son équipe de l’université de l’Alabama (UA/ États-Unis) ont installé 15 sismographes en Antarctique en 2012, ils souhaitaient utiliser les ondes des tremblements de terre autour de la planète pour obtenir une image des montagnes qui étaient en grande partie enfouies sous la glace. Ces recherches, qui ont duré 3 ans, ont porté leurs fruits et ont donné lieu à plusieurs publications, mais les données ont révélé des énergies inhabituelles après le passage des ondes des tremblements de terre à travers la limite noyau-manteau (CMB pour core-mantle boundary). Hansen et ses collègues ont donc décidé de poursuivre leurs recherches.
La CMB se trouve à environ 3 219 km sous la surface de la Terre. L’équipe de recherche a constaté que les ondes sismiques ralentissaient lorsqu’elles atteignaient une certaine couche qui, bien que mesurant de 4 à 40 km d’épaisseur, est extrêmement mince en termes de composition planétaire. Le ralentissement des ondes à travers cette zone la caractérise comme une zone de vitesse ultra-faible (ULVZ pour Ultra low velocity zone).
Selon Edward Garnero, professeur à la School of Earth and Space Exploration de l’université d’État de l’Arizona, qui a participé à l’étude :
En analysant des milliers d’enregistrements sismiques provenant de l’Antarctique, notre méthode d’imagerie haute définition a permis de découvrir de minces zones anormales de matériau au niveau de la CMB partout où nous avons sondé. L’épaisseur de la matière varie de quelques kilomètres à des dizaines de kilomètres. Cela suggère que nous voyons des montagnes sur le noyau, à certains endroits jusqu’à cinq fois plus hautes que le mont Everest.
Des chercheurs descendent du matériel sismique dans l’une des stations de l’Antarctique en 2012. (Lindsey Kenyon/ Université de l’Alabama)
La façon dont les ondes sismiques ont ralenti lorsqu’elles ont touché la zone de vitesse ultra-faible a conduit les chercheurs à conclure qu’elle était composée de matériaux provenant d’un ancien plancher océanique qui a été poussé à travers le manteau terrestre pendant des centaines de millions d’années. En effet, un tel matériau serait encore plus dense que la roche liquide constituant le manteau et ralentirait les ondes sismiques dans les proportions révélées par les données.
Alors que des mesures de l’ULVZ ont déjà été effectuées dans des zones éparses, les données de cette étude suggèrent qu’elle pourrait bien entourer l’ensemble du noyau de la Terre.
Selon Hansen :
Les études sismiques telles que la nôtre fournissent l’imagerie à la plus haute résolution de la structure intérieure de notre planète, et nous découvrons que cette structure est beaucoup plus complexe qu’on ne le pensait. Nos recherches permettent d’établir des liens importants entre la structure de la Terre à faible et à grande profondeur et les processus globaux qui régissent notre planète.
L’étude publiée dans Science Advances : Globally distributed subducted materials along the Earth’s core-mantle boundary: Implications for ultralow velocity zones et présentée sur le site de l’Université de l’Alabama : Beneath the Earth, Ancient Ocean Floor Likely Surrounds the Core.